2. Violences conjugales : manifestations et aspects :

La violence est un phénomène complexe, multiforme et qu’il est important d’analyser dans tous des aspects. La violence a des manifestations multiformes et des causes également multiples, il faut en prendre la mesure dans tous ses aspects pour la combattre efficacement, aucune théorie simpliste et binaire ne peut prétendre l’expliquer complètement. Naturellement la violence s’exerce également dans le cadre d’un rapport de pouvoir et de domination, ce qui explique que la violence masculine soit prédominante sur la violence féminine qui reste contenue globalement par le pouvoir qu’exercent les hommes dans la société en général.

Le niveau de vie influence le couple, selon quelques statistiques, dans un pays comme le Canada, la violence est exercée plus dans les milieux pauvres. «Les chercheurs ont néanmoins mis en évidence que les milieux défavorisés, du fait du stress social qu’ils vivent quotidiennement, présentent des taux de violence plus élevés (Strauss et al., 1980, Gelles et Strauss, 1988, statistique Canada, 1993).» (in Principaux modèles théoriques et facteurs rendant compte de la violence conjugale, 2002).

Les chercheurs et les chercheuses ont commencé par déconstruire le mythe qui veut que la violence soit une caractéristique des milieux populaires. Loin de ne concerner, comme on le croit parfois, que les couples peu éduqués, la violence se manifeste quel que soit le niveau d’éducation de l’homme et de la femme. Même si on constate que les femmes qui ont fait des études longues sont un peu moins exposées à la violence physique et sexuelle mais ce n’est pas le cas pour la violence verbale et psychologique car ce type de violence peut exister dans chaque couple et chez toutes les catégories sociales.

Mais il ne faut pas nier que le statut de la femme s’est beaucoup amélioré dans plusieurs sociétés ainsi que sa position envers son mari qui est en progression. «L’écart entre les sexes de la scolarisation dans le primaire et le secondaire se rétrécit, les femmes ont beaucoup progressé au niveau de l’enseignement supérieur. Les femmes représentent une part croissante de la population active du monde.» (in Les femmes dans le monde…, 2002). Le niveau éducatif de la femme est essentiel pour sa position dans la société car le statut inférieur auquel sont contraintes bien des femmes les rend vulnérables à la violence. Dans certaines communautés, la majorité d’entres elles subissent les excès de leur partenaire, des excès qui menacent leur santé et leur vie.

Mais malgré les progrès de la femme, la violence est toujours existante, «les femmes de tous milieux culturels, intellectuels ou économiques sont touchées. Cette violence est encouragée par l’oppression sociale des femmes, amplifiée par l’inégalité et la dépendance économique. Bien entendu, une femme dévalorisée ou battue dans son enfance aura moins de ressources pour se défendre qu’une femme avec une personnalité bien construite» (in Lien social…, 2003). Et c’est une raison de plus pour que le statut social de la femme soit fort important, car même s’il est supérieur il ne construit pas d’obstacles de protection envers elle. «Les femmes représentant une part croissante de la population active du monde, des millions d’entre elles dans le monde sont victimes d’abus physiques et sexuels dont beaucoup ne sont pas connus.» (in Les femmes dans le monde…, 2002).

Selon les statistiques canadiennes de VI-SA-VI et Chaudières-Applaches, la scolarité atteint dans le couple 71% (niveau secondaire) et de même 34% pour le même niveau respectivement. Les Alternatives Internationales dresse un aperçu de l’évolution des rapports hommes-femmes à travers le monde. «Partout la scolarisation des filles et l’alphabétisation entraîne une inéluctable émancipation des femmes.» (in Alternatives internationales…, 2003). Les femmes qui sont instruites et qui travaillent dans des différents niveaux de travail subissent toujours les mêmes mécanismes de différentiation contre elles malgré les vastes changements qui ont été marqués par la propagation de l’enseignement et l’entrée des femmes dans le monde du travail. Ainsi la femme, que ce soit à la maison ou au travail, est toujours inférieure, ce qui entrave qu’elle soit dans la même position que son conjoint; c’est dû à l’enracinement du système du patriarcat dans le système social.

‘«La violence ne se cantonne pas à certaines catégories de la population ; elle traverse les clivages sociaux. La violence ne se cantonne pas, comme on l’a longtemps supposé à certains milieux sociaux ou à certaines catégories de la population. On ne trouve pas de différences significatives au plan statistique dans les taux de femmes violentées, qu’il s’agisse de cadres ou d’employées non qualifiées, de femmes jeunes ou de personnes d’âge mûr, de citadines ou de femmes vivant à la campagne.» (Gillioz, De puy, Ducret, 1997, p. 194). ’

Et même si l’enseignement et le travail font l’apparence de l’attitude de la société envers la femme et de ses compétences et de sa capacité pour participer l’homme dans tous les niveaux de la vie, les clivages sont toujours persistants «malgré que la femme dans le monde arabe a réalisé beaucoup d’amélioration dans le niveau socio-économique tout au long des années dernières et spécialement en ce qui concerne le niveau éducatif et le statut professionnel, mais les inégalités sont toujours présentes entre les deux sexes que ce soit dans le niveau social ou économique».(in La femme arabe 1995, p. 2).

Comme nous l’avons vu, les inégalités les plus répandues dans les couples, à savoir les inégalités structurelles et organisationnelles - inégalité de capitaux professionnels possédés par les conjoints, division asymétrique du travail engendrant la dépendance économique de la femme - ne sont pas significativement corrélées à la violence. En revanche, on peut affirmer dans le sillage de nombreuses études, qu’elles sont opérantes au niveau macrosocial. Elles placent en effet les femmes en position d’infériorité et de vulnérabilité sociale et autorisent les hommes à recourir à la violence domestique sans encourir de sanctions sociales.

Au niveau microsocial, c’est une forme spécifique de domination qui engendre la violence. Celle dans laquelle l’homme met son épouse en position d’infériorité en voulant avoir le dernier mot, en prenant seul les décisions, en la contrôlant, en obtenant sa soumission sexuelle et en la dévalorisant.

Ainsi ce serait l’intériorisation par l’homme d’un modèle patriarcal de rapports sociaux de sexe dans le couple, modèle dans lequel l’homme impose sa loi dans son foyer et soumet sa femme, qui serait au niveau familial à l’origine de la violence.

Une autre vision du problème existe encore, considérant que l’enseignement est considéré pour la femme comme un moyen pour un meilleur choix du mari, ainsi que si la fille - selon ces études - a été éduquée, elle n’est pas du tout cultivée.

‘«On peut conclure que l’enseignement n’a pas aidé les filles pour monter dans l’échelle sociale car c’était tout simplement un moyen pour le choix du mari, ainsi que l’éducation des filles est soumise dans la plupart du temps à des considérations sociales traditionnelles qui font de l’éducation un moyen pour posséder un mari convenable et non pour que la femme soit participante dans l’opération de production. Les portes des universités ont été ouvertes pour les filles, mais les portes de la culture et de la vie sont toujours fermées, car la vie sociale est une image de la vie familiale et le système des valeurs et de culture obéit à cette division des rôles toujours reproduite par la culture patriarcale.» (Charafeddine, 2002, p. 93, 94). ’

Il existe des formes « douces » de domination masculine se manifestant par des inégalités observables dans les familles, notamment le statut inférieur de la femme résultant à son tour des femmes qui ont des formations professionnelles et des progressions de niveau inférieur à celles de leur conjoint. Ainsi que la division du travail dans le couple reste basée sur un schéma traditionnel qui place la femme en position d’infériorité, les couples vivent en majorité selon un modèle traditionnel de partage du travail (rémunéré et domestique), assignent à la femme un statut moins valorisé et consacrant sa dépendance économique. Cette division du travail entraîne un accès inégal aux ressources financières et confère le pouvoir économique à l’homme.

L’homme reste, par conséquent, le principal pourvoyeur du ménage dans la plupart des familles. Que la femme travaille ou non à l’extérieur, ne change pas fondamentalement les choses, nous nous permettons donc d’affirmer que la famille demeure un des lieux centraux de reproduction des inégalités entre les sexes.

‘«Comment s’attaquer aux causes profondes des multiples formes de violence dirigées contre des femmes dans le monde, tel a été ce matin l’objet de la totale ronde d’experts organisés par la commission de la condition de la femme. On a appelé les femmes à assumer davantage de postes de haut niveau et à participer plus activement dans la politique de par le monde, en ce qui concerne la violence domestique, on a estimé que l’éducation est la panacée et on a demandé s’il existait des statistiques ventilées par niveau d’éducation des femmes victimes de ce type de violence. L’importance de l’éducation et de l’information est primordiale pour pouvoir réellement combattre la violence à l’encontre des femmes car, à la fois les auteurs et les victimes des violences doivent être conscients de la loi et de leurs droits.» (in Les Nations Unies, communiqué de presse…, 2003). ’

Enfin, on peut identifier la violence au foyer comme un problème social. Certaines femmes même les plus intellectuelles d’entre elles hésitent à porter plainte et les représentants des forces de l’ordre considèrent que la violence domestique appartient au domaine privé.

La violence au foyer est un problème de répartition inégale du pouvoir entre les hommes et les femmes dans les sociétés où ces dernières occupent des positions subordonnées et sont considérées comme le bien de leur époux et de la famille. Ce n’est qu’en autonomisant les femmes que l’on pourra vaincre la violence.