Première partie - Préliminaires théoriques

La violence domestique est principalement axée sur les hommes violents qui violentent leurs partenaires dans les différentes sociétés, et nous ne serons pas capable de réduire la violence conjugale si nous continuons à la catégoriser comme une affaire privée. La lutte contre la violence conjugale passe par la compréhension qu’il existe une corrélation entre celle-ci et la structure de la société toute entière, les conséquences de cette violence touchent la société toute entière et non seulement les victimes.

Depuis quelques années, on entend beaucoup parler de la violence conjugale comme si c’était un fait relativement nouveau, une nouvelle tendance et plus spécifiquement au Liban et c’était à cause de plusieurs facteurs: Le premier était l’influence des documents diffusés par les organisations de l’O.N.U. concernant les droits de l’Homme et surtout les droits de la femme. La femme qui est un être humain et qui ne diffère de l’homme que de son genre. Le second facteur est la société libanaise qui est une société basée sur le travail social (dans l’absence de l’Etat), sur les différentes associations de bienfaisance, entre autres des associations qui s’occupent de la femme. Le troisième facteur relève des O.N.G. qui ont reçu beaucoup de financement pour assurer quelques études traitant la situation de la femme au Liban et en s’identifiant au sujet de la violence déjà traité en Occident sans oublier la situation de la Femme des pays du tiers-monde qui est toujours classée dans un second degré.

Tous ces éléments ont poussé les chercheurs à travailler sur ces thèmes. Pourtant, le phénomène de la violence a toujours été présent depuis que le monde existe. La famille peut être le meilleur mais aussi parfois le pire des endroits où vivre. La famille, lieu d’épanouissement de chacun, lieu où chacun aspire à la quiétude, à la sécurité, à la possibilité de relâcher ses tensions, devient le terrain d’attaques incessantes. L’homme qu’elles ont aimé, qu’elles aiment souvent encore, cherche à les dominer, à ne plus les laisser libres de leurs choix, de leurs actes, de leurs pensées, de leurs sentiments. La violence au sein du couple n’est pas toujours physique, elle est aussi souvent psychologique et verbale, elle vise à dénigrer l’autre dans sa valeur personnelle, dans son identité.

Cette forme de violence, souvent difficile à identifier, atteint profondément la personne visée, entraînant chez la victime une perte de l’estime de soi, voire des angoisses. La violence conjugale s’amplifie avec le temps. Au fur et à mesure qu’elle augmente en intensité chez l’un des conjoints, une sorte d’impuissance se développe chez l’autre qui n’a plus de prise sur sa propre existence. La violence enlève la capacité de se protéger.

L’écart entre les sexes de la scolarisation dans le primaire et le secondaire se rétrécit, les femmes ont beaucoup progressé au niveau de l’enseignement supérieur.

Les femmes représentent une part croissante de la population active du monde, et malgré tout ça, des millions de jeunes femmes dans le monde sont victimes de violences de toutes sortes au sein de leurs foyers dont beaucoup ne sont pas connues.

Considérées pendant des siècles comme un mode normal de relation entre les sexes, les violences infligées aux femmes par les hommes tombent maintenant sous le coup de la loi. Longtemps objet de non-dit, l’ampleur du phénomène des violences conjugales n’a été perçue que lorsque les femmes ont brisé cette loi du silence et du secret.

Perçue comme une modalité fondamentale et permanente des rapports de l’homme avec ses semblables, la violence, sous toutes ses formes, constitue un problème majeur pour toutes les sociétés. Ce sont les normes de ces sociétés qui vont permettre de déterminer si une action est violente ou non, ces normes variant historiquement, géographiquement et culturellement. Il n’en reste pas moins que toute violence est une violation des droits humains les plus fondamentaux et que celui qui exerce la violence ne reconnaît pas l’autre en tant qu’être humain. Nous essayerons de comprendre en quoi la violence conjugale relève d’une problématique à la fois individuelle, relationnelle, sociale et culturelle par le biais de réflexions et d’analyses.

Longtemps objet de tabou, de silence et de non-dit, la violence conjugale est considérée comme un délit. Elle attaque toutes les catégories sociales sans exception, elle existe dans toutes les sociétés, de même que toutes les femmes de tout niveau intellectuel et quelque soit leur cadre socio-professionnel, peuvent être ou risquent d’être victimes de violences conjugales dans toutes ses formes.

Cette entrée dans cette sphère marque l’apparition d’un nouveau regard sur la victime et sur l’auteur de ces violences.

Cependant notre problématique est que les études occidentales et celles orientales sur la question des violences conjugales ont toutes deux plusieurs objectifs parmi lesquels d’éclaircir le mieux possible ce sujet afin d’essayer d’en trouver des solutions.

Ainsi ce type de violence existe dans ces deux types de sociétés mais le contexte diffère. Si les violences conjugales dans les sociétés orientales notamment celle libanaise reflètent le patriarcat, la reproduction sociale et l’héritage familial et que les lois et les codes civiles favorisent le statut de l’homme, celles qui existent dans les sociétés occidentales sont reliées aux affects psychologiques, aux dissociations familiales, aux problèmes familiaux et aussi à l’instinct agressif. Même la femme dans les sociétés traditionnelles vit une transgression de la violence car elle commence par dépasser toutes les formes de violences exercées sur elle, même si elle sent qu’elle occupe une place, et parfois elle se culpabilise et a toujours le but de s’affirmer et de se réaliser tout en voyant les autres.

Cette inégalité entre les hommes et les femmes, reconnue et entretenue par les institutions sociales pendant des siècles, a eu et a encore des répercussions sur la vie des femmes.

Partant de la position théorique, nous postulons que la violence se voit au niveau des inégalités de rapport entre les hommes et les femmes, se certifie par toute forme de discrimination sexuelle eta pour fonction d’asseoir le contrôle de l’homme sur la femme.

La violence masculine a pour finalité l’établissement et le maintien du pouvoir et de la domination sur une partenaire féminine ou la volonté de la punir pour avoir contesté l’autorité et le privilège masculins.

La violence n’est pas seulement une problématique individuelle mais aussi le reflet de structures sociales intériorisées. La culpabilité est un passage obligé, qui devrait être temporaire, la honte ne favorisant pas les échanges, et déboucher sur l’ébauche d’une tentative relationnelle pour reconstruire un corps parlant et se reconstruire comme un sujet. Les hommes ne sont que très rarement l’objet de violence de la part de leur compagne. Une question de rapport de force physique ? Oui, bien sûr. Mais aussi et surtout une question de rapport de force sociale. Car la domination masculine qui, dans certains couples, va jusqu'à s’exercer par la violence souvent verbale et parfois physique, n’est finalement que le prolongement de cette oppression liée au sexe que les femmes subissent et qui s’ajoute à l’oppression sociale. C’est donc le rôle imparti aux hommes dans la société, l’assurance de leur domination.

En fait, la société est prise au même piège que la femme violentée: elle cherche à trouver une excuse pour expliquer, justifier l’attitude dérangeante de l’homme qui contrôle et agresse sa conjointe. Une fois l’explication trouvée, elle entretient la tolérance sociale face à la violence conjugale.

Même si la tolérance de la société en ce qui a trait à la violence conjugale est moins grande que par le passé, il n’en demeure pas moins que les préjugés et les valeurs prennent du temps à changer. Dans un contexte où toutes les analyses sont possibles, chacun peut rester sur sa position, pour ne pas être ébranlé au moindre coup de vent. C’est ainsi que la société résiste à tous les éléments nouveaux qui pourraient la remettre en question; c’est la résistance presque naturelle au changement. Elle a pour fonction de maintenir en place une société solide.

En mettant sur la place publique l’ampleur de la violence faite aux femmes, en évaluant que la cause de cette violence est le rapport de domination des hommes sur les femmes et en demandant des changements sociaux, on éveille la résistance et elle s’exprime par le déni, par la banalisation, par l’invalidation du problème. Officiellement, on condamne la violence conjugale mais dans les faits, les valeurs dominantes sont bien ancrées et se maintiennent vivantes via la norme implicite.

Issue d’une lignée académique complètement différente et ignorant largement le rôle joué par les spécificités des deux sexes, la notion d’agression en tant qu’activité instrumentale et la notion plus récente de coercition en tant que comportement visant un but à atteindre soulignent les conséquences attendues de la violence en tant que caractéristiques motivantes essentielles qui permettent de comprendre la finalité et la signification des actes de violence. Alors que le débat concernant la signification et les motivations profondes de la violence entre sexes n’est toujours pas achevé, les idées que les chercheurs se font de l’issue, de la finalité et des conséquences semblent importantes pour comprendre comment les femmes et les hommes conçoivent ce que signifie la violence dans le couple. Dans tous les pays du Moyen-Orient, comme au Liban, les femmes ne bénéficient pas pleinement de leur citoyenneté civile. Elles sont notamment spoliées de droits, privilèges et garanties de sécurité auxquelles elles devraient avoir accès. Des lois inéquitables, des constitutions discriminatoires et des préjugés culturels, qui ne les reconnaissent pas comme des citoyennes égales, entravent leur participation à la vie politique et limitent leur sécurité en matière économique, de mobilité et de protection sociale.

« Dans de nombreux cas, les lois et les codes des pays de cette région du monde contribuent à renforcer les inégalités de genre et à exclure les femmes. Il arrive aussi que l’Etat intensifie le contrôle religieux et familial à leur égard, les rendant encore plus dépendantes de ces institutions.» (Nepton, 2003, in citoyennes de seconde zone). A la différence du contexte occidental, comme en France et au Canada, où l’individu est l’unité de base du système de la structure sociale, c’est la famille qui forme la base des structures sociales arabes. Ceci signifie que l’Etat s’intéresse avant tout à la protection de la famille en tant qu’entité plutôt qu’à celle de ses membres pris individuellement. Dans ce contexte, les droits des femmes s’expriment uniquement dans le rôle d’épouse et de mère. Alors que l’Etat se pose en garant de la protection des femmes dans le cadre de leur rôle au sein de la famille, cette protection fait défaut en matière de violence conjugale.

La violence conjugale comme toutes sortes de violence, échappe à toutes nominations sociales, elle existe dans toutes les sociétés et les régions même les plus favorisées d’entre elles et elle est présente dans toutes les catégories sociales.

En revanche, une question se pose portant sur la place de l’homme dans toutes les institutions sociales, sur son rôle, sur sa vie, sur une réflexion générale, sur «comment faire grandir moralement notre société»: devenons-nous de plus en plus violents, est une question qui doit plutôt que de conduire à un constat permettre de se tourner vers l’avenir, pour le faire meilleur.

Mais est-ce qu’on peut tout savoir sur les violences domestiques dans les différentes sociétés ? Existe-t-il certains déterminismes qui font que tout est réglé d’avance ? Peut-on prévoir si un homme sera violent et contrôlant ? Qu’une femme sera violentée ou soumise? Peut-on abolir les violences ? Comment arriver à supprimer cette domination ? Quelles formes auront ces conflits ? Y a-t-il un endroit où la violence n’existe pas ? La violence de l’un n’est-elle donc pas toujours une réponse à la violence de l’autre ? Pourquoi privilégier une approche sexuée des violences ?

Comment remettre en question le modèle masculin ? Quelles stratégies pour un changement des mentalités ?

Le présent travail a pour principal objectif de présenter une vue d’ensemble, un spectre le plus large possible des recherches, initiatives, bonnes pratiques et références privilégiant une approche sexuée de la violence conjugale. L’accent étant mis, autant que possible, sur le genre masculin et donc sur le rôle, la responsabilité, les modes de penser et d’agir des hommes qui traduisent ce genre de violence, la plus fragile pour eux et qui peut être pratiquée par eux mais qui en même temps révèle la nature de la structure sociale, du pouvoir et de la domination masculine surtout saisie par le comportement violent du mari et par l’attitude de la femme victime face à cette violence.

La question en fin de compte est de savoir si un homme et une société peuvent se construire sans s’opposer à l’Autre, sans le rejeter et sans finalement le haïr.

C’est à cause de toute sortes d’inégalités sociales, économiques et politiques que la violence conjugale est rendue possible. Le contexte social explique aussi la tolérance dont fait preuve la société spécialement celle traditionnelle à l’égard de la violence domestique.

Un certain nombre de changements produits ont accru le pouvoir des femmes dans la société (éducation supérieure, emplois…) mais pourtant il n’en reste pas moins que les rapports sociaux de sexe et la division sexuelle qui la fonde, donc non seulement les inégalités anciennes persistent mais on confronte chaque jour de nouvelles formes de ces inégalités.

La dépendance de la femme et le pouvoir de contrôle de l’homme est primordial dans ce sens: le taux des femmes violentées croit fortement et linéairement avec le degré de contrôle de l’homme, et c’est une réalité qui semble exister dans la majorité des sociétés, de même une mauvaise communication verbale dans le couple va susciter nécessairement une violence: il y a une nette corrélation entre l’occurrence de la violence, tant physique, sexuelle que psychologique, verbale et un déficit de la communication.

En portant la violence comme une question générale, on voit que le manque de relations sociales, l’auto-affirmation de sa propre existence, entraîne en plus de la violence.

De plus en plus, notre société prône son individualisme, de ce fait, la violence est de plus en plus présente.

Donc notre problématique et nos questionnements ont été concentrés sur trois axes: Social, Affectif et Biologique, qui sera subdivisée en des hypothèses qui constituent notre approche théorique :

  1. Puisque notre société est une société traditionnelle, l’homme violent dans ces sociétés patriarcales n’a pas pu rejeter jusqu’à aujourd’hui ses complexes socio-affectifs, il ne sait pas aimer, il ne sait que « haïr » la femme, dont ses représentations tendent à être archaïques.
  2. Le Liban, et malgré tous ses aspects modernes n’a pas connu une véritable égalité entre ses hommes et ses femmes, ainsi que tous ces deux ont été bousculés par les traditions où il n’y a pas de place pour les droits de l’Homme.
  3. A la différence de la France et du Canada où les lois sont promulguées en faveur de la femme afin de protéger ses droits, le Liban souffre des lois inéquitables et discriminatoires à l’égard des femmes qui ne les reconnaissent pas comme égales aux hommes, ce qui limite leur sécurité dans leurs vies privées et publiques.
  4. La situation de la femme au Liban est bien déterminée par des stéréotypes et des préjugés à cause de notre structure sociale toujours ambivalente ; ouverte en apparence mais fermée dans l’application, et où la sélection se fait encore selon les critères d’héritage familial et de reproduction sociale. Ces stéréotypes et ces préjugés sont vécus par l’homme et la femme. L’homme, car il n’est pas encore libre de ses contraintes viriles; et la femme, car elle n’a pas encore développé son estime d’elle-même. Tout ceci à cause de ce système de patriarcat bien ancré dans nos sociétés aussi bien que dans nos mentalités.
  5. Par l’emprise, un cercle vicieux s’installe ; plus la maltraitance est fréquente et grave, moins la femme a les moyens psychologiques de se défendre et, encore moins, de partir.

Les fonctions dévolues aux hommes et aux femmes, les systèmes de valeurs auxquels ils se réfèrent construisent des rapports sociaux entre les sexes qui génèrent des formes de violence particulières à l’encontre des femmes par exemple la violence sexiste, la violence sexuelle ou la domination dans le couple. Et malgré l’égalité en droit des conjoints, les positions des hommes et des femmes au sein du couple demeurent très inégalitaires, quel que soit le milieu social.

La nature des actes violents est liée à des éléments naturels qui, au-delà des rapports hiérarchisées entre les sexes, renvoient à des normes intégrées par les individus telles que le type de rapport au corps, à la parole. Les actes violents sont d’autant plus traumatisants qu’ils sont en décalage avec les règles en vigueur dans le groupe d’appartenance.

L’existence d’une situation de violence vécue dans une sphère de la vie est un facteur de risque d’émergence de violences dans d’autres sphères, le cumul des situations de violence dans différents cadres serait, de fait, une des conséquences de la violence subie dans une sphère ; être l’objet d’incessantes humiliations, quel qu’en soit le cadre, retentit dans tous les domaines de la vie.