6. La vulnérabilité des femmes dans les deux sphères publique et privée:

Les développements antérieurs ont été consacrés à la violence contre les femmes dans la sphère privée, la plus importante en termes quantitatifs et d’impacts. Toutefois, les femmes ne sont pas à l’abri de la violence dans leur espace privé et cette violence se situe aussi au cœur des relations sociales et de pouvoir qui les lient aux hommes. Enfin, les sentiments éprouvés par une femme victime de violence domestique influenceront son comportement et son sentiment d'insécurité en société. En particulier, tout homme sera vu comme un agresseur potentiel.

De nos jours, les femmes sont conscientes que la violence physique n’est pas acceptable, mais elles le sont bien moins en ce qui concerne la violence psychologique. Tant qu’il y a un équilibre entre contrôle, dénigrement et gentillesse, c’est supportable. La femme se dit que sa perception de la réalité est fausse, que c’est elle qui ressent mal les choses, qu’elle exagère. Elle finit par douter de son ressenti et il faut parfois qu’un autre témoignage vienne confirmer ce qu’elle n’ose se dire.

La violence n’apparaît pas tout d’un coup, mais un passage progressif se fait de la domination à la violence.

Le processus d’emprise se déroule en deux temps : cela commence par la séduction, puis, si la femme résiste, l’homme use de procédés violents de plus en plus manifestes.

La question de la violence revêt de multiples formes et se pose essentiellement en termes d’appropriation de l’espace privé par les femmes. Qu'il s'agisse de menaces, d'intimidations, de harcèlements, d'agressions sexuelles, toutes ces formes d'agressions ou de menaces d'agressions réduisent considérablement l’accès des femmes à la sécurité. De plus, ces dernières sont plus soumises à la violence car elles représentent une catégorie vulnérable et cette vulnérabilité entretient leur statut dans la société. Enfin, la violence n'est pas neutre et se manifeste différemment selon l'âge, le groupe social et l'appartenance ethnique des victimes.

Dans ce cadre, Vinsonneau dans son livre L’identité des françaises face au sexe masculin (1997), affirme quelorsque des acteurs sociaux se rencontrent, ils sont d'abord interpellés d'une façon immédiate et globale au niveau de leur identité. En s'intéressant à la manière dont les Françaises se définissent comparativement aux hommes, elle propose d'éclairer le phénomène de la confrontation entre deux sub-cultures d'un même univers. Les sexes n'étant pas dotés d'une position équivalente dans la société actuelle, l'auteur a cherché en même temps à repérer les effets d'une inégalité sur les images que les femmes produisent d'elles-mêmes. Une analyse qui tente de montrer que les femmes parviennent à se couler alternativement et sans problème dans des modèles identitaires opposés!

Au regard de ces données, il apparaît que les femmes sont fréquemment soumises à la violence ou à la menace de la violence. Cela affecte leurs attitudes et sentiments quand elles se déplacent dans la société. Il existe en effet un élément commun à toutes les femmes, quel que soit leur âge, origine ou statut social, c'est la peur et le sentiment d'insécurité.

Bien que le sentiment d'insécurité ne soit pas exclusivement féminin, la peur éprouvée par les femmes est particulière. Elle est liée au respect de leur intégrité physique et psychologique. Car la plupart des femmes, sinon toutes ont déjà craint pour leur intégrité. Intégrité aussi bien physique, psychologique que sexuelle. Si toutes les femmes n'ont pas été violentées, toutes en revanche ont ressenti l'indicible malaise qui gêne, qui fait obstacle ou qui paralyse. Or cette violence engendre la peur, le désarroi et l'insécurité. Ce sentiment a une fonction de contrôle social sur les femmes qui vont restreindre leurs activités afin d'éviter l'exposition à des situations violentes. Nombre de femmes ne se sentent pas en sécurité dans leur propre foyer et cette insécurité limite la liberté à laquelle elles ont droit et leur appropriation de l'espace privé et public.

La vulnérabilité sociale des femmes dépend aussi de leur contexte socioculturel. La difficulté qu’ont toutes les femmes à quitter un conjoint violent ne peut être comprise qu’en tenant compte du statut de la femme dans la société et des rapports de soumission/domination que cela impose. En effet, si des femmes peuvent se laisser piéger dans une relation abusive, c’est parce que, par leur place dans la société, elles sont déjà en position d’infériorité. Ces violences ne seraient pas possibles si leurs conditions objectives n’étaient pas déjà installées par le système social. Malgré une prise de conscience certaine, la violence conjugale continue à sévir, et, sous prétexte de diversité culturelle.