4. Violences conjugales : pouvoir et contrôle:

Pour ce qui est du pouvoir dans le couple, l’étude de la répartition du pouvoir dans la famille pose de redoutables problèmes. En effet, celui-ci comporte de multiples dimensions, pas toujours aisées à explorer et le choix des indicateurs pertinents implique toujours une part d’arbitraire.

Cette partie va nous dévoiler certaines formes de persuasion ou de manière encore plus subtile, lorsque la personne dominée intériorise et fait sienne la volonté du dominant. La dimension du pouvoir se définit comme «l’aptitude, potentielle ou actuelle d’un acteur à orienter le comportement d’autrui dans une direction désirée, avec ou sans son consentement». (Kellerhals, 1984, p. 63).

Souvent, si on veut étudier le pouvoir dans le couple à travers cette définition et de quelques questions posées sur ce sujet, on va rencontrer des limites car cela va mettre l’accent sur les aspects les plus visibles de l’exercice du pouvoir et oubli de ses dimensions cachées, consensus apparent pouvant dissimuler des processus d’influence, oubli des dimensions structurelles du pouvoir et notamment de ses aspects économiques.

Mais certainement si ces techniques ne sont plus satisfaisantes, on peut centrer l’analyse sur le pourvoir à l’œuvre dans les interactions du couple.

‘«La décision apparaît comme ayant été prise ensemble ou en consentement mutuel, alors que des processus d’influence ont joué.» (Kellerhals, Favre, 1982, p. 175). Dans une société ou l’idéal égalitaire s’est imposé au niveau des mentalités mais non des faits, il est probable que les couples, ici les femmes, préfèrent ignorer certains aspects inégalitaires de leurs relations.’

On observe une forte corrélation entre le pouvoir et la violence : Le taux de femmes violentées croît fortement et linéairement avec le degré de contrôle de l’homme.

Cette relation existante entre le pouvoir et la violence est résultante de quelques critères qui agissent fortement dans la vie du couple, et se sortir de cet état n’est pas l’affaire d’abolition de ces critères mais un changement dans la structure sociale, lieu d’émission de ces images du pouvoir et de domination masculine.

‘«Les critères du pouvoir sont les critères de possession, posséder une culture à travers le travail ou l’héritage, peut certainement rend plus flexible la forme de la violence et son image. Et si elle ne résulte pas d’un changement qualificatif dans la relation homme-femme c’est parce que le changement qualificatif demande d’autres facteurs qui se lient à des changements structuraux de la société qui permettent une véritable conscience des problèmes de la femme et une volonté qui empêche le changement de sa situation.» (Gillioz et al., 1997, p. 90). ’

Le pouvoir de l’homme sur la femme est résultant de cette inégalité de pouvoir, normes, cultures et traditions, et n’oublions pas les lois juridiques spécialement dans les sociétés dites traditionnelles qui renforcent le pouvoir de l’homme et qui va entraîner nécessairement à une violence contre la femme.

‘«La violence contre la femme reste une des images des relations de pouvoir inégalitaires existantes à travers l’histoire entre l’homme et la femme, ce qui a entraîne une autorité de l’homme sur la femme et une contrainte contre le progrès de la femme. Et la violence contre la femme trouve son essence dans les systèmes de valeurs existant au sein de la société et tout ce qui a comme influences négativité l’ensemble des traditions, coutumes, race, sexe, langue et religion qui renforcent l’affaiblissement du rôle donné à la femme dans la famille, dans son milieu de travail et dans la société toute entière. L’inégalité existe de même dans les lois juridiques qui donnent toujours la priorité à l’homme, ce qui renforce l’inégalité de pouvoir entre eux.» (Alsabini, in La violence contre la femme…, 2003). ’

Le pouvoir et le contrôle sont une image de la violence conjugale en pièces détachées. Il y a la violence qui se vit à l’intérieur, moins apparente qui se manifeste par des gestes mais aussi par des regards et menaces, enfin, il y a le noyau même du contrôle, ce que l’homme violent désire que la femme violentée devienne :

‘« Pouvoir et contrôle se traduisent en intimidation, lui faire peur par le regard ou le geste, en élevant la voix ou en détruisant des objets auxquels elle tient ; en isolement en contrôlant ce qu’elle fait, qui elle voit, avec qui elle parle et où elle va ; en une agression émotionnelle, la rabaisser, la dévaloriser dans l’intimité comme devant les autres, lui donne des noms, lui faire croire qu’elle est folle ; un machisme, la traiter comme une servante, prendre toutes les décisions, agir comme le maître de la maison ; l’agression économique, l’empêcher de conserver un emploi, la rendre financièrement dépendante, la forcer à s’endetter, exiger d’elle une allocation, lui voler son argent ; des menaces, la menacer de prendre les enfants, de se suicider ou de la dénoncer à l’aide sociale ; chantage aux enfants, la culpabiliser au sujet des enfants, utiliser ceux-ci comme messagers, et en cas de séparation, profiter du droit de visite pour la harceler ; et enfin l’agression sexuelle, la traiter comme un objet sexuel, attaquer physiquement ses parties sexuelles, la prendre de force.» (in La violence conjugale, comment se manifeste d’elle…, 2003). ’

Voilà comment le rôle du contrôle et du pouvoir peut être traduit, en donnant à l’homme ces options et en l’éduquant à ce qu’il soit toujours le maître, le centre, ne résulte que de telles conséquences néfastes à sa vie, celle de sa conjointe et des ses enfants.

La prévention de la violence faite aux femmes vise un changement profond des valeurs, des attitudes et des comportements. C’est un travail de longue haleine. La prévention auprès des jeunes consiste à leur proposer des modèles de rapports égalitaires entre les filles et les garçons en vue de relations plus harmonieuses.

La violence, c’est exercer un contrôle et une domination. Dans sa déclaration sur l’élimination de la violence faite aux femmes adoptées en 1993, l’assemblée générale des Nations Unies a reconnu que «cette violence est la manifestation de rapports de force historiquement inégaux qui ont abouti à la domination des hommes sur les femmes».

La violence contre les femmes se perpétue malheureusement d’une génération à l’autre. Ainsi, dans la plupart des sociétés, on confère aux garçons et aux hommes le statut de dominants, en public comme en privé, alors que les filles et les femmes doivent se conformer à un modèle féminin basé sur la dépendance et la soumission. La violence est le moyen choisi par un individu pour contrôler et dominer une autre personne, et affirmer son pouvoir sur elle.

‘«L’égalité dans les relations entre hommes et femmes est donc la meilleure façon de prévenir la violence contre les femmes. La façon dont nous élevons les enfants de sexe masculin dans notre société les amène à penser qu’un comportement agressif et le passage à l’acte violent sont des formes d’extériorisation propre au genre. Bien des hommes apprennent à faire valoir leur masculinité au travers de la violence verbale ou physique dans la sphère dite privée envers les femmes.» (in Les hommes et la violence…, 2002). ’

Enfin, pour conclure, les rapports de pouvoir entre les personnes apparaissent être à l’origine d’une majorité de conflits. Ils se développent notamment sur la base des modèles masculins et féminins véhiculés par nos cultures, l’éducation, le monde du travail, les sports, les médias. Si on veut bien considérer le constat que les violences dans le monde sont principalement masculines - de la prise de décision au passage à l’acte violent - il importe d’essayer de comprendre ce phénomène, de débattre de ses diverses facettes et de promouvoir des changements des mentalités. Il est crucial surtout de convaincre les hommes - majoritairement détenteurs des pouvoirs et des privilèges - de la pertinence de cette démarche et de les impliquer, aux côtés des femmes, dans la lutte pour une société moins violente.