Deuxième partie - Violences conjugales: étude comparative

Toute recherche psycho-sociale doit utiliser des procédés opératoires bien définis adaptés au genre du problème et du phénomène social étudié. Il est évident que le choix des techniques dépend de l’objectif recherché. La méthode organise les techniques en fonction du but poursuivi. Dès le début, notre fonction principale consiste à choisir les techniques les plus adéquates, les éléments disponibles pour la recherche qui soient susceptibles d’être exploités et analysés. Quant aux éléments disponibles, nous avons mis au point une bibliographie locale et étrangère, des statistiques, des articles de journaux et des études faites localement et internationalement pour appliquer ainsi notre méthode de travail qui est l’analyse de contenu des documents et des cas sur des femmes violentées dans ces trois différents pays, afin de comparer entre les violences conjugales dans notre société et dans d’autres sociétés comme en France et au Canada; donc notre méthode est une:

І- Analyse de contenu des documents et des cas: des documents qui ont étudié le problème de la violence conjugale au Liban, en France et au Canada et de même une analyse de contenu des cas des femmes violentées dans ces trois sociétés aussi afin de cerner bien leur vécu et d’analyser leur parole.

  1. Etude des cas documentaire sur les violences conjugales dans ces trois pays. Documents, livres, articles, colloques…collectés de ces trois pays afin de pouvoir analyser et comparer ce phénomène dans ces sociétés.
  2. Analyse de contenu des études des cas sur des femmes violentées dans le cadre de leurs vies conjugales dans ces trois pays. Prises de plusieurs études, ces cas dévoilent la réalité vécue par ces femmes au Liban, en France et au Canada.

Concernant l’échantillonnage, c’est une étude documentaire, sur des documents réalisés dans des centres de recherche comme le GRePS, le centre Louise Labé pour la France, des recherches et des études faites par le CRIVIFF pour le Canada et dans des associations féminines de la lutte contre la violence envers la femme au Liban.

En revanche, il y a beaucoup d’études sur le terrain faites par les associations libanaises, mais notre travail est de critiquer ces études afin de pouvoir participer à un changement souhaitable. Le problème est traité d’une façon inégale entre les trois pays, c’est le phénomène d’interculturalité que vivent ces sociétés et ceci à cause des familles immigrés qui ont transférées leurs problèmes vers les sociétés d’immigration.

La difficulté rencontrée est de rendre ces techniques comme les statistiques et l’étude documentaire, et ces méthodes comme l’analyse de contenu des documents et des cas compatibles avec l’objectif de ce travail qui est de comparer les violences conjugales entre ces trois différents pays : Liban, France et Canada ; car ces violences conjugales existantes dans les sociétés sont incarnées dans les Hommes à travers le système patriarcal et la reproduction sociale, ainsi qu’avec l’intériorisation des structures sociales dans le comportement humain.

Donc nos choix et comportements révèlent notre statut social et également nos aspirations et prétentions, et ce qui nous pousse de même à nous intéresser au problème de domination entre les sexes et plus particulièrement des violences conjugales envers les femmes qui appartiennent à un rang social, éducatif et économique jugé supérieur dans notre société. Ceci permet d’infirmer certains préjugés qui considèrent que ce type de violences ne peut exister que dans la vie d’un couple défavorisé, de niveau éducatif faible et qui s’inscrit dans un cadre socio-professionnel modeste. Bien plus au contraire en partant du concept d’Habitus, on arrive à expliquer pourquoi les violences conjugales sont aussi présentes chez l’«élite sociale».

Enfin, on peut dire que l’Habitus n’est pas un destin. Il est en effet social et non génétique. L’Habitus, en effet, tend certes à reproduire quand il est confronté à des situations habituelles mais innove face à des situations inédites. Ajoutons que, si dans la même classe sociale, les Habitus sont proches, ils ne sont néanmoins pas identiques car chaque individu est confronté à des expériences sociales plus ou moins diverses. L’Habitus n’entraîne pas mécaniquement des conduites identiques mais plutôt des tendances à certaines conduites. C’est l’Habitus qui explique la reproduction sociale, et pour les acteurs eux-mêmes, des rapports sociaux.

Certains problèmes ont entravé l’exécution de notre plan de travail car l’analyse des matériaux n’est pas facile vu le manque d’information et l’absence des études statistiques publiées surtout au Liban. Une autre limitation de notre recherche provenait de la réticence des organisations déjà rares, ajoutons les réticences des femmes qui refusaient de nous fournir les renseignements nécessaires.

De même qu’il y a une difficulté de construction de l’objet sociologique, car il faut se garder d’une approche épistémologique pour pouvoir identifier l’objet sociologique avec le problème social de la violence. En effet, la violence ne saurait être considérée en soi, indépendamment du rapport social dans lequel elle s’insère. Construire l’objet exige donc de se distancer du fait brut de la violence pour atteindre la relation sociale sous-jacente qui lui donne son sens à savoir le rapport de domination hommes-femmes.

Considérée sous cet angle, la violence physique envers la femme représente la forme la plus flagrante des rapports de domination entre les sexes. Bien qu’il existe énormément dans les couples de violences psychologiques et verbales et que cette question de rapport de force n’est pas exclusive seulement à une certaine catégorie de gens, mais au contraire qu’elle porte atteinte à toutes les classes sociales et à toutes les catégories de gens.

Construire scientifiquement son objet d’étude, c’est aussi se départir d’un certain nombre de mythes du sens commun qui imprègnent les représentations de la violence et qui participent précisément des rapports de domination entre les sexes, comme par exemple le mythe de la femme battue provocatrice, qui impute la faute à la victime, ou de la femme masochiste qui cherche à être maltraitée, etc.

Nous voulons aussi signaler certaines difficultés qui rendent particulièrement délicate et malaisée la recherche dans le champ des rapports de domination entre les sexes et de la violence :

La violence familiale et particulièrement la violence contre les femmes constituent un champ d’études relativement nouveau dans les sciences sociales. Jusqu’à la fin des années soixante, la société et les scientifiques avec elle, vivent sur le mythe de la famille non violente. On considère que la violence familiale est rare et le fait d’individus déséquilibrés. « Dans les années 70, les féministes portent la question de la violence conjugale sur la place publique et s’est posé comme problème socio-politique. Dès lors, les sciences sociales vont s’y intéresser. Dans les pays anglo-saxons, de nombreuses études sont faites dans les années 70 et 80 mais qui ont simplement visé les grands objectifs suivants : « Décrire la violence domestique, développer les modèles théoriques pour l’expliquer et étudier les conséquences.» (Gillioz, De Puy, Ducret, 1997, p. 15).

Les recherches récentes ont exploré de nouvelles questions, principalement la violence psychologique et sexuelle dans le couple, les conséquences de la violence sur les victimes et les réponses institutionnelles apportées au problème de la violence conjugale.

Les données accumulées sur la question montrent que la femme confrontée à la violence de son partenaire risque de subir des atteintes graves pour sa santé, tant physique que mentale, voire pour sa vie. Des études à caractère le plus souvent clinique et descriptif mettent en évidence d’importants problèmes de dépression, de dévalorisation et de perte de confiance en soi, d’anxiété et de détresse psychologique.

La violence sexuelle entre partenaires et son ampleur dans la population ont fait l’objet de quelques études, mais sont encore insuffisamment documentées. Cela n’est pas étonnant si l’on considère que le viol conjugal n’est pas encore sanctionné comme un crime dans la législation de nombreux pays et que les femmes elles-mêmes ne le reconnaissent souvent pas comme tel.

En ce qui concerne les réponses institutionnelles au problème de la violence conjugale, le thème commence à être abordé dans un certain nombre d’études qui mettent en évidence: «L’insuffisance des réponses classiques des instances de contrôle social et d’aide, leur fréquente inadéquation aux problèmes posés, l’incompréhension des personnels face à certains comportements des victimes, la police et la justice n’interviennent que dans un nombre très limité de cas de violence conjugale et se révèlent être peu efficaces. Par ailleurs, les professionnels de l’aide travaillant dans le domaine médical, social, psychologique ne sont pas exempts des préjugés qui ont cours concernant la violence domestique et les femmes violentées.»(Gillioz et al., 1997, p . 24, 25).

Mais tout de même, de nouvelles approches sont observables : à Caracas, au Venezuela, l’IPPF a lancé un projet pour aider les prestataires à modifier leur système de maintien des dossiers pour pouvoir mieux suivre les femmes maltraitées (1998).

L’enquête menée par Maryse Jaspard et Elizabeth Brown et l’équipe ENVEFF portant sur les violences envers les femmes en France est une première enquête nationale en France pour nommer et compter les violences envers les femmes (2001). De son côté, le Fond des Nations Unies pour la population (FNUAP) a préparé une note d’orientation sur le thème de la violence masculine envers les femmes et ses effets sur la santé reproductive … et bien d’autres …