6. Problèmes familiaux et problèmes institutionnels dans les pays d’accueil :

La question de l’origine nationale ou ethnique, des appartenances culturelles ou religieuses peut être la variable la plus facile à traiter dans un continuum entre distance et identification. La figure de l’étranger tient une place très importante en tant que représentant du modèle inégalitaire. Cette notion de figure permet de montrer en quoi l’étranger est une représentation de l’altérité, assignée, sous prétexte de leur origine ethno-culturelle, de la nationalité de leurs parents ou grands-parents, ou encore de leur religion, à des individus qui sont souvent de nationalités françaises ou canadiennes.

La France a modernisé plusieurs lois relatives au problème de violences conjugales, mais plusieurs obstacles entravent leur application. Parmi ces obstacles, l’incapacité des femmes de quitter leurs maris et d’avoir un foyer autonome spécialement dans les premières années du mariage sans quitter les territoires françaises, pour cela elles préfèrent subir la violence au lieu de quitter la France.

Un autre obstacle est que la France respecte et reconnaît toujours les codes de statuts personnels relatifs aux femmes dans leurs pays d’origine, ces codes qui sont souvent inégales et injustes envers ces femmes.

N’oublions pas encore les autres obstacles que font face les femmes immigrées comme celles au niveau de la langue, des coutumes et des mœurs restrictives qui empêchent que la femme puisse se plaindre des actes de violences commises par son mari.

Tous ces obstacles et bien d’autres entravent l’accès aux droits égalitaires et justes entre femmes françaises et femmes immigrées, pour cela ces dernières restent plus risquées de subir la violence conjugale.

Dans ce cadre et pour faire sortir ces femmes de cette situation catastrophique, la France doit appliquer ses propres lois sur toutes les femmes et contre toute situation violente sans prendre en considération les lois des pays d’origine des familles en question. Elle doit de même offrir à ces femmes les mêmes droits de résidence, de divorce et de garde des enfants que celles acquises par les femmes françaises.

D’autres études ont été faites sur le sujet de la violence contre femmes étrangères ou d’origine étrangère et qui vivent en France comme celle de « Madame. Vous avez des droits ! Pour vous, femmes étrangères ou d’origine étrangère qui vivez en France » (juin, 2002). Cette brochure donne des informations aux femmes de nationalité étrangère et qui vivent en France à propos de leurs droits au sein de la famille en cas de conflit familial.

L’une des formes de la violence est de subir les effets du statut personnel même si la femme habite en France, comme par exemple la polygamie. De même en Asie la pratique des mariages forcés est bien réelle alors que les lois exigent le consentement des époux au mariage. Le mariage forcé est quand la femme vit des contraintes pour se marier par des pressions psychologiques, voire des violences physiques.

Une autre forme de violence est le mariage polygamique qui est l’acte de se marier avec plusieurs femmes. Ce type de mariage est interdit en France et la femme a ses droits. De même pour le divorce, parfois et selon la nationalité, la loi personnelle est discriminatoire à l’égard de la femme.

A propos des enfants, parfois ils naissent sans mariage, si le père n’a pas pris sa responsabilité, donc c’est évidemment un acte de violence à la fois dirigée contre la femme et contre les enfants. N’oublions pas que l’article 9 de la convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant signée le 26 janvier 1990, énonce le droit pour l’enfant de vivre avec ses deux parents et celui de garder des relations affectives avec eux lorsqu’il en est séparé.

La convention de La Haye du 5 octobre 1961 règle la question de compétence en matière de droit de visite et de garde, ceci dans l’intérêt de l’enfant.

La convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes garantit l’égalité entre les hommes et les femmes en droit international.

La convention stipule notamment que :

De même, l’enquête nationale sur les violences envers les femmes en France, a traité la question de la violence dans la famille et au sein du couple envers les femmes immigrées. Elle a trouvé des représentations et réalités de la famille immigrée et elle a prouvé qu’avec le changement de politique migratoire de la France au milieu des années 70 et l’instauration de la politique de regroupement familial, les familles immigrées ont été placées sur le devant de la scène sociopolitique. L’évolution des rapports au sein de ces familles est mal connue, les nombreuses monographies sur ce sujet restant dans l’ombre. La représentation de la famille immigrée « nombreuse » vivant en région parisienne prédomine. Les familles d’origine algérienne ou marocaine symbolisent « les problèmes sociaux » que pose l’installation des familles immigrées (conditions matérielles de la vie, problèmes d’insertion professionnelle des hommes peu qualifiés, isolement de femmes ne travaillant pas à l’extérieur du foyer). Les enfants arrivent à l’adolescence, des problèmes de scolarité apparaissent, notamment du côté des garçons.

De nombreuses femmes menant une vie entièrement localisée dans la sphère domestique n’ont pas la possibilité de surmonter l’obstacle de la langue. Leur intégration dans la cité devient la clé pour résoudre les difficultés d’insertion des jeunes et de « la famille immigrée ». Les secteurs social et associatif se mobilisent pour élargir la sphère de contacts des femmes.

D’autres problèmes se révèlent, engendrés par le chômage des hommes travaillant dans l’industrie, ou parfois par les longues maladies des anciens ouvriers. Les rapports traditionnels au sein de la famille, caractérisés par l’autorité du père, la domination de la femme par le mari, la mère ayant une certaine emprise sur les fils et les filles, sont parfois bousculés.

Parallèlement, l’attention se dirige vers les familles originaires de l’Afrique sub-saharienne. Au cours des années 60-70, les courants migratoires sont essentiellement masculins. A partir du milieu des années 70, les femmes rejoignant leur conjoint deviennent de plus en plus nombreuses. Puis, la question de la polygamie suscite des vifs débats autour de l’accueil en France de la deuxième épouse et de la taille des familles.

Enfin, la découverte de la persistance de la pratique de l’excision sur le sol français- ou du renvoi au pays d’origine des jeunes filles devant subir l’excision- a attiré le regard sur les relations au sein de ces familles et sur le rôle des femmes dans la survivance de ces pratiques. Toutefois, la visibilité des femmes africaines au niveau local s’est accrue grâce à leur activité associative et aux réseaux de celles qui peuvent passer des informations sur leurs propres droits, la santé, la scolarisation des enfants. Les réseaux formels ou informels sont également des lieux d’échanges sur les rapports dans le couple, sur le règlement de conflits dans la famille et les pratiques violentes. Se mêlent à ces questions celle de l’immigration clandestine, qui touche particulièrement les femmes d’origine africaine, et donc celle du droit des familles, de l’enfant et de la femme. La précarité du statut de la femme étrangère est amplifiée par la situation d’immigrée clandestine, et les inégalités au sein du couple sont exacerbées si le conjoint a un statut légal en France.

En arrière-plan, on trouve les familles portugaises, les « immigrés invisibles » puisque, aux yeux de la société française, leur intégration a réussi. Cette représentation prédomine, comme dans le cas des immigrations italienne ou espagnole. Elle tend à lisser toutes les difficultés vécues par de nombreux migrants en début de séjour dans le domaine du logement et, par la suite, sur le marché du travail. Le cantonnement des femmes et des hommes d’origine portugaise dans certains secteurs d’emploi est le plus souvent présenté comme correspondant à des stratégies familiales liées au logement et au retour au pays.

Or, le faible niveau d’instruction des migrants arrivés dans les années 60-70 limite le champ d’opportunités professionnelles et ne favorisent pas un bon apprentissage de la langue française. La scolarité plus courte de la plupart des enfants de migrants portugais et l’orientation vers des apprentissages techniques observée au début des années 90 semblent répondre également aux stratégies familiales. Ainsi, l’image d’une absence d’autonomie parmi ces jeunes, pour qui la vie familiale reste ancrée dans le maintien des liens avec le Portugal (vie associative, vacances au pays, langue portugaise), suggère que la famille peut être un lien de conflits entre générations et dans le couple. A l’époque de la migration, les normes de la domination masculine et de l’honneur familial prévalaient : les femmes dont le mari avait émigré sont restées sous la domination du village puis, rejoignant ce mari parfois quelques années plus tard, elles se retrouvent de nouveau en situation d’être dominées par lui qui, souvent, se sent lui-même aliéné dans la société d’immigration. Avec le temps, de nouvelles dynamiques se mettent en marche et des espaces de négociation peuvent s’ouvrir.

La vie quotidienne de deux autres groupes de familles d’origine immigrée est caractérisée par le rôle primordial des réseaux sociaux composés de compatriotes. Ce sont les familles d’origine turque et les anciens réfugiés d’Asie du Sud-Est. Les horizons de la vie sociale des femmes immigrées se limitant le plus souvent à la famille élargie ou au réseau de compatriotes, l’obstacle de la langue est d’autant plus difficile à surmonter. La vie quotidienne des enfants, partagée entre ce milieu familial et l’école, fait apparaître des contradictions entre les normes sociales, une remise en question de la place des femmes dans la société, donc une situation propice aux conflits au sein de la famille.

Les familles originaires des DOM-TOM, et notamment les familles antillaises, se différencient dans la structure des ménages en métropole par la proportion considérable de ménages monoparentaux comparée à la moyenne des ménages en France. Le « phénomène » des femmes chefs de ménage, des familles monoparentales, est l’objet de débats depuis trois décennies, et les explications des violences au sein du couple résideraient dans le contexte particulier des rapports de couple produit par des stéréotypes masculins de séducteur et géniteur. Ces tensions au sein du couple peuvent être exacerbées dans le contexte de l’immigration et lorsque les hommes et les femmes sont confrontés à la discrimination raciale. Dans le cas des familles monoparentales vivant en métropole, isolées du cercle familial composé de la grand-mère, des tantes et des cousines, la relation parent-enfant se centre sur la relation mère-enfant. En ce qui concerne les couples formés en métropole, on peut penser que les femmes – qui souvent ont migré seules – revendiquent plus d’autonomie dans le couple.

Après cet examen des questions posées par la situation des familles immigrées résidant en France, il est nécessaire de rappeler deux choses. D’une part, que les conditions matérielles de vie, les formes de sociabilité, les stratégies des familles et des individus au sein de ces groupes peuvent varier de façon considérable, selon l’époque d’arrivée des migrants, leur age à l’arrivée, leur niveau de scolarité et de qualification, leur situation familiale à l’arrivée, le lieu de résidence et l’expérience professionnelle ; d’autre part que, comme pour les non-immigrées, une diversité de facteurs peuvent conduire aux situations de violence dans la famille, notamment la précarité de l’emploi.

Les représentations de la famille immigrée ne laissent pas de place à l’union mixte. Cependant, ces unions mixtes, en général avec une personne née en France, sont nombreuses. Chez les femmes d’origine maghrébine, parmi lesquelles les immigrées célibataires à l’age adulte étaient rares, les unions mixtes concernent plus largement – comme pour la plupart des origines – les femmes ayant migré pendant l’enfance. Ce type d’union est plus rare chez les femmes d’origine portugaise que chez les femmes d’origine espagnole ou italienne, et il reste exceptionnel parmi celles d’origine turque. En outre, un nombre considérable d’enquêtées sont issues de couples mixtes, dont la plupart sont composés d’un homme d’origine étrangère et d’une femme d’origine française. Si ce type d’union est devenu un indicateur classique de l’intégration, il peut être également à l’origine de tensions dans la famille ou au sein du couple.

Concernant les violences dans la famille ou parmi les proches, au cours des douze derniers mois, comme pour l’ensemble des enquêtées, peu de femmes immigrées déclarent avoir subi des agressions au sein de la famille. En général, elles déclarent avoir été insultées au cours de la période. Les femmes insultées sont jeunes et habitent souvent chez leurs parents, avec au moins un frère ou une sœur : c’est le cas des deux tiers des enquêtées d’origine maghrébine, celles qui déclarent le plus de violences verbales.

De même, la situation familiale semble différencier les femmes issues de l’immigration. Bien que les effectifs soient faibles et les intervalles de confiance larges, il semble que les déclarations d’agressions verbales ou physiques soient un peu plus élevées chez les femmes issues des immigrations espagnole, portugaise ou marocaine. Ces femmes fréquemment insultées ou frappée résident, pour la plupart, avec leurs parents et au moins un frère ou une sœur.

Les déclarations d’agressions verbales ou physiques font apparaître des situations violentes, une confrontation de générations, des conflits entre modèles sociétaux. Ces remarques sont à relier aux différentes normes sociales et donc aux définitions de ce qui constitue une agression verbale. Il est possible toutefois qu’il y ait une divergence en termes de définition entre les générations, les femmes issues de l’immigration et les femmes d’origine étrangère arrivées jeunes en France ayant adopté les normes des femmes de leur age, avec lesquelles elles ont grandi, et supportant mal des traitements qu’elles jugent alors comme violents.

Un regard sur les situations difficiles vécues pendant l’enfance apparaît délicat pour de nombreuse immigrées d’origine étrangère dont l’enfance était partagée entre le pays d’origine et le France. En outre, pour certaines, la société qu’elles ont quittée était alors – ou est encore – une société qui connaît de graves tensions, des situations de guerre ou de terrorisme ; des sociétés où des violences spécifiques visent les femmes et accentuent leur oppression.

A l’inverse, il est intéressant d’analyser les réponses à ces questions pour les femmes issues de l’immigration, même si leurs trajectoires s’avèrent très différentes par la suite. Trois types de situations surviennent assez souvent dans l’enfance de ces personnes : les privations matérielles, les conflits graves avec au moins un des parents et les graves tensions ou un climat de violence entre les parents. Ces privations, tensions ou situations de violence doivent certainement être resituées dans le contexte de l’immigration des parents : on peut penser aux conditions du départ du pays d’origine (par exemple, l’émigration politique pour beaucoup d’émigrants espagnols ou portugais, le contexte de guerre civile pour les migrants algériens) puis aux circonstances difficiles dans lesquelles de nombreux migrants ont vécu au début de leur séjour en France. Sans pour autant vouloir excuser les auteurs d’éventuelles violences liées à ces situations difficiles, on suggère que ces conditions de vie ont pu exacerber des tensions déjà existantes au sein du couple ou de la famille.

Par rapport à l’ensemble des enquêtées, les femmes ayant des parents d’origine espagnole sont très nombreuses à déclarer avoir souffert de privations matérielles, et, dans une moindre mesure, les femmes de parents d’origine algérienne. De même, celles qui ont des parents d’origine espagnole sont les plus nombreuses à déclarer avoir été témoins de graves tensions entre leurs parents, tandis que les femmes d’origine algérienne ou italienne se situent dans la moyenne de l’échantillon. Par ailleurs, la proportion de femmes d’origine algérienne, portugaise ou espagnole déclarant des conflits avec au moins un des parents est proche de celle de l’ensemble, aucune des femmes d’origine marocaine ne déclarant de tels conflits. La dernière question concernant les situations difficiles porte sur les sévices ou coups répétés reçus pendant l’enfance. Si les femmes issues de l’immigration espagnole déclarent deux fois plus de violences de cette nature que l’ensemble des répondantes, étant donné les petits effectifs et la faible variance de la variable, la différence n’est pas significative.

Ces difficultés vécues pendant l’enfance auront laissé des traces dans la manière de vivre et de concevoir les rapports dans la famille. Les conflits avec au moins un des parents perdurent parfois à l’âge adulte. Il est probable que les femmes qui ont été témoins de conflits graves entre les parents aient fabriqué un modèle de couple éloigné de celui de leurs propres parents.

Concernant les violences conjugales subies par les femmes immigrées, le contexte du couple dans lequel vivent ces femmes est influencé par un certain nombre de facteurs, notamment l’activité ou les conditions d’emploi des conjoints, le lieu de résidence, l’age. Certaines populations d’immigrées se trouvant plus concentrées dans telle ou telle catégorie de résidence ou tel ou tel statut d’emploi, certaines étant plus jeunes, d’autres le plus souvent en couple non cohabitant, selon ces facteurs elles seront plus ou moins exposées au risque de subir des violences conjugales, la sphère du couple s’étend à toutes les relations de couple, que les partenaires cohabitent ou non.

Globalement, les immigrées ayant une relation de couple déclarent plus de violences conjugales que les autres. Mais la différence entre les taux pour chaque groupe et ceux de l’ensemble des enquêtées est significative seulement pour les femmes originaires du Maghreb ou d’autres pays africains.

Chaque sous-population est différemment touchée par chaque niveau de violence. D’abord, les proportions de déclarations correspondant au niveau « grave » de l’indicateur sont différentes d’une sous-population à l’autre : les femmes du groupe Afrique y sont le plus représentées ; au sein de ce groupe, les originaires de l’Afrique et de l’Algérie sont, en proportion, les plus nombreuses à déclarer des violences « graves ». Notons également que les femmes des pays européens ou de l’Amérique du Nord déclarent près de deux fois plus de violences de ce niveau que les non immigrées. Inversement, ce sont les situations de cumul de violences qui différencient les femmes des DOM-TOM et, surtout, celles du groupe Asie, Amérique du Sud ou centrale et Autres pays. Les femmes d’origine africaine se distinguent au sein du groupe Afrique par les taux de violences niveau « très grave » deux fois plus élevé que pour le reste du groupe.

Le risque de la perpétration de violences conjugales se joue différemment selon la situation migratoire. Le statut de migrant étranger du conjoint peut agir comme un frein contre certaines formes de violence : le conjoint peut redouter l’expulsion en cas de dénonciation. A l’inverse, les immigrées de nationalité étrangère et notamment les femmes sans papiers ont un statut particulièrement vulnérable vis-à-vis de la violence lorsque c’est le conjoint qui a acquis la nationalité française et peut menacer de bloquer l’accès de la femme à cette nationalité. De façon plus générale, les tensions et les conflits engendrés par le repli sur les valeurs traditionnelles au sein du couple ou au sein de la communauté immigrée, par l’éloignement des membres de la famille restés au pays d’origine, par le sentiment de dévalorisation sociale vécu par le conjoint (cantonnement dans un emploi sous-qualifié, chômage, discrimination raciale…) peuvent déboucher sur des situations de violence « grave » ou « très gave ».

Le fait pour les enquêtées d’avoir été élevées dans une religion accroît la fréquence des violences conjugales, surtout lorsqu’il s’agit d’une religion autre que catholique ou protestante. De même, celles qui déclarent que la religion est «importante ou très importante dans leur vie» sont les plus nombreuses à vivre dans des situations de cumul de violences. Nous ne disposons pas d’informations sur la religion ou l’attitude vis-à-vis de cette dernière chez le conjoint et, si les pratiques religieuses structurent les rapports homme-femme dans le couple, d’autres facteurs peuvent entraîner des situations de violence dans le dit couple, par exemple la précarité économique ou les conflits avec d’autres membres de la famille, notamment les enfants. De fortes proportions d’originaires des DOM-TOM et d’originaires des pays africains, et une très forte proportion de femmes du groupe Maghreb/Turquie disent que la religion est importante ou très importante dans leur vie. En étudiant de près l’attitude par rapport à la religion et la religion dans laquelle ces femmes ont été élevées, on observe un lien fort entre la situation de cumul des violences dans le couple et l’importance accordée à la religion, mais cette relation semble aussi forte qu’il s’agisse des religions chrétiennes ou de la religion musulmane.

La question de l’origine du conjoint prend toute son importance dans l’analyse des violences déclarées par les Européens. Près des trois quarts ont une relation de couple avec un conjoint d’une autre origine, en général français d’origine.

Une analyse comparative des violences conjugales subies par des femmes en union avec un conjoint de la même origine (ou du même groupe) et de celles subies par des femmes en union mixte produit des résultats qui peuvent paraître surprenants: quel que soit le niveau de l’indicateur, les situations de violence peuvent être aussi fréquentes, voire plus fréquentes, dans les couples mixtes que dans les couples de même origine. Malgré la faible signification statistique de ces données qui portent sur de petits effectifs, il semble bien se confirmer que l’union mixte, longtemps avancée comme l’indicateur classique de l’intégration pour les immigrés concernés, peut être un lieu de graves tensions. Les résultats des enquêtes ont démontré la fragilité (mesurée en terme de rupture) dans ces couples, notamment dans des unions entre les hommes immigrés et les femmes d’origine française. Il est possible que les facteurs conduisant aux violences soient différents selon les origines des conjoints. L’analyse des violences déclarées par les répondantes de l’échantillon ENVEFF font apparaître des taux plus élevés dans certains groupes de couples mixtes (franco-maghrébin, africain ou européen), que la femme soit d’origine française ou d’origine étrangère.

Trois axes d’approche devraient permettre d’étudier la question des violences conjugales dans les populations immigrées. D’abord, une étude des violences dans le couple et dans la famille qui tiendrait compte du contexte de la migration permettrait de comprendre certains mécanismes fondamentaux des rapports de couple dans la migration.

Or, la situation des femmes arrivées célibataires sans enfant fait contraste avec celle des femmes arrivées en couple avec enfants ; les jeunes mariées migrant en même temps que leur conjoint sont en situation très différente de celle des femmes émigrant avec des enfants pour rejoindre un mari installé depuis plusieurs années en France.

Le degré de dépendance vis-à-vis du conjoint se traduit en particulier par l’emprise sur les activités de la femme en dehors du foyer, notamment son entrée sur le marché de l’emploi.

Ensuite, la question de la religion reste pertinente, mais la relation entre les pratiques religieuses et leur rôle dans le fonctionnement du couple, ainsi que la place des violences dans cette relation doivent être approfondies.

Enfin, le contexte spécifique des couples mixtes semble propice à certaines tensions, voire à des violences. La confrontation entre des modèles culturels peut se combiner avec certains aspects de la situation migratoire (par exemple, difficultés d’apprentissage de la langue française, problèmes d’adaptation au marché de l’emploi, éloignement de la parenté proche).

Concernant les violences conjugales subies par les femmes issues de l’immigration : avoir observé de graves tensions ou des situations de violence entre ses parents exerce certainement une influence sur la manière dont une femme perçoit la vie de couple. Elle peut rejeter le statut inférieur attribué à l’épouse (sa mère) et chercher à s’affirmer dans son propre couple. Cette volonté de s’affirmer peut non seulement provoquer des situations de violence mais aussi être à un esprit revendicatif qui libère la parole.

Les déclarations de violences conjugales des femmes issues de l’immigration sont nombreuses chez celles qui ont un père d’origine algérienne ou marocaine. Elles déclarent peu de violences psychologiques mais sont nombreuses à vivre des situations de cumul de violences. La différence entre le taux de violences « très graves » dans ce groupe et celui de l’ensemble de l’échantillon est significative. Une analyse selon l’origine du conjoint ne révèle pas de différence en termes de niveau de violences.

Les femmes issues des immigrations algérienne ou marocaine sont moins souvent actives occupées que celles de l’autre groupe, elles sont deux fois plus souvent au chômage, trois fois plus souvent résidentes en région parisienne, la religion joue un rôle important ou très important dans la vie des deux tiers d’entre elles.

Tous ces facteurs objectifs peuvent les soumettre davantage au risque d’être victimes de violences conjugales. Dans les représentations de ces femmes, existe l’image des « beurettes revendicatives ». On peut penser qu’elles sont nombreuses à ne pas supporter les inégalités dans le couple – et à vouloir dénoncer les violences conjugales.

Pour les enquêtées, une analyse selon l’origine du conjoint ne révèle pas de différence en termes de niveau de violence, mais il est possible que les rapports dans le couple soient influencés par le fait que le partenaire soit également issu de la même immigration ou lui-même immigré du même pays que els parents de la femme.

Malgré les effectifs réduits, ces résultats soulignent, la nécessité de faire des recherches plus approfondies sur les rapports homme-femme dans le couple parmi ces populations.

Les divers cadres de vie des femmes en France les exposent de manière différente au risque de subir des violences. Pour les célibataires ou les femmes en couple, les habitantes de la région parisienne ou des zones rurales, les étudiantes ou les chômeuses, les employées du secteur public ou les cadres, les formes et les niveaux de violence déclarés varient dans les différentes sphères de la vie quotidienne. Les femmes immigrées ou issues de l’immigration ont tendance à se trouver concentrées dans des catégories sociales, des types d’habitat ou des modes de vie où les femmes sont plus souvent victimes de violences. Pour cette raison, nous avons tenu à souligner l’hétérogénéité des caractéristiques au sein de ces populations.

Cela étant, les migrantes sont plus exposées à certaines formes de violence à cause de leur situation migratoire : l’éloignement de la famille restée au pays d’origine, les conditions de vie dans l’immigration parfois difficiles, la vulnérabilité par rapport à leur statut. Sur un autre plan, des facteurs socio-culturels rendent dans certains cas les femmes plus souvent victimes de violences ; nous avons évoqué la question du rapport à la religion.

De même, les femmes issues de l’immigration sont parfois plus exposées aux situations de violence que l’ensemble des femmes en France. Comme pour les immigrées, la discrimination raciale peut produire des situations de violences interpersonnelles dans les espaces publics ou sur le lieu de travail. Puis l’environnement familial, c’est-à-dire les tensions entre les parents ou d’autres membres de la famille liées au chômage, aux conflits entre les générations, au vécu du racisme, peut expliquer certaines violences que subissent ces enquêtées dans leur vie de famille ou de couple.

Plusieurs contraintes confrontent de telles analyses, mais ces dernières fournissent un lieu pour que de nombreuses femmes puissent briser le silence et dénoncer des faits violents qu’elles ont subis.