1. Violence entre privé et public, question de rapport de force et de domination :

Il existe une violence bien moins facilement discernable, dans les cas les plus nombreux où elle n’est pas consciemment recherchée par celui qui l’exerce ; elle advient de façon indirecte, comme conséquence sur l’autre de difficultés existentielles internes qui ne concernent que son propre besoin de s’affirmer et de se suffire à soi-même. Emmanuel Levinas, parlant de la violence, rend très bien compte de cette dynamique enfouie, où l’autre est radicalement et superbement ignoré : « Est violente toute action où l’on agit comme si on était seul à agir ; comme si le reste de l’univers n’était là que pour recevoir l’action. Est violente, par conséquent, aussi toute action que nous subissons sans en être en tous points les collaborateurs. La violence est souveraineté, mais solitude. Le violent ne sort pas de soi. Il prend, il possède ; la possession nie l’existence indépendante.» (Levinas, 1984, p. 20,23).

Quelle est donc cette relation qui existe entre la violence et le besoin d’auto-affirmation ? Or, si le problème est une mauvaise confiance en soi, chacun de nous risque d’être violent.

‘« Des liens souterrains existent entre violence morale et besoin d’auto-affirmation… la violence, il est vrai, a toujours à voir avec une méconnaissance de statut et de la place de l’autre, d’abord parce que ceux qui méconnaissent ainsi les autres souffrent de ne pas avoir de représentation acceptable d’eux-mêmes. Ce manque les contraint justement à utiliser, à manipuler ces autres en permanence pour se ressourcer et, se regardant enfin bons dans leurs yeux, à lutter contre le sentiment intolérable de ne pas se croire aimables.» (Jeammet, 2001, p. 8). ’

Paradoxalement, la prise en compte croissante du phénomène par des organismes aux finalités divergentes complexifie, voire embrouille l’approche en sciences sociales. L’hétérogénéité des contextes sociopolitiques vis-à-vis des droits des femmes ajoute à la confusion. Au fil des années, l’expression « violence à l’égard des femmes » s’est vue dotée de nombreuses acceptions. D’abord limitée aux violences exercées dans la famille et aux violences sexuelles, elle devient très extensive par la suite. Un certain consensus se dégage dans le fait que la majorité des actes de violence à l’égard des femmes et des fillettes sont commis par des hommes qui assurent ainsi leur pouvoir. La majorité des textes internationaux se réfèrent à l’article 2 de la Déclaration sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes de 1993 et qui proclame que la violence à l’égard des femmes est tout acte de violence dirigés contre le sexe féminin, et causant ou pouvant causer aux femmes un préjudice ou des souffrances physiques, sexuelles ou psychologiques, y compris la menace de tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique ou dans la vie privée.

Dans le cadre de l’Europe, les textes des conventions se réfèrent clairement à l’approche féministe, le mécanisme social de la violence est ainsi explicité dans l’article 13 de la Déclaration sur la politique contre la violence à l’égard des femmes dans une Europe démocratique : « La violence à l’égard des femmes, y compris le refus du droit au libre choix de la maternité, s’analyse comme un moyen de contrôle de la femme ayant ses racines dans le rapport de pouvoir inégal entre la femme et l’homme qui subsiste encore, et qu’elle constitue ainsi un obstacle à la réalisation de l’égalité effective de la femme et de l’homme.»(Jaspard, 2005, p. 31).