4. Violences conjugales : question de droits et de dignité :

La violence à l’encontre des femmes est un problème majeur qui concerne tant la santé de celles-ci que les droits de la personne humaine. A tout moment de leur vie, que ce soit dans l’espace public ou « à l’abri » au sein de l’espace familial, les femmes sont exposées à des violences physiques, sexuelles et psychologiques, trop souvent subies dans le silence, comme une fatalité voire déniées par les victimes elles-mêmes. L’Organisation Mondiale de la Santé, reprenant les termes adoptés par l’Assemblée Générale des Nations Unies, donne la définition suivante de la violence à l’égard des femmes : « Tous actes de violence dirigés contre le sexe féminin, et causant et pouvant causer aux femmes un préjudice ou des souffrances physiques, sexuelles ou psychologiques, y compris la menace de tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique ou dans la vie privée.» (in Les femmes victimes de violences conjugales, 2002).

De même, plusieurs définitions ont été données à la violence conjugale. Pour Souffron : « La violence conjugale désigne des comportements agressifs et violents d’une personne à l’encontre d’une autre, dans le cadre d’une relation de couple. Ces comportements menacent l’intégrité physique et psychique de la personne qui en est victime.» (Souffron, 2000, p. 4).

Pour Dauphin et Farge, « Il s’agit de conflits entre hommes et femmes et de coups portés, de violences exercées d’un sexe sur l’autre. Il faut en ce domaine préciser où le couple est en conflit, tracer les contours d’un univers autre : celui du face-à-face entre l’homme et la femme dans les plis et replis de leurs manières attractives et répulsives d’être ensemble. L’homme et la femme sont en miroir dans une position sexuée de désir et de vie commune : leurs conflits et tensions ont pour contenu la stabilité de la vie domestique.» (Dauphin, Farge, 1999, p. 89).

De même, « Il y a violence conjugale quand un homme tente de contrôler le comportement de son épouse, de sa conjointe de fait ou de sa compagne, la violence conjugale est un emploi abusif de pouvoir, qui se sert des liens de l’intimité, de la confiance et de la dépendance entre un homme et une femme pour placer cette dernière dans un état d’inégalité, d’impuissance et d’insécurité.» (in La violence conjugale, Renseignements du centre national d’information sur la violence dans la famille).

‘« La violence envers une femme, c’est toute menace verbale ou force physique pour susciter la peur et contrôler ce qu’elle fait. Dans tous les cas de violence, l’agresseur a plus de pouvoir, que la victime. L’auteur- homme ou femme- est toujours responsable de son comportement. Ceux qui maltraitent les autres invoquent souvent comme excuse l’alcool. Mais la cause réelle, c’est son besoin recours à la violence pour dominer une autre personne.» (in Réseau canadien de la santé). ’

L’ESCWA a une autre perception de ce sujet : « La violence envers la femme représente un obstacle pour la réalisation de l’égalité et de la croissance, le phénomène est étroitement lié à un système de patriarcat existant dans la société liant en lui entre la violence et la morale dont la femme est la victime ». (in La femme et la loi dans la république libanaise).

D’autres, dans leurs définitions, ont insisté sur le terme rapport de pouvoir, cause principale de l’autre violent : « La violence conjugale se situe d’emblée sur le terrain des rapports de pouvoir, de domination et de comportements contrôleurs, issue d’une structure sociale axée sur l’inégalité des sexes ou des rôles sociaux. C’est la série d’intentions et de gestes posés en vue de créer et maintenir un rapport inégal entre conjoints qui constitue l’essence même de la violence ». (in qu’est-ce que la violence conjugale ?..., 2003).

Il y a bien des façons d’aborder le phénomène de la violence, elles sont tout aussi valables les unes que les autres : « La violence conjugale et familiale, c’est un ensemble de comportements, de paroles, de gestes agressifs, brusques et répétés à l’intérieur d’une relation conjugale familiale ». (in Dummond, Broué et guévremont, 1997).

D’autres ont averti du risque de ramener la violence au simple acte physique, car évidemment elle peut se traduire en d’autres actes aussi bien destructeurs que ce soit sur le plan psychologique, sexuel, verbal ou économique.

Une kyrielle de définitions a été donnée à la violence conjugale et elles portent certainement en leur sein des points communs. Ainsi, il s’avère logique, en conclusion de cette partie, d’assimiler ces définitions car pour comprendre les sources et les conséquences de la violence faites aux femmes, il importe de s’entendre sur une définition commune qui pourrait se formuler ainsi : la violence conjugale se situe d’emblée sur le terrain de rapports de pouvoir, de domination et de comportements contrôleurs, issue d’une structure sociale axée sur l’inégalité des sexes ou des rôles sociaux ; c’est la série d’intentions et de gestes posés en vue de créer et maintenir un rapport inégal entre conjoints qui constitue l’essence même de la violence.

Le but de la violence exercée est de maintenir la femme dans un climat de tensions, de peurs et/ou de domination. La violence conjugale est une construction de la société, mais l’individu qui l’exerce choisit délibérément de l’exercer se croyant légitimé par l’idée de supériorité sur l’autre. Dans la majorité des couples, la violence s’aggrave avec le temps, l’escalade peut être rapide ou prendre des mois, voire des années, débutant par la violence psychologique, verbale, envers les objets, physique, sexuelle jusqu’au risque d’en arriver à l’homicide ou au suicide.

La violence contre les femmes reflète l’inégalité des rapports de force entre l’homme et la femme qui ont abouti à la domination exercée par les hommes sur les femmes, à la discrimination à leur égard, et empêcher leur pleine promotion. La violence contre les femmes est le mécanisme social fondamental et extrême qui contraint les femmes à une position de subordination par rapport aux hommes.

Jusqu’au jour où ce phénomène a été dévoilé publiquement, il était resté caché ; il n’appartenait pas à la sphère publique. Comment peut-on expliquer ce fait ?

Au cours des années, on a fourni diverses tentatives d’explication de la violence conjugale et familiale, soit à travers les troubles mentaux ou à travers l’alcool et d’autres même l’ont relié au chômage et à la pauvreté, facteurs déclenchants de l’acte de violence.

Même si ces facteurs déclenchants sont bien actifs dans l'initiative de violence, il ne faut pas nier l’existence de beaucoup d’autres comme l’expérience de la violence par les enfants dans leur famille d’origine, ainsi que la socialisation en fonction des rôles sexuels, indispensable pour expliquer la violence conjugale puisque l’adhésion de l’homme et de la femme à une idéologie traditionnelle contribue grandement à la violence entre les conjoints ; de même les préjugés et les croyances de notre société au sujet des hommes et des femmes ont leur influence. La violence conjugale sera le résultat normal d’une société qui tolère la violence et qui, dans une certaine mesure, l’approuve. Weber affirme : «L’Etat consiste en un rapport de domination de l’homme sur l’homme fondé sur le moyen de la violence légitime.» (Weber, 1959, p. 32). La violence contre femmes existe partout, au foyer, au travail et dans l’Etat, même si parfois elle se trouve socialement acceptée, elle n’accentue que la domination masculine.