3. Habitus des migrants et analyse du couple dans sa dimension interculturelle :

Le problème des violences conjugales est traité d’une façon inégale entre les pays, c’est le phénomène d’interculturalité que vivent ces sociétés et ceci à cause des familles immigrés qui ont transféré leurs problèmes vers les sociétés d’immigration.

Les violences conjugales existantes dans les sociétés sont incarnées dans les Hommes à travers le système patriarcal et la reproduction sociale, ainsi qu’avec l’intériorisation des structures sociales dans le comportement humain.

De ce fait même, on peut remarquer le rôle que jouent ces structures dans la motivation des violences conjugales, d’où il s’agit de l’Habitus défini comme la façon dont les structures sociales s’impriment dans nos têtes et nos corps par intériorisation de l’extériorité. A cause de notre origine sociale et donc de nos premières expériences puis de notre trajectoire sociale, se forment, de façon le plus souvent inconsciente, des inclinaisons à penser, à percevoir, à faire d’une certaine manière, dispositions que nous intériorisons et incorporons de façon durable. Elles résistent en effet au changement. L’Habitus fonctionne comme un système car les dispositions sont unifiées et constituent d’ailleurs un élément d’unité de la personne. L’Habitus renvoie à tout ce qu’un individu possède et qui le fait. On a pu dire que l’Habitus se forme d’avoirs qui se transforment en être. En somme, l’Habitus désigne, selon Bourdieu, des manières d’être, de penser et de faire communes à plusieurs personnes de même origine sociale, issue de l’incorporation non consciente des normes et pratiques véhiculées par le groupe d’appartenance. De ce fait même, la structure sociale libanaise définit les violences dans le couple.

Malgré les aspects de modernisation et l’ouverture aux autres sociétés, les normes, les valeurs et les stéréotypes légitiment aussi la domination masculine qui s’est devenu une manière d’être, un des devoirs ou de traits de caractère qui doivent qualifier l’homme libanais.

Donc nos choix et comportements révèlent notre statut social et également nos aspirations et prétentions, et ce qui nous pousse de même à s’intéresser au problème de domination entre les sexes et plus particulièrement des violences conjugales envers les femmes qui appartiennent à un rang social, éducatif et économique jugé supérieur dans la société. Ceci permet d’infirmer certains préjugés qui considèrent que ce type de violences ne peut exister que dans la vie d’un couple défavorisé, de niveau éducatif faible et qui s’inscrit dans un cadre socio-professionnel modeste. Bien plus au contraire, on trouve et tout en partant du concept d’Habitus, on arrive à expliquer pourquoi les violences conjugales sont aussi présentes chez l’«élite sociale».

Enfin, on peut dire que l’Habitus n’est pas un destin. Il est en effet social et non génétique. L’Habitus, en effet, tend certes à reproduire quand il est confronté à des situations habituelles mais innove face à des situations inédites. Ajoutons que, si dans la même classe sociale, les Habitus sont proches, ils ne sont néanmoins pas identiques car chaque individu est confronté à des expériences sociales plus ou moins diverses. L’Habitus n’entraîne pas mécaniquement des conduites identiques mais plutôt des tendances à certaines conduites. C’est l’Habitus qui explique la reproduction, et pour les acteurs eux-mêmes, des rapports sociaux.

L’histoire de vie d’une personne est intimement liée à son histoire généalogique. L’individu a été généré par des lignées familiales et il engendre à son tour des enfants. Lorsque les générations vivaient géographiquement rapprochées ou dans un entretien régulier des liens familiaux, la transmission de la mémoire généalogique se faisait naturellement des anciens aux plus jeunes. Ils transmettent par apprentissage et par contrainte les normes et les valeurs de leurs groupes qui permettent la continuité de leurs spécificités culturelles.

Les transformations économiques et sociales ont poussé les individus à quitter leurs territoires, et les nombreux déménagements ne permettent pas toujours le transport d’archives familiales, c’était le lot des émigrés étrangers qui laissaient au pays leurs souvenirs pour partir en quête d’une vie meilleure, de quitter leur pauvreté vers les grandes villes. Là bas, ils représentent leurs propres vies, à la fois sociale et personnelle, comme une unité ou comme un développement autonome, en dehors des filiations et des parentés. Une certaine forme de responsabilisation est liée à une individualisation sociale centrée saur la dimension de l’individu, et les conditions faites aux individus dans les sociétés modernes correspondent à une séparation entre l’histoire de sa vie personnelle et son actualité présente.

Cependant, chacun et à un moment ou à un autre de son existence, éprouve que notre histoire de vie n’est pas séparable de notre archive familial, elle se développe comme une réponse à nos origines et à notre histoire même si elle était reprise ou transformée.

L’ancrage culturel des dispositifs d’action sociale consolide la monade identitaire par la remémoration. La désignation active le passage du contrôle à l’autocontrôle. Le récit de vie potentiellement vecteur d’interculturation, peut s’abîmer dans la différence culturelle. Les dispositifs qui objectivent l’histoire familiale placent les sujet issus d’une autre culture, dans une contradiction, d’un côte attachement aux ancêtres culturels, et de l’autre pression et souci de développement avec la modernisation.

Les migrants et lors de leur arrivée cherchent à établir un lien ou une forme d’identification dans ce monde étranger. La forme la plus accomplie que revêt ce lien est la constitution d’une communauté. Tous les groupes déplacés, quels qu’ils soient, présentent une tendance à la reconstruction de ce type de lien, essayant par là même de maintenir leur cohésion sociale, au niveau collectif ; et au niveau individuel, de préserver la continuité de soi dans des situations où chacun d’entre eux se voit soudainement privé de liens familiaux, amicaux et professionnels, où ils souffrent de la perte de leur identité statutaire.

Le lien communautaire s’exprime sous des formes diverses, depuis le maintien de la langue d’origine jusqu’à la formation d’espaces structurés pour se protéger contre l’étranger. Plus ou moins organisées, plus ou moins stables selon les groupes, les communautés contribuent à la préservation de leur identité et de leur mémoire nationale ce qui favorise leur solidarité, à la structuration de stratégies de défense contre les discriminations visibles sou invisibles dont les étrangers font part.

‘«Les communautés sont souvent structurées autour d’idéalisations du pays d’origine, plus ou moins partagés par tous les membres, plus ou moins embellies. La valorisation d’un passé collectif, les formes spécifiques de sociabilité, les rites mis en place récréent l’univers absent, surtout lorsque tout concourt, nature et climat compris, à éloigner le migrant de son monde originel. La nation que l’on aurait quittée devient ainsi, pour des membres de la communauté, la seule identité possible. La panacée de la proximité, de l’appartenance communautaire, de la référence identitaire locale serait le seul rempart susceptible de combler le vide entre le pays d’origine et le pays d’accueil.» (Lahlou, 2002, p. 58). ’

Dans ce cadre, les politiques d’intégration doivent être mis en place, ainsi au cours des transformations subies, de nouvelles règles et de nouvelles formes d’organisation sont créées, les stratégies collectives changent et les idéalisations qui se voient remis en question, l’attachement familial commence par s’affaiblir, ouvrant la voie à une acculturation, et beaucoup plus à une transculturation dans toute son ampleur et ses ambiguïtés.

La vie revêt des formes diverses: la peur de l’engagement qui risque d’entraîner la permanence, un certain immobilisme ou un sentiment de nostalgie. L’observation des styles de vie des migrants permet de recueillir toute une série d’indicateurs quotidiens qui révèlent le refus de l’installation dans le pays d’accueil comme le peur ou la résistance envers l’achat d’une propriété ou la prise d’un poste professionnel stable, comme s’ils étaient pleinement conscients de la portée de leurs actes, c’est aussi pourquoi ils font des stratégies à court terme, en fonction du moment et de la situation. Cet attachement au passé provoque souvent des conflits avec leurs conjointes « étrangères » et avec la jeune génération qui désire prendre des distances avec un pays que parfois ils ne connaissent que par les témoignages de leurs aînés. Mais le passage du temps va introduire des changements dans leurs comportements car ils vont progressivement être aux prises avec des sentiments contradictoires entre le permanent et le provisoire, sans jamais être tout à fait satisfaits de leur choix.

Ce schéma issu de l’observation de différents groupes étrangers permet d’analyser la situation de déplacement dans sa dimension quotidienne, notamment des recherches ethnographiques. On peut à travers ceci accéder à des notions intermédiaires comme celle des habitus de migrants qui présuppose l’influence de leurs déplacements et qui les exposent à des contacts culturels différents qui s’articulent avec leur quotidien.

De même, dans le cas de transplantation culturelle dans un contexte d’émigration, les choses sont rendues d’autant plus difficiles pour l’enfant qui est en train de mener à bien sa construction identitaire. Il a assumé non seulement ses propres difficultés d’adaptation et d’insertion, mais aussi la façon dont ses parents ont répondu à leurs propres difficultés d’insertion. Autrement dit l’intégration de l’enfant ne se réduit pas au contexte affectif et social qu’il reçoit dans le pays d’accueil, mais elle dépend, en premier lieu, sur le plan psychique de ce qu’il a introjecté du vécu migratoire de ses parents.

Au niveau des identifications primaires, le rapport à l’image du père et de la mère est déterminé par une véritable mise en lien identitaire, ce n’est qu’au travers de la dialectique interne entre le lieu d’origine historique de la famille et le lieu d’accueil, le lieu de vie actuel que l’identité trouve un ancrage inconscient susceptible de faire accéder le sujet qui se constitue à une authentique intégrité.

Le conflit culturel vient complexifier la construction identitaire de l’émigré. La question est de trouver un compromis identitaire stable de sa double culture. Les doutes, les angoisses et les incertitudes qui jalonnent la construction identitaire se résolvent dans l’activisme intégriste. Un tel choix représente une tentation lorsque le sujet fait face à une conflictualité interne. L’intégrité psychique blessée fuit l’intégration sociale, en tout cas, le risque est présent, chaque fois que la conjoncture socio-économique est défavorable.