Études de terrain

Afin d’appréhender les questions énoncées précédemment, j’ai effectué plusieurs voyages entre 2003 et 2007 dans quatre pays d’Afrique francophone, grâce auxquels j’ai pu confirmer les dimensions spatiales de cette étude et affiner les dimensions temporelles pressenties lors du travail de recherche dans le cadre du D.E.A., portant sur les portraits du Mali des années 1950 à nos jours. Les premières dimensions couvrent les quatre pays suivants : le Bénin, le Togo, le Burkina Faso et le Mali. Ils sont un bon exemple de la diversité des portraits et de la progression de la photographie entre les côtes et l’intérieur du continent. Ils sont traversés par les routes commerciales grâce auxquelles les idées sont véhiculées. Ils offrent une pluralité de cultures et de religions. Cependant, je n’ai pas écarté les portraits riches d’informations complémentaires proposés par les interlocuteurs et ayant été réalisés dans des pays voisins, tels que la Côte-d’Ivoire, le Ghana et le Nigeria où je ne me suis pas rendu, me tenant dans des limites géographiques instaurées et nécessaires dans le temps imparti par la recherche. Compte tenu de la circulation des photographes et avec eux de celle des idées et des cultures vivantes de part et d’autre des frontières actuelles, il apparaît d’ores et déjà évident que ces limites sont relativement artificielles et ne demandent qu’à s’élargir. Du Nigeria au Mali, en passant par le Bénin, le Togo, le Ghana, la Côte-d’Ivoire et le Burkina Faso, les hommes se déplacent. La délimitation géographique ne cherche pas à distinguer un art de pays spécifiquement francophones ou localisés dans la boucle inférieure du Niger. Il serait bien évidemment très intéressant d’examiner les productions de pays nettement plus à l’ouest (Libéria et Guinée), au nord (Niger) ou plus au sud du Nigeria (Cameroun et Gabon). Il semble, cependant, que le choix des quatre pays et de leurs cultures soit pertinent, dans le sens où ces derniers partagent plus que de simples traditions et techniques de la photographie, des aspects culturels qui seront amplement abordés.

Sur le parcours Bamako-Ouagadougou-Cotonou-Lomé, je me suis arrêté dans dix-sept villes de différentes tailles. Les villes sont au Mali : Bamako, Ségou, San, Djenné, Mopti, Tombouctou ; au Burkina Faso : Ouagadougou, Boromo, Bobo Dioulasso; au Bénin : Cotonou, Porto Novo, Abomey, Ouidah, Comé, Grand Popo ; au Togo : Lomé, Aného, Atakpamé (cartes, A. n° 1 et 2). Le choix des sites d’enquête a été déterminé par la relative facilité des déplacements. Il se devait d’être représentatif de petites, moyennes et grandes agglomérations, d’aspect urbain ou rural, situées dans des régions distinctes, désertiques ou très peuplées, assez espacées les unes des autres. L’ensemble des villes est un échantillon représentatif et non exhaustif. Kayes et Gao (au Mali), Nattingou et Mango, (respectivement au nord du Bénin et au nord du Togo) situées donc à des points extrêmes auraient été très intéressantes, mais trop éloignées pour maintenir la fluidité du parcours.

Quant aux bornes temporelles fixées entre les années 1960 et 2007, elles ont été définies de la manière suivante. Elles ont été déterminées en amont par le temps des indépendances et celui de l’ouverture accrue de studios par les Africains eux-mêmes, entraînant une reprise de leurs propres images, et par les premières apparitions de portraits doubles qui nous soient parvenus et qui ont été publiés dans des ouvrages occidentaux. Les datations seront néanmoins précisées dans la thèse grâce aux œuvres du corpus et grâce aux enquêtes menées sur place. En aval, ce sont les portraits en vogue de ces dernières années qui ont nécessité l’ouverture de l’étude sur une vaste période. Ces derniers portraits traduisent des formes différentes de doubles, comparées à celles des années précédentes, et donc une évolution des pratiques et des mœurs, tout en témoignant d’une sensibilité et d’une préoccupation esthétique proches de celles qui ont animé les objets précédents. Les démarches de l’étude sont restées attentives à des images qui seraient venues contredire ou bien ouvrir cette segmentation.