B.1- Transformation par rapport à l’épidémiologique

La transformation apparaît à travers un certain nombre de discours portant sur l’épidémiologie. En effet, les explications sur les mécanismes de la transmission du sida ont été marquées par la polémique et il en a résulté des discours nouveaux.

B.1.1- De l’homosexualité à la toxicomanie

La première modification va puiser dans les expériences du passé. A cet effet, le discours dominant, s’appuyant sur les observations faites sur la consommation de la drogue par cet autre malade, va orienter la modification de l’hypothèse du début par rapport à cette nouvelle catégorie (la toxicomanie). Il évoque la proximité sociale reconnue entre les homosexuels et les toxicomanes pour expliquer que le quatrième malade avait dû contracter la maladie à travers une seringue empruntée à un homosexuel. Cette modification admet que les homosexuels sont en majorité des toxicomanes, ce qui les rapproche socialement des autres toxicomanes hétérosexuels. Il y a, en plus de cette proximité sociale reconnue, le fait tout aussi reconnu que les virus peuvent se transmettre à travers une seringue ou tout autre objet tranchant qui permettrait le contact du sang d’un individu infecté avec celui d’un individu sain. Fort de ces pré-requis, la première modification apportée à l’hypothèse de base est acceptée.

Le rôle des acteurs est d’une importance déterminante pour comprendre ce phénomène. Michael GOTTLIEB a eu besoin de l’aval du Centre mondial de surveillance épidémiologie dont la compétence est reconnue et acceptée de tous les autres acteurs de ce champ. Au-delà de la compétence ci-dessus évoquée, le Centre mondial de surveillance épidémiologique apparaît également comme une instance de consensus scientifique. La sentence qui y est donnée a valeur de consensus universel. C’est du moins ce qui transparaît dans la décision de la diffusion mondiale de l’hypothèse ainsi reformulée.

L’idée de la transmission par le sang, loin de résoudre le problème a suscité beaucoup d’autres interrogations. En effet, les connaissances accumulées dans le passé révèlent que dans les pays tropicaux particulièrement, les moustiques et bien d’autres mouches piquantes transmettent certaines maladies par le sang. C’est le cas du paludisme, de la trypanosomiase, de la bilharziose etc. Dans ces conditions, les moustiques pourraient tout aussi bien transmettre la nouvelle maladie. Cette remarque a des implications déterminantes dans les principes de lutte formulés. En effet, ces stratégies de lutte préconisaient : l’abstinence homo ou hétérosexuelle, la fidélité à un seul partenaire (sain) et le cas échéant, l’usage du préservatif. Par rapport à la transmission par le sang, le discours de lutte préconisait l’utilisation personnelle des instruments tranchants (rasoir, instruments de piercing ou de scarification, les seringues, les bistouris, etc.). La logique ici est celle de l’évitement de la transmission du virus d’un humain à un autre humain à travers ces instruments technologiques.