1. La question du patriarcat - L’héritage social :

L’intériorisation par l’homme d’un modèle patriarcal de rapports sociaux de sexe dans le couple, modèle dans lequel l’homme impose sa loi dans son foyer et soumet sa femme, serait, au niveau familial, à l’origine de la violence.

Les violences domestiques concernent une grande partie des membres de nos sociétés car nous avons tous et toutes été éduqués d’après les mêmes principes.

‘« Quant à la violence masculine au sein du couple elle existe bien sûr et il serait absurde de la nier, les femmes sont victimes plus que les hommes de cette violence, non pas parce que les hommes seraient par essence plus violents, ni qu’un conditionnement idéologique rendraient les hommes tous violents mais tout simplement parce que le patriarcat contient la violence des femmes. La violence est la manifestation d’une situation de domination et elle s’exerce dans un cadre conditionné par le système patriarcal. La violence doit être combattue d’où qu’elle vienne mais la violence contre les femmes reste un sujet tabou.» (Candat, Weber, 2003). ’

Ensuite, les traditions sociales qui vont à l’encontre de la discussion des problèmes familiaux en public, signifient que la plupart des femmes souffrent de ces violences physiques et affectives en silence, et cela se reproduit socialement car la norme est ainsi dictée.

‘« En pervertissant l’espace relationnel, la violence touche au cœur de la structuration subjective et des processus identitaires qu’elle bloque. En abolissant par la transgression toute référence au tiers, elle surgit dans l’impasse de la transmission de la vie et de la loi à l’œuvre dans la reproduction humaine.» (Durif-Varembont, in Revue internationale …, p. 10). ’

Au-delà des axes d’action possible à mettre en place, ne doit-on pas recontextualiser les violences pour en comprendre les racines. Comment, quand on influence l’esprit de toutes les générations par des concepts comme « pouvoir », « virilité », « autorité patriarcale », penser une seule seconde que garçon ou fille, homme ou femme, échapperont à s’engager dans les conflits, les violences et les inégalités.

‘« Les fondements du capitalisme et du patriarcat se fécondent mutuellement renforcés par les religions et les doctrines. Y a-t-il vraiment une grande différence entre « ne pleure pas, t’es pas une fille » et vouloir être le premier leader mondial sur un plan économique, artistique ou idéologique ? Peut-on penser encore que les messages publicitaires qui s’insinuent dans nos têtes au gré des murs, des spots télévisuels ou des pages internautes, ne participent pas à banaliser les violences faites en grande partie envers les femmes ?» (Hernandez, Bernard, in Agressions physiques…, 2002). ’

Face à cette réalité, il faut permettre aux femmes de libérer leur parole et pouvoir se remettre sur le chemin de la vie. Il faut de même aider les hommes pour les amener à se libérer de leurs « contraintes » viriles. Tout un travail d’éducation des femmes pour développer leur estime d’elles-mêmes, après les violences subies, et d’éducation des hommes pour reconnaître leur responsabilité et se reconstruire en respectant chacun et chacune, est indispensable, mais ne suffit pas ; à cause de ce système de patriarcat bien ancré dans nos sociétés aussi bien que dans nos mentalités, l’héritage social apparaît assez lourd, et on ne peut l’encadrer qu’en bouleversant toutes les normes et les valeurs régissant dans nos sociétés.

‘« La multiplicité des cas de violence et dans cette intensité ne peut pas se remettre au hasard, mais il faut trouver le fil qui lie entre eux et trouver un point commun, et c’est ce qui nous conduit à analyser les lois régissant les relations familiales, ainsi qu’on traite toujours la femme comme une propriété privée du mari.» (in Mac Mag-Flip-Newletter…). ’

La société patriarcale sous-entend le silence complice des hommes, la violence des hommes s’enracine non pas dans la biologie mais dans les impératifs de la société patriarcale. On peut le constater à tous les niveaux des relations entre les deux sexes.Les hommes, y compris ceux qui ne se conduisent jamais violemment, intériorisent inconsciemment cette violence inscrite dans les définitions dominantes de la masculinité.

‘« Le maintien d’une masculinité hégémonique appelle le mépris d’autres formes de masculinité et de l’autonomisation des femmes. Les aspects agressifs et dominateurs de la masculinité peuvent constituer une source directe de violence. Même les femmes elles-mêmes acceptent cette situation ce qui explique leur soumission, ainsi la soumission de la femme apparaît comme si c’était une situation normale.» (Charabi, 1992, p. 27). ’

Le système patriarcal se base sur la soumission de la femme, et le patriarcat se représente par son autorité globale qui refuse toute critique et toute discussion. Ainsi, « la femme soumise à l’autorité est l’image principale qui incarne l’hiérarchisation régie par le système patriarcal ». (Marnissi, 1984, p. 30).

Malgré le progrès qui a lieu dans quelques sociétés, les familles restent patriarcales surtout dans les sociétés arabes, et même si le système patriarcal a connu beaucoup de transformations à cause des changements structuraux dans la société et l’apparition de la famille nucléaire ; mais l’image existante reste du type patriarcal qui se caractérise par l’autorité du père et la soumission de la mère. Cette différenciation flagrante dans les relations familiales et sociales est elle-même une violence.

La situation de la femme dans la société reflète sa situation dans son propre foyer ainsi que de la nature de la société toute entière : « La femme est l’exemple le plus exhaustif de l’existence de souffrance dans toutes ces formes dynamismes et défenses dans la société arabe.» (Hijazi, 1978, p. 209).

Le patriarcat et l’héritage social se traduisent par divers facteurs qui sont reconnus comme causes de la majorité des cas de mauvais traitements infligés à des femmes, notamment : le déséquilibre des forces dans les rapports entre conjoints mariés ; les attitudes traditionnelles définissant les femmes comme un bien appartenant aux hommes, dans ces mêmes relations, et qui donc doivent être contrôlées, dominées ou l’objet de mesures disciplinaires ; de même les attitudes très répandues voulant que la violence soit un moyen légitime et acceptable pour les hommes de soulager les frustrations, la colère ou les déceptions ou pour résoudre des problèmes personnels, et enfin les normes de la société qui encouragent les femmes à la passivité.