5. Approche féministe et violence conjugale :

La violence liée au patriarcat et longtemps tolérée a été dénoncée par les féministes. Elles ont montré que la violence envers les femmes, en renforçant leur dépendance, permet aux hommes de continuer à exercer leur contrôle et leur autorité. Elles ont créé des réseaux de solidarité, ouverts des structures d’accueil et d’hébergement, écrit et proposé des modifications de loi.

Même si actuellement le féminisme est dépassé dans quelques pays en tant que mouvement politique, il a eu un impact considérable dans les mentalités et a eu le mérite de rendre visibles certaines situations. Cependant, un discours féministe peut trouver des opposants au sein même des femmes victimes de violences, qui ne s’y reconnaissent pas.

Dans la réalité, ce qui importe, c’est que les femmes soient traitées à égalité dans le couple et dans la société et qu’elles sont respectées. Face à des comportements de soumission des femmes, certaines féministes peuvent avoir la tentation d’imposer leurs normes, les femmes doivent se révolter contre le pouvoir des hommes. Il ne sert à rien de creuser encore plus le fossé entre les sexes et de considérer toute la population masculine comme potentiellement violente. Il serait plus utile de lutter contre les mentalités sexistes des hommes et des femmes, et d’apprendre aux femmes à repérer les premiers signes de violence et à les dénoncer.

Hirigoyen dans son livre Femmes sous emprise, a discuté le pour et le contre de l’analyse féministe, en France le féminisme est actuellement violemment attaqué par certains intellectuels. Par exemple, Badinter, dans son livre Fausse Route (Badinter, 2003), reproche aux mouvements féministes de diffuser dans la société une idéologie « victimiste », au mépris des progrès réels de la condition des femmes, et d’humilier ainsi les homes, en les faisant passer pour des bourreaux. Elle reproche, en particulier, à l’enquête ENVEFF sur les violences domestiques de ne pas avoir distingué les agressions physiques de la violence psychologique. Elle s’étonne de la passivité des femmes qui pourraient échapper à leur bourreau mais ne le font pas. En cela, elle semble méconnaître l’importance de l’emprise qui paralyse ces femmes et les empêche de comprendre ce qu’elles vivent et d’y réagir. Pourtant, Badinter admet que les hommes battus, parce qu’ils ont honte, ont une propension à tout dissimuler et à se laisser couler. Elle reconnaît que, si ces hommes ne réagissent pas, c’est qu’ils espèrent longtemps que leur situation va s’arranger. Est-ce qu’à vouloir dénoncer les abus d’un féminisme outrancier, qui place systématiquement les femmes en victimes de la domination masculine, Badinter n’en viendrait pas à retourner l’argument et à faire de ces pauvres hommes des victimes, renforçant ainsi l’antagonisme des sexes ?

Si elle pense qu’on a eu raison de sanctionner le harcèlement moral ou sexuel des petits chefs, elle pense aussi qu’on aurait mieux fait d’apprendre aux femmes à se défendre elles-mêmes. Cela ne l’empêche pas de dénoncer la violence réactive des femmes qui agressent l’homme pour se défendre. On s’étonne d’une position si virulente car, à trop vouloir défendre les hommes contre les femmes, Badinter rejoint ce que, justement, elle voulait dénoncer, c’est-à-dire enfermer hommes et femmes dans des camps opposés.

Il ne faut pas oublier non plus que, si le patriarcat a rendu les hommes dominateurs, il a aussi amené les femmes à être passives et résignées, la femme est parfois convaincue et croit qu’elle doit être soumise à l’homme et elle apprend plus tard à ces filles comment elles doivent être de même soumises à leurs époux, et sauvegardent et défendent aussi à pour ces garçons leur rôle d’êtres dominateurs. Il n’est pas étonnant que certaines femmes considèrent qu’il est normal qu’elles soient punies, si elles n’y parviennent pas. Elles considèrent parfois que la violence est quelque chose de normal et inévitable dans leur vie. Elles apprennent à contrôler leur peur, pensent que les agressions des hommes sont un danger comme un autre dont il faut apprendre à se protéger. Devenues femmes, elles n’ont pas appris à faire confiance à leur ressenti et à filtrer les vrais dangers. En cas d’agression, elles doutent de leur perception de la réalité, il arrive même qu’elles ne mentionnent pas l’agression qu’elles ont subie, de peur d’être ridiculisées ou encore plus culpabilisées. Les femmes sont soumises aux normes sociales qui leur dictent d’être dévouées et disponibles, pensent que, pour garder un homme, il faut montrer de l’abnégation et de la soumission. Ayant appris très jeunes que, pour mériter l’amour des parents, il leur fallait être utiles et faire passer le bonheur des autres avant le leur, elles en font trop pour l’autre et s’autorisent peu à satisfaire leurs propres besoins.

Comme socialement les femmes sont tenues pour responsables de la réussite du couple, si leur conjoint dérape dans la violence, elles se sentiront en échec. Elles auront honte de ne pas être capables de changer la situation, honte de se laisser traiter ainsi, honte d’être, aux yeux du monde extérieur, incapables de satisfaire leur conjoint, incapables de créer un foyer heureux. La honte va empêcher les femmes de révéler la situation et donc constituera un obstacle supplémentaire pour y mettre fin. Dans tous les cas, il s’agit de se conformer à un modèle et à mettre de côté son ressenti propre.

L’approche féministe vise un double objectif : tout d’abord poursuivre une réflexion épistémologique et méthodologique critique sur les recherches classiques menées dans le domaine de la violence familiale ; et ensuite apporter sa contribution à la question des femmes maltraitées.

Le mouvement féministe a considéré que la lutte essentielle existante dans la société revient en premier lieu à la discrimination sexuelle, c’est pour cela qu’il faut toujours travailler pour réaliser l’égalité entre les deux sexes et donc toutes sortes de discrimination disparaissent. Les féministes considèrent que le système patriarcal est à la base de toute sorte d’infériorité dans le statut de la femme, réduit le rôle de la femme à une simple fonction de reproduction, et c’est pour cela que leur tâche s’est concentrée pour arriver à l’abolition de la supériorité masculine.