6. Agressivité et canalisation des instincts :

Si l’instinct donne l’impulsion, il ne modèle pas le comportement, pour lequel il faut interroger le milieu social et comme on l’a déjà évoqué le comportement agressif paraît tout au long des premières années de l’enfance.

‘« Une agressivité excessivement réprimée peut alors faire régresser l’individu à un stade antérieur de son développement. Il faut que l’enfant accepte le conflit entre sa nature et la culture ou, plus exactement, entre ses pulsions primitives et les modèles de conduites imposées par la société dans laquelle il vit. L’éducation a un rôle déterminant dans la solution (jamais définitive) de ce conflit… il est bien certain que la façon dont s’effectue cette éducation contribue à modeler les manifestations d’agressivité.» (Cornaton, 1998, p. 243,244). ’

Ceci montre l’importance de l’éducation dans l’expression de l’agressivité, on admet que l’agressivité est une attitude et qu’à ce titre elle est irréductible mais cette attitude pourra affleurer de bien des manières au niveau des comportements et des opinions.

Si l’éducation se montre plus compréhensive que répressive, l’agressivité pourra être disciplinée sans être pour autant avivée. A ce sujet, il est heureux de constater que les éducateurs sont de plus en plus respectueux de la liberté de l’enfant et de plus en plus désireux de le voir s’exprimer dans toute l’énergie de sa spontanéité. D’ailleurs, pour se sentir en sécurité, l’enfant a besoin d’une autorité et des sanctions qui l’accompagnent, et c’est l’affaire de l’éducation de pouvoir canaliser ces instincts agressifs, sinon les conséquences d’une telle agressivité prépondérante peuvent être trop graves à l’avenir.

Nos sociétés modernes développent les comportements agressifs par le véritable culte qu’elles vouent à la compétition. Cette compétitivité de tous les instants fait perdre aux hommes le sentiment de sécurité dont ils ont pourtant besoin. La mobilité sociale ou l’incertitude de l’emploi instaure un climat d’insécurité psychologique, qui ne fait qu’accroître l’agressivité. Celle-ci peut devenir pathologique et provoquer dès lors des névroses.

‘« On peut dire que notre société contemporaine a multiplié les névrosés, c’est-à-dire les individus qui s’adaptent dans l’inadaptation et projettent leur agressivité sur eux-mêmes. La société tolère assez bien l’agressivité de la compétitivité, soupape de sécurité nécessaire au maintien du système social. En contrepartie, elle n’admet guère l’agressivité qui la remet en question.»(Cornaton, 1998, p. 248). ’

Nous avons tenté de démontrer que l’agressivité est un phénomène culturel dont les racines se situent à ce niveau pré-culturel qu’est la zone de rencontre entre la nature et la culture. L’agressivité peut s’exprimer par la violence, mais ce n’est là qu’un mode d’expression parmi d’autres, toute violence sous-tend une part d’agressivité, mais toute agressivité ne s’extériorise pas en violence. Par ailleurs, alors qu’il est possible de porter un jugement éthique sur la violence, il n’en est pas de même pour l’agressivité, dont la potentialité d’intervention est neutre.

Freud nous a éclairés sur le fait que l’agressivité pouvait être aussi bien mise au service de la vie que de la mort. Il revient à la société, par la dérivation et la sublimation, d’aider l’individu à contrôler cette force irréductible en la dirigeant en partie contre le monde extérieur et en partie contre lui-même. Ce qui est à craindre, c’est que la société se rende compte de la nécessité de dérivatifs à la violence et les multiplie, mais qu’elle évite soigneusement de faire tout ce qui rendrait possible la sublimation de la violence, en particulier dans la participation au pouvoir à tous les échelons et sa contestation.

Dans l’état actuel des recherches, nous connaissons très mal les rapports existant entre l’agressivité individuelle et les différentes formes de violence. Mais il est bien évident que ce qui se produit à l’échelle d’un individu ou d’un petit groupe ne peut être transposé tel quel à celle des grands groupes et nations. Par ailleurs, quelque soit l’intérêt des explications psychologiques, elles n’autorisent jamais à elles seules l’affirmation des relations causales. Sous-jacentes à toutes les violences, on retrouve les caractéristiques psychologiques, qui fournissent une explication d’ordre dynamique et global, mais ce sont les variantes socio-économiques et politiques qui donnent l’explication concrète. Ce qui veut dire que la solution aux situations de violence consiste à modifier en même temps les attitudes individuelles et les structures sociales.

Y a-t-il un endroit où la violence n’existe pas ? « Ce seul endroit, c’est les cimetières, et s’il y a là violence, c’est le fait des vivants.» (in Compte rendu du colloque du 22 novembre 2000). La violence colle à la vie comme l’ombre à l’objet. Donc, lorsqu’on entend des propos tels que : il faut éradiquer la violence, il ne faut ‏‏être conscient qu’on ne pourrait le faire qu’en supprimant toute vie … on peut affirmer qu’éradiquer la violence est impossible. Ce qui est possible, par contre, c’est de canaliser cette violence pour la rendre moins destructrice, voire la plus créatrice possible.

‘« Les causes de la violence ne sont jamais uniques, c’est un phénomène multifactoriel. Il y a trois types de facteurs : favorisants, déclenchants et renforçants. Dire qu’une personne est violente n’a aucun sens. Par contre, dire que quelqu’un est agressif et colérique est correct. La violence n’est pas un attribut de la personne, tandis que l’agressivité (nécessaire à la survie d’une espèce) ou la colère le sont. La violence est un attribut de l’ordre de la communication et du rationnel, la violence est réactionnelle.» (in Compte rendu du colloque du 22 novembre 2000).’

Tant que l’on n’a pas compris comment fonctionne un mécanisme, y compris celui de la violence, il est impossible d’avoir une action quelconque sur lui. Comprendre ne signifie pas excuser ou ne pas excuser, tolérer ou ne pas tolérer, c’est une démarche intellectuelle ; et donc la question qui se pose ici est : comment pouvoir canaliser la violence ?

En guise de conclusion, la violence, dans les relations intimes, est l’emploi abusif ou excessif de son pouvoir en se servant des liens de l’intimité, de la confiance et de la dépendance pour contrôler l’autre et ainsi le maintenir dans la peur et l’insécurité. La personne qui subit cette violence se sent alors de plus en plus impuissante à faire ce qu’elle veut et comme elle le veut, perd toute confiance en elle-même et est de moins en moins capable de prendre des décisions qui lui permettront de s’épanouir.

Et alors, et dans ce sens, tant que la violence existe toujours entre les êtres humains, quoi de spécial dans une relation conjugale ?

Dans cette partie, on se propose d’analyser le conflit qui oppose les protagonistes dans une certaine situation en manifestant des comportements d’agression. L’agression est un comportement dont le but est de blesser, tuer, de faire du mal ou de nuire à quelqu’un, soit de le détruire et de s’emparer de ses biens. Elle peut s’accompagner ou non de violence physique. La psychologie cherche ici à savoir et à étudier ces comportements et s’efforce d’expliquer l’apparition de ces comportements. Etant donné que l’agressivité est inévitable dans le couple, il faut tenter donc d’étudier et de prouver cette réalité en envisageant la source de l’acte agressif et s’il y a des mesures pour le maîtriser.

D’une manière générale on peut dire que l’agression « Est quelque chose qu’il est mal de faire ; et il existe dans nos sociétés un consensus social qui condamne les faits de violence. L’agression, comme un bon nombre de conduites sociales, est régie par une norme. Faire du mal ou causer tort à autrui est contraire à la norme. Or, la simple observation de la vie quotidienne nous apprend que cette norme n’opère pas universellement puisque les conduites d’agression sont fréquentes». (Moser, 1987, p. 12). Ainsi, l’insatisfaction, la répétition, le déséquilibre, les contraintes et les frustrations et bien d’autres sont des facteurs déclenchants de l’agressivité.

Et dans ce cadre, si l’agression est contre les normes, l’anxiété et la peur des sanctions sociales, ainsi que le sentiment de culpabilité, semblent inhiber l’agression. Un autre aspect de l’anxiété est le comportement des sujets qui anticipent des sentiments de culpabilité comme conséquence d’une agression et qui sont susceptibles d’être agressifs que ceux qui ne ressentent que peu de culpabilité.

‘« L’agressivité est inévitable dans le couple, il est inévitable que certains besoins ne trouvent pas la réponse désirée. L’insatisfaction donne lieu à toutes sortes d’émotion : déception, peine, mécontentement, colère, rage, jalousie, ressentiment, douleur … Ensemble, ils se retrouvent dans des impasses, dans des situations similaires à celles déjà vécues, à compléter une expérience dans laquelle ils sont déjà reniés, mais faute de connaître la méthode appropriée, ils répètent les scénarios connus même s’ils sont inefficaces.» (in Larivey, Querelles et chicanes dans le couple, 2000). ’

Cette réalité inévitable du transfert complique énormément la relation. Des accusations injustes, une multiplication des comportements non appropriés, une intensité émotive exagérée sont autant de facteurs qui empêchent l’harmonie recherchée et donc la recherche d’équilibre et de satisfaction sera de plus en plus difficile. Même si le transfert n’était pas présent, le seul fait qu’une personne pénètre dans l’intimité d’une autre est propice. Si proche d’elle, cela va ébranler l’équilibre psychique : l’image de soi, la vision du monde, la façon de répondre aux besoins affectifs, les attentes … et cela risque également de bousculer les habitudes de vie et parfois même la culture. L’implication directe de ce phénomène est la génération de frictions, de querelles ou de guerre, voire d’agressivité.

L’agressivité est une notion qui est à la fois floue et ambiguë, du fait qu’elle amalgame le plus souvent et quelle que soit la nature du discours plusieurs aspects des choses qu’il importe précisément de distinguer.

‘« Le terme d’agressivité est utile et il ne pose pas des problèmes aussi longtemps que son usage se limite à ses seules vertus descriptives. Pour le biologiste, la réalité concrète et première est constituée dans ce domaine par l’existence à travers tout le règne animal d’un ensemble de comportements qualifié d’agressifs » (Karli, 1989, p. 26) ; donc qui porte atteinte à l’intégrité physique et ou psychique d’un autre être vivant et voilà comment du fait de l’universalité de semblables phénomènes comportementaux, on est conduit tout naturellement à en abstraire un caractère générique et à parler de la manifestation d’agressivité. L’agressivité devient ainsi la source commune d’où jaillissent toutes les agressions. ’

L’acte agressif prend-t-il son origine dans les tensions internes ou des conditions extérieures ? Est-ce ou pas un sentiment de pouvoir contrôler les choses ? Est-il issu de la peur de l’autre ? Ou vient-il satisfaire un désir ?

Pour essayer de répondre à ces multiples questions, il faut tenter de situer l’instinct d’agression, cet instinct qui se décharge vers l’extérieur sous la forme des agressions les plus diverses.

Mais ici, il faut clarifier que renoncer à une explication exagérément simplificatrice ne veut pas dire, mais bien au contraire, qu’il faille en invoquer une autre, toute aussi simplificatrice qui considère toute action comme une réaction provoquée par une situation « agressogène ». Dans cette vision des choses, l’agression n’est plus provoquée par l’accumulation d’un trop plein d’énergie agressive dont la nature serait responsable, mais elle est suscitée par des conditions extérieures « agressogènes » dont la société serait responsable. Cette conception occulte des aspects essentiels du problème tel qu’il se pose réellement.

Est-ce un sentiment de pouvoir de contrôle?

On peut dire que c’est un désir que manifeste le sujet de maîtriser les évènements et leurs conséquences et donc selon cette conception on peut conclure que cette personnalité est éprise d’un sentiment d’insécurité et d’auto-dépréciation ; des sujets avides d’affirmer leur importance et leur valeur par ce moyen sont des individus amenés à être agressifs car ils jouent un rôle dominant dans les groupes, ils s’engagent dans des comportements violents car ces comportements sont pour eux un moyen privé pour atteindre certains buts individuels. Ces êtres seraient des agresseurs surcontrôlés qui possèdent des fortes inhibitions au passage à l’acte.

Est-ce une peur de l’autre ? Car confronter l’autre s’accompagne toujours avec une incertitude et une menace qui se traduit par une attitude hostile.

Est-ce un moyen pour satisfaire un désir ? Ici, l’agression n’est qu’un moyen pour satisfaire les désirs, mais la question qui se pose est pourquoi on ne peut pas arriver à satisfaire nos besoins sans agressivité, et c’est parce que l’agression devient un moyen de satisfaction immédiate d’un désir face à plusieurs occasions de rivalité, de concurrence et de conflit sont innombrables.