III.1. Cultures de la gémellité et doubles portraits

Mais avant tout, il convient de revenir sur la notion de gémellité par un essai de définition. La distinction va de soi entre : le phénomène biologique de la naissance et de l’existence des jumeaux issus d’un même oeuf et le principe de la symbolique gémellaire ; mais elle n’est pas toujours présente à l’esprit quand on parle de jumeaux. Ces deux réalités dont « la première est d’ordre physique et la seconde d’ordre noétique »507 sont, bien sûr, en relation profonde. Le phénomène de la naissance gémellaire a fondé une symbolique ; celle-ci dépasse le phénomène et devient véhicule de la pensée et moyen de réflexion et de communication. Il est intéressant de noter à ce propos que Castor et Polydeukès (ou Pollux) les jumeaux emblématiques des cultures occidentales à l’origine de la constellation des gémeaux n’étaient pas véritablement jumeaux - le terme jumeaux signifiant « nés le même jour » -. Castor et Pollux sont bien nés de la même mère Léda, mais le premier est le jumeau de Clytemnestre, le second d’Hélène. Ils ne deviennent jumeaux que par leur coexistence et par leur réunion que génère l’activité symbolique des hommes. Dans le présent travail, il s’agit de privilégier la symbolique des jumeaux, parce qu’elle reflète précisément, nous le verrons, l’attitude des cultures d’Afrique de l’Ouest envers les jumeaux. Qu’ils soient divins ou humains, réels ou fantasmés, images mentales ou représentations figurées, la symbolique des jumeaux englobe tout en la distinguant la gémellité et la dualité ; le binôme en étant la figure emblématique. En effet, si « la dualité avance la coexistence de deux, la gémellité ajoute l’unité originaire des deux »508.

Dans un premier temps, on observera l’omniprésence des jumeaux, des origines de l’humanité au quotidien des hommes, puis leurs significations ambiguës et symboliques dans cette partie de l’Afrique. On montrera que la forme symbolique des doubles portraits et la richesse des images ne peuvent s’appréhender que dans leur contexte.

Notes
507.

Kuntzmann (1985) p. 25.

508.

Ibid., p.25.