B.1.1- Perception de la médecine traditionnelle

Pour les herboristes traditionnels, la santé est simplement l’absence de maladie, un état d’un organisme sans douleur, sans dysfonctionnement. Dans cette perspective, la maladie est « une douleur » qui s’introduit dans l’organisme. Il s’agit là de la perception générale de la médecine traditionnelle. Les Béti du Sud du Cameroun disent : « il a (j’ai) la douleur dans le corps » pour exprimer l’état de maladie. Dans certains cas, la maladie est perçue comme un mal mobile, qui peut mouvoir d’une partie du corps humain à une autre. Il en résulte une représentation de la maladie comme l’action des corps matériels, les vers (/nsoñ/), les épines (/eyoh/), selon que le mal est mobile ou fixe. Les douleurs gynécologiques ressenties par les femmes sont généralement appelées /nsoñ bininga/ pour dire « le ver des femmes ». Les soins médicaux apportés au malade dans ce contexte ont pour objectif de « tuer » la douleur ou de l’évacuer de l’organisme.

Les maux du corps humain sont également perçus par la médecine traditionnelle comme résultant de l’action des sorciers. Il est admis chez les Bassa du Sud Cameroun tout comme chez la majorité des peuples de cette région que les vers (/nsoñ/) qui causent la douleur sont "jetés" ou "lancés" aux malades par des sorciers. Les Beti admettent entre autres causes des douleurs du corps humain, les moustaches de panthère (/nsém zèh/). Ces moustaches de panthère sont lancées aux malades par des sorciers. De manière générale, les peuples de la forêt du sud du Cameroun considèrent que l’efficacité de l’action humaine est accrue par des fétiches. Ainsi il existe des fétiches qui permettent d’envoûter d’autres personnes. De tels fétiches sont utilisés à des fins sentimentales. Ils sont utilisés autant par les femmes que par les hommes. Au plan de la santé, de tels fétiches peuvent rendre fou en « enlevant » le cœur de la victime pour dire lui enlever la raison. ELANGA Maurice, un musicien camerounais des années 70-90 exprime cette perception dans une chanson intitulée Timothée abele me nnem pour dire Timothée détient ou possède mon cœur. Chez les Beti le fou est un homme sans cœur. L’idée d’envoûtement (possession de cœur) permet aux Beti d’expliquer certains cas de maladies psychologiques.

Dans le même sens, il existe des fétiches permettant de tuer plus facilement les gros gibiers (buffle, éléphant, gorille, etc.). La moustache de panthère en fait partie. Au plan de la santé humaine, l’on admet qu’un fétiche qui peut tuer un animal peut aussi tuer un homme, l’homme étant au plan biologique, un animal. Dans la même perspective, certaines maladies se contactent en traversant des sorts disposés sur le sol comme des pièges.

Dans le cas de la guérison des maux jetés ou lancés, la médecine traditionnelle utilise invariablement les vertus thérapeutiques des feuilles, les écorces, les racines et sous différentes présentations (infusion à boire, à purger, à masser, poudre à appliquer dans des scarifications, onguents à appliquer sur la peau etc.). Certains produits sont à absorber par voie nasale ou comme des gouttes à mettre dans les jeux.

La médecine traditionnelle perçoit par ailleurs la maladie comme résultant des joutes sorcières. Dans cette perspectives, les maux ressentis physiquement par certains malades résultent des violences (bagarres, accidents, etc.) subies la nuit dans les activités mystiques des sorciers. Pour guérir de tels maux, le malade doit confesser son implication dans l’activité mystique. Sans cette confession le traitement reçu ne peut avoir aucune efficacité.

De manière générale, la médecine traditionnelle perçoit la maladie comme des maux ou douleurs dus à des éléments extérieurs naturels ou mystiques. Les maladies naturelles peuvent être dues à ce qu’on mange, à ce qu’on touche. Dans ce sens il est admis qu’un régime alimentaire sans légumes, ne facilite pas l’élimination des déchets et dans ce cas, provoque des maladies. Par ailleurs, on admet que le non respect des tabous alimentaires est la cause de certaines maladies. Chez les Vute, manger la viande de serpent provoque des maladies de la peau. Dans le même sens, les Bafia pensent que manger la viande de tortue provoque la lèpre. La viande de rat palmiste provoquerait des oreillons chez les Béti.