2. Connaissances interculturelles et travail social :

Une relation existe entre travail social et rencontre des cultures, en particulier lorsque les identités culturelles diffèrent. Il s’agit d’une relation sociale, codifiée juridiquement, qui structure les places, rôles et fonctions de chacun. Les représentations que chacun des partenaires a de l’interaction peuvent être fortement divergentes. Et ce d’autant plus que la professionnalisation de plus en plus forte du travail social a conduit à une spécialisation toujours plus accrue dans la gestion de tâches parcellaires et dans les prises de rôles professionnels spécifiques. Face à cela, la spécificité de leurs ancrages sociaux et culturels peut pourtant conduire certains acteurs à faire confiance en les professionnels afin de discuter leurs situations et les difficultés qu’ils vivent.

La rencontre entre les deux s’inscrit dans une relation de type asymétrique et complémentaire, parfois beaucoup plus asymétrique quand les acteurs relèvent des couches les plus défavorisées. Le travail social ne peut échapper à l’ambiguïté car en visant à aider certaines catégories de la population particulièrement exposées aux difficultés et aux souffrances, il participe en même temps au règne du contrôle social.

Le travailleur social tend à réinscrire l’acteur social dans les codes et dans les places socialement disponibles et valorisés. Sous couvert d’un discours faisant souvent appel à l’autonomie et à la prise de responsabilité individuelle, il l’incite à considérer son sort, ses difficultés, se déviance, comme relevant en dernière analyse de sa problématique psychologique.

Une telle interpellation du sujet s’effectue à partir d’un certain nombre de normes et de valeurs, de représentations du monde, des rapports sociaux, des liens familiaux, et plus généralement de la personne humaine. Le travail social est l’une des institutions pour inscrire les normes, et contribue à mobiliser et diffuser une certaine vision de la personne et de ses relations au monde. Un tel modèle développe les valeurs d’autonomie et d’indépendance et la réalisation personnelle de l’individu.

‘« Un tel modèle du sujet se caractérise par l’émergence d’un moi, unité différenciée existant par elle-même, en relation avec les normes valorisantes et valorisées et il fonctionne comme un écran à la compréhension des personnes issues de sociétés non occidentales. S’il n’est pas sensibilisé à cette divergence culturelle, le travailleur social sera porté à considérer l’étranger comme manquant de je, comme non suffisamment différencié, parce qu’il lui apparaît comme par trop enchaîné au social, au groupal, au familial… Héritées de l’histoire, certaines représentations peuvent ainsi conduire des usagers à considérer l’assistance soit comme un juste dédommagement d’injustices préalablement subies, soit comme une simple évidence dans un pays qui, comparé à celui dont ils viennent, reste malgré la crise saturé d’abondances et de richesses. Quant aux professionnels, ils oscilleront entre sollicitude, condescendance et mépris à peine masqué pour l’Autre. A l’interaction entre rôles institués, s’entremêle ainsi une relation fortement marquée par des imaginaires sociaux et culturels peu reconnus.» (Lahlou, Vinsonneau, 2001, p. 255,256). ’

Enfin, chez de nombreux travailleurs sociaux, il y a une absence marquée d’une sensibilité professionnelle à la problématique interculturelle. Elle tient essentiellement aux modalités de leur formation, trop souvent centrée sur une approche des processus affectifs ou des processus de reproduction sociale. Les connaissances scientifiques, neutres et objectives, risquent parfois de positionner les cultures, les contextes et les personnes elles-mêmes.

‘« La relation d’aide est difficile ; elle ne vise ni à prendre parti (pour l’une ou l’autre des cultures), ni à refuser de prendre parti (il y a des lois, il y a des risques qui ne souffrent pas de demi-mesures). Aider à gérer les disparités culturelles suppose néanmoins l’édification et le maintien d’un cadre de pensée qui puisse articuler ce qui se donne souvent comme des clivages profonds : clivages entre le sujet et le collectif, la tradition et la modernité, le rationnel et l’irrationnel, l’identité et le changement, le respect de soi et le respect des autres, le cognitif et l’affectif… » (Lahlou, Vinsonneau, 2001, p. 260).’

Le travail avec les familles semble à de nombreux travailleurs sociaux, difficile, sinon impossible lorsque les disparités culturelles apparaissent trop fortes. Le fait de privilégier, dans une approche communautaire, le travail avec des groupes différenciés s’explique en partie par les besoins spécifiques de tel ou tel groupe, en partie par les configurations singulières des rôles au sein des familles. Mais il s’explique sans doute aussi par la crainte ressentie devant le système familial qui, en tant que tel, apparaît d’une complexité, d’une solidité et d’une réactivité plus grandes.

Les femmes immigrées violentées confrontent plusieurs problèmes sociaux, légales, économiques, etc. Une forte relation existe entre violences familiales et politiques d’immigration. Dans son étude, Mihalich, estime que plus de 20% des femmes qui ont appelé le numéro vert du centre Violence conjugale, Femmes Infos Service étaient des femmes immigrées.

L’attachement des immigrées en France aux traditions et coutumes de leurs pays d’origine, spécialement celles qui viennent de pays islamiques ou arabes, les rendent beaucoup plus vulnérables aux violences familiales. Ceci est déjà ancré dans leurs mentalités, que ce sont souvent elles qui provoquent les actes de violences et qui doivent être sanctionnées.

L’isolement des femmes immigrées en France, leur faible capacité de parler bien le français, leur sous-emploi, leur dépendance de leurs maris, ces derniers qui refusent toute assistance sociale, toutes ces conditions n’affaiblissent que ces femmes immigrées et ne fortifient que leur exclusion et isolement.