7. Le féminisme dans sa relativité socioculturelle orientale et occidentale:

Les lois existantes au Liban ont gardé les droits de la famille en tant qu’entité sans travailler sur les spécificités de chacun de ses membres, et de plus elles ont renforcé le rôle des confessions religieuses beaucoup plus que ses membres, ce qui marque la domination masculine.

Les féministes occidentales se sont beaucoup centré sur la relation conjugale entre mari et épouse pour analyser les inégalités sexuelles sans évoquer l’influence de la famille étendue sur ce problème, au contraire les recherches féministes orientales et surtout libanaises ont trouvé que la source essentielle du patriarcat est le système confessionnel qui empêche la réalisation d’une égalité sexuelle, c’est pour cela elles réclament toujours la nécessité d’existence d’un code civil pour les affaires personnelles.

Beaucoup d’autres droits fondamentaux de la femme pour l’élimination de toutes les formes de violence à l’égard des femmes ont été énoncés par des chercheuses en matière de violence conjugale :

‘« Il faut considérer la maltraitance des femmes, un crime organisé. Diverses formes de violence doivent être prises en compte, à savoir la violence visible ou physique mais également la violence cachée psychologique qui est la forme de violence la plus répandue. Les difficultés rencontrées dans l’harmonisation de ces dispositions avec les traditions et pratiques culturelles locales ainsi les lois discriminatoires régissant le mariage, le divorce, la famille et l’héritage sont beaucoup plus lentes à changer sur le plan national. La violence au foyer doit être considérée comme un crime ; la violence doit être comprise dans toute sa complexité. Sans une participation active des hommes, il sera impossible de lutter contre la violence à l’égard des femmes. Notre projet interdisciplinaire associant diverses institutions dominées par les hommes nous permet d’associer les hommes à participer à la lutte contre la violence.» (in Appels à la tolérance zéro…, 2003). ’

Toutes sortes d’analyses incluant les analyses féministes tentent à mieux éclaircir et à résoudre le problème de la violence conjugale, mais cette mission ne peut pas trouver des bons résultats que si les femmes elles-mêmes réagissent.

Les stéréotypes sexistes sont encore bien présents, et il faut toujours travailler pour montrer qu’un homme et une femme sont à égalité, que ce sont des partenaires. La victime si elle s’encourage et commence à parler, ne parle que de ce qu’elle vit aujourd’hui. Si nous l’aidons à réaliser un flash-back, elle prend conscience que la violence existe depuis longtemps. Elle a commencé souvent très vite, mais la victime ne le réalise que quand cela devient insupportable. Chaque victime a son propre seuil de tolérance. Lorsqu’elle ne trouve plus de justifications ou d’excuses, elle commence à réagir.

Pour beaucoup, hommes et femmes, le sujet est tabou, et touche à leur propre passé familial. L’éducation des hommes, ainsi que des adolescents, et leur participation aux programmes de santé reproductive sont parmi les facteurs-clés à considérer pour combattre le problème. De tels efforts ne sont encore que rarement entrepris, mais on peut noter certains changements.

Personne n’a le droit de subir des violences ; lorsque l’on subit des violences, on se sent effrayé, vulnérable et complètement seul. Cela peut être très traumatisant et laisser de graves séquelles. C’est pourquoi il est très important de ne pas se replier sur soi ; ça ne changera rien à la situation et surtout, ça ne punira pas l’agresseur. Bien que ce soit extrêmement difficile et gênant, il est nécessaire de faire un effort et parler de ce problème à quelqu’un. Discuter de ce que l’on ressent, c’est la meilleure façon de se soulager d’un poids et obtenir des conseils pour trouver une solution.

Par ailleurs, l’approche psycho-sociale intègre une dimension sociale dans l’explication des comportements des individu(e)s ; elle considère la violence comme le résultat d’une mauvaise communication à l’intérieur de la famille. On peut voir dans les comportements d’agresseur ou de victime le résultat d’apprentissages effectués au sein de la famille d’origine ou du groupe d’appartenance. Le concept de transmission intergénérationnelle de la violence s’est révélé pertinent pour expliquer la tendance qu’ont les personnes maltraitées dans leur enfance à maltraiter à leur tour leurs enfants. On peut également l’appliquer aux cas de violence conjugale. Les maris violents ont vécu de la violence en tant qu’enfant ou ont vu leur père battre leur mère. Il y aurait ainsi apprentissage de la violence comme mode de relation dans la socialisation primaire des individu(e)s.

On peut donc à partir de cela convenir de l’existence d’une reproduction sociale de la violence. Mais il est aussi visible que cette reproduction des situations vécues pendant l’enfance n’est pas inéluctable. Si avoir vécu dans un climat d’extrême violence représente un facteur de risque important en fragilisant de façon irrémédiable certains enfants, la majorité d’entre eux ne reproduisent pas à l’age adulte ce qu’ils ont vécu dans leur enfance. L’interprétation des chiffres peut être présentée de façon antagonique, «D’un côté, une causalité accablante lorsqu’on constate que 28% des femmes ayant subi des sévices et des coups répétés dans leur enfance ont été victimes, à l’age adulte, de violences conjugales au cours des douze derniers mois, contre 6% seulement de celles qui n’ont connu aucune difficulté dans leur enfance. D’un autre coté, il se dégage un certain optimisme au fait que 72% des femmes ayant subi des sévices et des coups répétés dans leur enfance ont été indemnes, à l’age adulte, de violences conjugales. Ces deux pourcentages ne sont pourtant que la lecture, en miroir, d’un même phénomène chiffré de la reproduction sociale de la violence. Statistiquement, il est indéniable que le fait d’avoir été victime dans son enfance accroît considérablement le risque de victimisation conjugale à l’âge adulte, c’est un facteur aggravant. La maltraitance physique étant, parmi les difficultés de l’enfance présentées dans cette étude, le facteur le plus déterminant.» (Jaspard, 2005, p. 54).

La fréquence des situations de violences n’est pas statistiquement liée à la présence d’enfants. On voit que la répartition très inégalitaire des fonctions éducatives parentales était un facteur favorisant les violences conjugales. Les enfants ne sont souvent qu’un prétexte au déclenchement de la colère du conjoint. Tout se passe comme si les enfants étaient ignorés dans un drame qui se déroule pourtant sous leurs yeux et auquel ils assistent impuissants. L’enjeu se situe d’abord entre les parents, les enfants ne sont que des pions dans une relation où l’un veut assurer son pouvoir sur l’autre. C’est souvent lorsque la violence s’adresse directement aux enfants, lorsque la mère les sent en danger, qu’elle prend la décision de quitter son conjoint. Les compagnons violents ne sont pas toujours des pères violents mais, dans nombre de cas, les enfants risquent d’être instrumentalisés par les deux parents. L’instrumentalisation atteint son paroxysme, dans les pires des situations, après la séparation du couple.

Par ailleurs, rester pour les enfants ne semble pas une décision bénéfique pour ces derniers qui, à de rares exceptions près, sont spectateurs d’un match inégal se déroulant dans le huis clos conjugal. De fait, prises en étau entre le maintien d’une relation affective et d’une cellule familiale qu’elles ont construites, et la nécessité de protéger leurs enfants, et une aspiration à exister en tant que personne à part entière, les femmes victimes de violences conjugales se trouvent dans une situation inextricable.

La présence d’enfants dans le ménage favorise les disputes répétées, les enfants étant fréquemment le sujet des disputes parentales. Même si les discussions pour le bien des enfants deviennent trop orageuses et altèrent le climat fondamental, celui-ci est sans commune mesure avec l’atmosphère oppressante des violences quotidiennes, où peur et culpabilité sont le lot habituel de la mère et des enfants.

Le chômage du partenaire, déterminant très important du risque des violences conjugales, n’apparaît pas comme facteur de conflit. Alors que l’occurrence de la violence conjugale est grandement liée à l’instabilité professionnelle d’un ou des deux conjoints, la fréquence des scènes de ménage apparaît davantage en liaison avec la hiérarchie sociale mesurée par la catégorie socioprofessionnelle. Le climat des disputes, comme la fréquence des insultes, dépend, davantage que la violence, des normes culturelles. La retenue est de bon aloi selon le code de conduite des classes supérieures, alors que les mœurs des classes populaires s’accommodent de pratiques langagières plus relâchées. Selon le milieu social d’appartenance, altercations et insultes ne revêtent pas la même signification. Davantage inscrites dans des situations de violence univoque chez les couples des milieux favorisés, les scènes de ménage pimentent la vie conjugale des moins nantis.

Témoins involontaires des scènes de violence et de la dégradation plus ou moins lente des relations entre leurs parents, pour la plupart, les enfants assistent impuissants aux exactions parentales. Il est à craindre qu’un grand nombre de ces enfants souffre par la suite d’une vulnérabilité sociale et affective qui grèvera leur histoire de vie, en plus s’ils sont eux-mêmes maltraités. Enfant victime, enfant témoin, enfant instrumentalisé, on comprendra que l’aide aux victimes de violences conjugales doit inclure la protection de l’enfant, et que la prévention doit commencer dès le plus jeune age, par la détection des situations de violences.

En revanche, on peut réduire la maltraitance des femmes à une impuissance apprise pour expliquer la difficulté qu’ont ces femmes à réagir. De même, la violence tire son origine de situations génératrices de stress (chômage, insatisfaction au travail, alcoolisme, pauvreté…) qui se répercutent sous forme de conflits à l’intérieur de la famille et aboutissent à la violence.

Toutefois, on peut relativiser l’influence de ces facteurs et rappeler que la violence est le résultat d’un processus complexe et ne saurait être expliqué par un déterminant unique. Quand la violence règne au foyer, ce sont non seulement la santé et le bien-être de la femme qui sont en danger, mais aussi ceux de ses enfants. « Une femme maltraitée aura elle-même tendance à battre ses enfants en suivant l’exemple de son conjoint.» (in La violence conjugale et familiale…, 1998). Cette violence familiale a des conséquences néfastes qui continuent à l’âge adulte. Ainsi les enfants issus d’un foyer violent sont plus susceptibles d’adopter des comportements violents. « Si vous grandissez dans un milieu violent, votre évolution sera différente de celle des autres enfants.» (in La violence conjugale et familiale…, 1998).

Différents modèles sont apparus au cours des dernières décennies pour rendre compte de l’étiologie de la violence. Cependant, nous postulons qu’un seul de ces modèles ne permet pas d’appréhender de manière pertinente l’émergence de la violence dans un couple, mais tout en consacrant l’importance dans cette partie à la violence subie dans l’enfance on ne va avoir recours qu’au modèle cognitivo-comportemental. « Modèle cognitivo-comportemental : La violence est envisagée comme un comportement acquis dans l’enfance … Il est aberrant de penser qu’il est possible de comprendre un phénomène humain sans se référer directement et continuellement à la culture d’appartenance du sujet, à son milieu environnant, à son passé et donc à son vécu.» (Labasque, in La violence conjugale…, 2001).

Si l’homme violent ou la femme violentée sont des anciens enfants battus, pourquoi adoptent-ils le même comportement que les personnes qui les ont brutalisés ?

Une étude psychanalytique a été faite sur le sujet et a ramené les raisons à plusieurs causes dont les plus importantes, sont : pour dominer la peur, «Si quelqu’un nous engueule, c’est une agression envers nous. Si nous ne comprenons pas le comportement méchant, si nous ne comprenons pas cette chose qui nous a fait souffrir, alors la seule solution pour surmonter cette douleur est de devenir plus fort que la personne qui nous a fait souffrir. Nous espérons dominer notre peur en devenant pire que notre agresseur.» (Brasseur, in Dis-moi qui t’as engueulé…, 2003).

Pour faire partager nos souffrances, «Nous essayons de nous consoler des souffrances endurées, une épreuve que nous ne nous sommes pas fait engueuler pour rien, nous nous mettons à faire comme l’agresseur pour vraiment nous persuader que c’était une bonne chose.» (Brasseur, in Dis-moi qui t’as engueulé…, 2003).

Cela signifie que si on va adopter un comportement, on va essayer de copier le comportement d’autres personnes autour de nous. Forcément, on aura plus tendance à adopter le comportement de quelqu’un qui nous a fort marqué ou impressionné. Même si c’est un mauvais comportement. Mais on peut facilement critiquer cette conception car ce n’est pas nous qui adaptons le comportement de la personne qui nous fait souffrir : c’est le contraire. C’est la personne qui nous adopte. Elle a senti que nous lui ressemblons. Alors elle nous saute dessus et nous impose ce qu’elle a dans la tête. Elle veut faire de nous une copie d’elle-même, pour se sentir moins seule ou simplement par réflexe. Elle agit comme un enseignant, mais pour de mauvaises choses.

Si quelqu’un nous a hurlé dessus pour nous imposer quelque chose, nous avons donc été victime de violence. Notre subconscient sera très préoccupé par cela. Il ne sait pas quoi en penser. Alors il nous amènera à reproduire le même comportement face à d’autres personnes.

La violence intra-familiale se transmet puisque la famille constitue le lieu premier d’éducation et de transmission des relations. «Qu’il soit objet d’amour de soi-même ou objet de haine, l’enfant maltraité reste assimilé à l’enfant merveilleux et idéalisé que tout adulte propre en soi et qui doit être tué symboliquement, et non réellement, pour que se constitue le lien de filiation permettant de vivre à sa place et en son nom. Sinon l’enfant roi devient vite l’enfant victime ou l’enfant tyrannique. La violence révèle donc une défaillance de la fonction paternelle – celle du tiers – mais pas totale, car la plupart des enfants battus ne deviennent pas fous pour autant mais présentent des symptômes plus ou moins graves et plus ou moins durables, répétant à leur tour de façon active ou passive la violence subie.» (Durif-Varembont, in Revue internationale …, p. 11).

Au Canada et en ce qui concerne les antécédents de violence dans la famille de la femme violentée, deux éléments ont retenu notre attention, le premier porte sur la violence conjugale chez les parents de la femme et la deuxième sur les mauvais traitements qu’elle a elle-même subis pendant l’enfance et l’adolescence. «Relativement à la violence dans la famille de la femme victime de violence, nous constatons que près de 60% de femmes de l’étude affirment qu’il n’existait pas de violence entre leurs parents. Par ailleurs, 30% ont déclaré que leurs parents se battaient régulièrement ou souvent. Parmi les femmes qui rapportent de la violence dans leur famille d’origine, 36% indiquent que leur père battait leur mère. De nombreuses femmes (54%) ont révélé qu’elles avaient été elles-mêmes victimes de mauvais traitements dans leur enfance ou leur adolescence : une femme sur trois a subi cette violence régulièrement ou souvent, et un peu moins du quart indiquent l’avoir subie rarement.» (Rinfret-Raynor, Cantin, 1994, p. 15).