B.2- La modification par rapport à la létalité

Quand apparaît le sida, le discours dominant laisse admettre qu’une fois les symptômes apparus, la personne atteinte est irrémédiablement condamnée à mourir dans les semaines ou les mois qui suivent. Certains experts situaient la moyenne de survie entre dix et quinze mois. La mort résultant du sida est présentée comme lente et atroce. Dans le document trouvés sur Internet intitulé La plus grande escroquerie de l’histoire de la science médicale on peut lire :

‘« D’après ce point de vue le VIH est un rétrovirus lymphotropique qui se transmet sexuellement. Après une période moyenne de 10 – 11 ans suivant l’infection et l’apparence d’anticorps neutralisants, Gallo a postulé que le VIH cause l’immunodéficience en tuant des billions de cellules T. A partir de ce moment, les maladies opportunistes sont sensées développées causant la mort une année après »’

Tous calculs faits, il apparaît, selon cette citation, que le sida tue onze à douze ans après la contraction et un an après l’apparition des symptômes.

Un autre texte Internet (op.cit) intitulé Le sida, oui mais… dit :

‘« Pourquoi toutes les autres maladies virales sont dites surmontées si le test des anticorps est positif, alors que l’hypothèse de la théorie sidaïque postule qu’à partir du moment où l’on est reconnu séropositif, il y a entre 50 et 100% de chance au plutôt de malchances d’attraper le sida dans les deux à dix ans (en 1990 on disait de deux à cinq ans) qui suivent ».’

Ces sources, bien qu’étrangère, traduisent les mêmes discours que les sources nationales. Pour l’année 1986, les éditions de Cameroon Tribune des : 03 janvier, 19 novembre, 15 décembre et 31 décembre, publient les articles mettant l’accent sur la létalité du sida. Cette tendance reste constante dans les autres articles de notre corpus. A l’analyse des deux citations précédentes, il apparaît que la survie après la révélation de la positivité du test au vih était courte dans la période qui a suivi la découverte du sida ; et bien après, elle s’est allongée. De prime abord, on pourrait imaginer que le rallongement aussi bien de la période d’incubation que de la suivie avec la maladie tient à la découverte des médicaments de plus en plus efficaces. Dans le fond, il n’en est rien. Dans le texte intitulé Le SIDA, oui, mais … (op.cit) on peut lire :

‘« Des anticorps sont ensuite découverts dans le sang d’un Zaïrois, échantillon qui remonte à 1959. Puis on découvre le "virus" lui-même dans le sang d’une Africaine prélevé en 1976 ». ’

Plus loin le texte précise :

‘« Ce que l’on oublie de dire, c’est que ces africains, porteurs de ce soi-disant virus, se portaient jusque-là bien ! » ’

Si nous admettons que ces tests, dont la date n’a pas été révélée, ont été effectués en 1984, il apparaît que les deux Africains en question avaient déjà vécu avec le virus : vingt cinq ans pour l’homme et huit ans pour la femme. Cette durée se rallonge si nous postulons que ces tests ont été effectués plus tard, c’est-à-dire après la découverte « définitive » du virus du sida survenue en 1984. De tels constats amènent à revoir les hypothèses formulées sur la période d’incubation et donc de survie générale après la contraction du virus du sida. L’on comprend mieux pourquoi les premiers messages ont été reformulés. L’amélioration des connaissances à la base de cette modification porte sur les découvertes réalisées aussi bien sur les médicaments que sur les caractéristiques de la maladie elle-même.

Aujourd’hui, il est de plus en plus soutenu par les médecins, qu’on ne devrait plus mourir de sida. Dans cette perspective le sida est perçu comme une affection avec laquelle on peut vivre. L’idée de fond est que le sida peut se contenir par des médicaments qui malheureusement ne le guérissent pas définitivement. Un tel postulat s’appuie sur l’expérience que l’on a de certaines affections telles que le diabète, l’insuffisance rénale, l’hypertension artérielle… que la médecine arrive à contenir sans pour autant guérir totalement. Seulement, les messages véhiculés sur la létalité du sida n’ont pas été « retirés » de la communication sociale au Cameroun. A Yaoundé, certaines formations sanitaires telles que l’hôpital central, le dispensaire de Mvog-Ada, portent toujours sur leurs murs d’enceinte, des graffitis montrant le caractère fatal du sida. Par ailleurs, le sida a suscité plusieurs études et dans diverses disciplines. La plupart de ces études tendent à confirmer le caractère létal de la maladie et cherchent à découvrir dans les comportements (surtout sexuels) ce qui empêche de contenir l’expansion révélée par les statistiques officielles.

Au total, les discours, qu’ils portent sur la nature de l’affection, l’épidémiologie ou sur les effets du sida, n’ont cessé d’être questionnés et remis en cause. Ce questionnement a suscité à chaque fois une modification des hypothèses de départ. Les modifications ainsi apportées ne sont pas en rupture totale avec la logique des formulations initiales.