A.2.3- La presse

Le sida avons-nous dit ultérieurement, a été porté à l’attention de l’opinion par la communication. Le rôle de la presse dans ce processus est déterminant. Il est pratiquement impossible d’analyser le processus de construction de la réalité du sida sans se référer à l’action des médias. Dès le début des années 80, l’OMS avait déjà misé sur les médias pour la diffusion des messages de sensibilisation. C’est dans ce sens qu’on pourrait comprendre le titre qui dit : Le rôle de l’information est essentiel selon l’OMS.

Les chercheurs dissidents ont misé eux aussi sur les médias pour faire passer leurs messages. C’est ainsi qu’ils ont constitué leurs revues (Vous et votre santé, La recherche, etc.) ou qu’ils utilisent abondamment Internet.

Nous avons vu au chapitre précédent que les médias ont une action persuasive très efficace. Ils bénéficient d’une présomption de crédibilité qui suscite l’adhésion des publics à leurs discours. En affirmant que la vérité vient d’en haut et la rumeur d’en bas, et en demandant à ses concitoyens d’écouter la radio et de lire le journal, le président camerounais Paul BIYA, reconnaissait la crédibilité des médias cités. Les médias ont joué sur la redondance pour asseoir la conception du sida comme une maladie fatale, transmissible par le sexe et par le sang. Cette représentation est présente dans toutes les éditions analysées jusqu’au moment de la rédaction du présent travail. En effet, malgré leurs tons divergents, les médias qu’ils soient nationaux ou étrangers continuent à diffuser la version dominante qui postule l’hypothèse virale et la transmission par le sexe et par le sang, même si un autre volet : la transmission de la mère à l’enfant, y est ajouté. D’ailleurs, cet ajout, loin de relativiser la version initiale, la conforte.

Les médias montrent les malades, les font parler. Ils montrent les morts et font parler les familles des victimes ; ils montrent les orphelins et "les localités décimées", toutes choses qui se donnent comme les éléments "palpables" de la réalité du sida. Celle-ci est perçue dès lors dans la perspective objective. Le public, à travers ces opérations de monstration, a l’impression de "voir le sida". L’on entend souvent répliquer, face à des interrogations dubitatives, par les arguments du genre : « qui n’a pas encore vu autour de lui, les ravages du sida ? Qui na pas encore perdu un membre de la famille à cause du sida ? ».