C.1- Invention par rapport à la nature du virus

La première pomme de discorde apparaît dans la nature du virus découvert. Il est présenté comme faisant partie de la famille des rétrovirus. L’identification du vih comme un rétrovirus pose problème sur deux aspects :

- D’abord, parce que les connaissances accumulées par les recherches antérieures sur ce type de virus drainaient de forts soupçons de manipulation par les chercheurs qui y étaient engagés. Etienne De HARVEN écrit à cet effet :

‘« En ce qui concerne la politique de recherche scientifique, il était manifeste que la recherche sur de prétendus virus oncogènes était dominée par l’hypothèse rétrovirale. Les crédits d’origine fédérale prenaient presque tous cette même direction, d’autant plus que prévalait l’idée très naïve selon laquelle le succès de la recherche scientifique était avant tout… une question de gros sous ! »’

Etienne De HARVEN est chercheur dissident qui conteste le lien causal entre le vih et le sida. Ces critiques sont formulées au niveau du critère habermassien de la sincérité. Son expression « prétendus virus oncogènes » en est révélatrice. Ce soupçon semble obéir le plus à des préoccupations financières que scientifiques. Cette interférence entre les préoccupations scientifiques et les considérations d’ordre économique apparaît comme un brouillage discursif qui explique l’émergence des élaborations nouvelles que nous considérons dans le cadre de ce travail comme des inventions. C’est dans ce sens qu’il faut situer les discours à prétention scientifique qui affirment par exemple que le sida est dû à un virus conçu en laboratoire dans le processus de fabrication d’un vaccin.

Certains autres chercheurs dissidents ont opposé aux discours purement scientifiques. Dans ce sens, le document intitulé Sida : l’heure du bilan (op.cit) dit :

‘« A cette époque, l’Amérique voyait enDUESBERG un candidat au Nobel. Mais son intégrité scientifique va se retourner contre lui. Apprenant qu’un rétrovirus serait la cause de la nouvelle maladie (…) il s’interroge : 1) Les rétrovirus ont toujours été inoffensifs pour les humains. 2) Ils ne peuvent pas détruire leur cellule hôte, car ils ont besoin d’elle pour se propager dans l’organisme. 3) La responsabilité du VIH dans le déficit immunitaire ne respecte pas les postulats de Koch ; qui attestent de la responsabilité d’un virus dans une nouvelle maladie …».’

Il apparaît, à l’analyse de cette dernière citation, une césure entre les connaissances acquises, les allants de soi, et les postulats du discours dominant. La critique ici se fonde sur les connaissances jusque-là admises sur le caractère non pathogène des rétrovirus. D’autres auteurs (chercheurs en virologie) vont dans le même sens. Il en est ainsi de Kary MULLIS, Eleni PAPADOPULOS etc. Ensuite, l’incompatibilité entre les allants de soi et les anciens postulats, ouvre la voie à de nouvelles formulations. Ces formulations bien que basées sur d’autres allants de soi sur les virus, peuvent être considérés comme des inventions par rapport à ce qui était jusque-là admis dans le fonctionnement de la nouvelle maladie. Dans ce sens, il est admis que des virus peuvent muter c’est-à-dire changer de nature en assimilant dans leur structure, des éléments ou particules d’un autre virus. Le virus mutant a, dès lors, un comportement différent de celui de ses parents (l’ancienne structure et le virus dont il a « emprunté » la particule).

Parlant du sida, les acteurs de la logique dominante vont postuler la mutation du rétrovirus présenté comme responsable du sida. Selon cette logique, le virus ou mieux le rétrovirus (la confusion est présente dans la communication sur le sida) responsable du sida viendrait de la mutation d’un virus simien (de singe), qui aurait changé d’hôte en passant chez l’homme. Le professeur Peter NDUMBE à cet effet, dit : 

‘« Il y a des théories qui disent que les rétrovirus étaient saprophytes de l’homme mais quand la situation de l’homme a changé, le rétrovirus a changé lui aussi mais ce n’est pas le cas du vih ». ’

A la question : que voulez-vous dire par : « la situation de l’homme a changé » ? Il répond :

‘ «Le changement, c’est par exemple la situation de la maladie. C’est par exemple aussi le style de vie sexuelle »12. ’

D’autres acteurs, suivant la même logique de mutation, estiment que la mutation est exclusivement due au changement de comportements sexuels. Pour eux, il s’agirait d’un virus (rétrovirus) humain qui, originellement était inoffensif mais qui serait devenu pathogène, du fait de ce "changement de comportement" humain. L’argument de la mutation est convoqué pour pallier une incompatibilité logique entre les connaissances acquises et les hypothèses formulées ; il s’agit donc d’une invention c’est-à-dire une construction, un montage des éléments ou mieux des connaissances disponibles pour rendre intelligible les énoncés problématisés.

Au total, nous pouvons dire que l’idée de la mutation d’un virus initialement pacifique en un virus pathogène apparaît comme une invention qui rend intelligible la nature rétrovirale du vih.

Notes
12.

Entretien du 07 Juillet 2005