1. Les droits civils des femmes dans le monde arabe :

La nature plus ou moins religieuse des Etats peut se mesurer à la plus ou moins grande confessionnalité des lois. Au Liban, au Maroc, en Irak ou en Egypte, chaque confession dispose de son propre code de la famille et il n’existe pas de loi civile s’appliquant à la totalité des citoyens. En Tunisie, en revanche, la loi est la même pour tous, quelle que soit la confession. Tous les pays arabes ont toutefois en commun d’interdire à une musulmane d’épouser un non-musulman, l’homme ayant pour sa part la liberté d’épouser une femme d’une autre confession.

Dans de nombreux pays, par ailleurs, le droit de la famille est en contradiction avec d’autres textes normatifs qui lui sont parfois supérieurs. Ainsi, de l’Algérie à l’Irak, la plupart des Constitutions arabes prônent l’égalité entre hommes et femmes et proscrivent toute discrimination fondée sur le sexe. Les pays du Golfe restent les plus conservateurs en ce domaine, les femmes sont également partout électrices et éligibles à toutes les fonctions électives, sauf, dans certains pays, à celle de président de la République qui doit être un homme, comme c’est le cas en Tunisie, pays pourtant le plus avancé du monde arabe en matière de législation de la famille. Dans de nombreux pays, du Maroc à l’Egypte en passant par l’Algérie, les femmes sont des majeures politiques et redeviennent des mineures juridiques en rentrant au foyer.

Les pratiques sociales vont de pair avec les lois, ces pratiques sont souvent accablées par les coutumes fortement ancrées dans les sociétés.

‘« Les études qui considèrent la religion l’une de ses variables, ont révélé que: les individus qui n’appartiennent pas à aucune religion sont plus libéraux que les juifs, ces derniers sont plus libéraux que les protestants, et ces derniers sont plus libéraux que les catholiques. Alors que les universitaires musulmans sont les plus conservateurs parmi les autres qui appartiennent à d’autres religions. Dans les études arabes, et qui sont rares, il s’est révélé que les chrétiens sont plus libéraux envers la femme que les musulmans, vue la relation étroite entre la religion et la discrimination envers la femme ». (Beydoun, 2007, p. 193).’

Plusieurs autres études ont travaillé sur d’autres volets dans la recherche sur la question de la violence exercée sur les femmes.

Hijazi dans son livre intitulé « Le retard social » publié à Beyrouth par le Centre du développement arabe en 1978, et plus tard dans ses deux études sur « L’homme affligé » et « L’homme dénigré » publiés à Beyrouth par le Centre culturel arabe en 2006, a essayé de sortir du code social qui est la religion vers le cadre théorique, il a eu comme objectif de montrer comment la femme conserve son statut inférieur, adopte cette image dominée et accepte d’être humiliée et soumise aux hommes et à la société.

Al Marnissi dans son livre intitulé « Le comportement sexuel dans une société capitaliste suivie » publié par Dar el hadatha à Beyrouth en 1984, a voulu montrer que la domination et la soumission à l’autorité écrase l’image de la femme et qui fortifie toujours le sous-développement de la société. Dès 1984 et jusqu’à l’année 2000, et dans ses autres sept livres, elle a travaillé sur la femme arabe toujours soumise mais capable et qui peut progresser et elle a donné comme preuve la femme marocaine qui conceptualise l’image de la femme arabe, donc la double image de la femme entre celle ancienne et traditionnelle et l’autre révolutionnaire. Dans ses livres, elle a évoqué le problème de la femme arabe pas seulement sur la violence exercée sur elle mais aussi sur l’éducation du garçon et de la fille, et en se posant sur la théorie de l’espace et de la séparation des lieux entre les sexes. Elle a pu élaboré la discrimination comme thème principal déclenchant la violence en considérant tout d’abord le sexe comme affaire sociale. Selon elle, l’évolution de la femme arabe peut se réaliser à travers les deux variables éducation et emploi, une femme libérale doit être une femme éduquée et pour s’échapper de la violence, elle doit dépasser les traditions.

Charabi dans son livre « Système patriarcal et problématique de la société arabe sous-développée », publié à Beyrouth par le Centre d’études de l’union arabe en 1992, avait comme but de certifier que le patriarcat est en même temps la cause et le résultat de ce type de conflit entre hommes et femmes. Il a théorisé de la psychanalyse et de la psychologie sociale pour dire que l’éducation compte, que l’image traditionnelle de la société et de la femme ne peut pas progresser sans commencer à changer le statut de la femme et de l’enfant.

Abed Al-Wahab dans son étude faite sur l’espace arabe en 1994 sous le titre « Violence domestique – Violence et crime contre la femme » et dans son livre intitulé « La violence familiale » publié par Dar el mada en 1999 à Syrie, a pu commencé ce genre d’études dans le monde arabe et a déclenché des études dans d’autres pays, elle a certifié et à travers ses multiples analyses que même s’il n’y a pas eu de changement de qualité dans la relation entre les deux sexes, ce changement peut commencer au niveau de l’éducation ou du travail, au niveau public donc, pour pouvoir réduire la possession ou la domination masculine dans le cadre privé.

Quelques pays arabes ont réformé les droits de la famille en les modernisant, mais les autres restent toujours conservateurs en ce domaine et maîtrisent la condition des femmes.

L’ordre patriarcal et la domination masculine contrôlent toujours les femmes dans le monde arabe, la rigidité sociale et le traditionalisme entravent toujours l’égalité entre les hommes et les femmes à un tel point que cette inégalité est perçu comme naturelle par une majorité de ses membres. En ce sens, toute relation sexuelle hors du cadre du mariage est refusée, la fille ne peut satisfaire ses besoins sexuels qu’après son mariage, la procréation devient la fonction principale de la femme, le mariage obéit aux lois religieuses qui reproduisent le système patriarcal. Si la femme refuse la soumission, la loi autorise son mari à la sanctionner, d’abord en refusant de lui fournir sa pension, et dans certains cas par le divorce. La soumission de la femme fait l’objet d’un large consensus parmi les spécialistes de la jurisprudence islamique qui puisent leurs arguments dans plusieurs versets coraniques: «Les femmes sont votre champ. Cultivez-le de la manière que vous l’entendrez, ayant fait auparavant quelques actes de piété…Les maris sont supérieurs à leurs femmes. Les hommes sont supérieurs aux femmes à cause des qualités par lesquelles Dieu a élevé ceux-là au-dessus de celles-ci, et parce que les hommes emploient leurs biens pour doter les femmes. Les femmes vertueuses sont obéissantes et soumises…Vous réprimanderez celles dont vous aurez à craindre l’inobéissance ; vous les reléguerez dans des lits à part, vous les battrez ; mais aussitôt qu’elles vous obéissent, ne leur cherchez point querelle ». (Makki, in Le croquant, n˚38-39, Les violences – conflits conjugaux au Liban, 2003).

Se référant à une source importante de la jurisprudence chi’ite, un traditionaliste iranien affirme: «Selon l’Islam, la meilleure femme musulmane est celle dont l’instinct sexuel envers le mari demeure vivant et éveillé. Celle qui se déclare toujours prête à engager l’acte sexuel avec son époux et qui en prend l’initiative. Un hadith dit qu’un jour une femme a demandé au Prophète quel était le droit des maris. Le prophète lui a répondu que les maris avaient beaucoup de droits. La femme lui a demandé d’en énumérer quelques-uns. Le prophète a répondu: La femme doit se parfumer, se vêtir de sa meilleure robe, se maquiller et s’offrir à son mari tous les matins et soirs». (Makki, in Le croquant, n˚38-39, Les violences – conflits conjugaux au Liban, 2003).

Satisfaire les besoins sexuels de l’époux est un devoir de la femme, pour l’un des auteurs religieux: «La femme musulmane doit savoir que son mari est un être sensible ayant des instincts et besoins sexuels. L’instinct sexuel est une réalité. Tout comme un affamé qui a besoin de se nourrir, l’homme a besoin de subvenir à ses besoins sexuels au moins pendant cinquante ans. Si sa femme ne peut pas répondre à ce besoin, il sera contraint de se remarier. Mais l’Islam dit aussi au mari qu’il doit faire en sorte que sa femme jouisse, il faut des attouchements, des caresses. Les femmes aiment qu’on caresse leurs seins et leur organe génital…La différence d’âge trop importante entre les époux peut provoquer un décalage entre leurs instincts sexuels. Il est donc préférable qu’un homme âgé ne se marie pas avec une jeune fille. Selon l’Islam, si cette jeune fille dont l’instinct ne peut être satisfait par son mari âgé commet de l’adultère, son mari est coupable aussi. Il doit divorcer de sa femme avant même qu’elle devienne adultère.» (Makki, in Le croquant, n˚38-39, Les violences – conflits conjugaux au Liban, 2003).

La femme doit être toujours disponible sexuellement vis-à-vis de son mari, le référent religieux affirme: «La femme idéale est celle qui ne refuse jamais ses services sexuels à son mari. Même quand elle est angoissée et n’est pas prête, elle se soumet à son mari en prétendant être demandeuse de l’acte sexuel.» (Makki, in Le croquant, n˚38-39, Les violences – conflits conjugaux au Liban, 2003).

Satisfaire les besoins sexuels devient encore plus important que les devoirs religieux, selon ce même référent: « La femme doit écourter sa prière pour subvenir aux demandes sexuelles de son mari. Quand son mari l’attend au lit, il est interdit à la femme de s’éloigner du lit conjugal pour faire sa prière ou d’autres devoirs religieux.» (Makki, in Le croquant, n˚38-39, Les violences – conflits conjugaux au Liban, 2003).

La sexualité de la femme est donc reconnue par les lois islamiques et elle est soumise à la sexualité de l’homme et à sa domination. Toute transgression des ces lois est réprimée, et la sanction de l’adultère est la peine de mort.

A cause de la fermeture de ces lois, les femmes renoncent tout acte qui va contre, peur d’être stigmatisées, elles se culpabilisent donc et se victimisent si aucun facteur porte atteinte à l’honneur de la famille et à la stabilité de la relation conjugale.

Que ce soit en Islam ou en Christianisme comme on va l’évoquer plus tard, ces deux religions et en leurs pratiques tribunales ou légales couvrent pas mal de formes de discrimination contre la femme que ce soit dicté ou pratiqué.

On déduit du code du statut personnel libanais que la femme subit une violence institutionnelle à cause de la forte discrimination à son égard, elle n’a pas les mêmes droits que les hommes et tout ceci est légitimé par la religion.

L’inégalité dans la loi prend un aspect social lié aux structures culturelles qui résulte de la discrimination et du mauvais fonctionnement relationnel dans le couple et parfois la femme acquiert des droits mais les traditions et les mœurs sociales fonctionnent contre.

Tout ceci révèle la privation de la femme libanaise de ses droits et porte atteinte à sa dignité.

‘«On vit une sorte de dualisme au Liban, d’un côté on observe l’image de la femme active, moderne et libre, et de l’autre celle de femme battue, humiliée et privée de tous ses droits. Concernant les lois régies au Liban, voilà quelques exemples comme la légitimation de la violence à son égard de la part de son mari, sa privation de ses enfants dans le cas du divorce, la polygamie, le droit de divorce qui est favorisé en premier lieu pour l’homme, etc.» (in On demande paix, non la violence…, 2004).’

La constitution libanaise dicte le principe de l’égalité et de liberté individuelle sans aucune discrimination, et que les gens sont libres dès leur naissance et égaux dans les droits. Donc le principe global est l’égalité mais les lois se contredisent avec, et ceci à cause de la rigidité sociale et des valeurs et normes qui sont toujours traditionnelles et discriminatoires à l’égard de la femme.

L’opposition des femmes au Liban contre le système discriminatoire est une opposition pacifique qui suit une démarche lente vers leurs droits à des niveaux non conflictuels ni sur le plan politique, ni sur le plan confessionnel.

Concernant la réaction des hommes, sur le plan général, ils refusent de modifier les lois d’état civil qui considèrent les femmes comme des citoyennes de second degré. Et sur le plan particulier, ils exercent toujours la violence familiale, et qui s’est devenu répandue dans notre société de sorte qu’il s’est avéré trop urgent d’avoir des stratégies, des plans et des programmes, de renouveler les organisations gouvernementales et non gouvernementales pour en pouvoir lutter contre et d’en prévenir et protéger ses victimes.

La violence conjugale reste jusqu’au présent un sujet tabou au Liban, et son évocation tourne toujours dans le cadre du privé et ne constitue pas un problème social. Et ce type de violence est considéré souvent comme normal et ordinaire à cause d’un système social et culturel dominant qui donne à l’homme, père et chef de famille tout droits complets et une autorité non seulement à la femme mais aux enfants aussi.

Et malgré la présence de quelques organisations féminines, deux niveaux font toujours obstacles au traitement de ce sujet : le premier est culturel et légitime le système patriarcal dominant, et le second est objectif, lié aux lois et règlements qui ne s’intéressent pas aux de la femme.

Le gouvernement libanais n’a appliqué jusqu’au présent aucun programme afin de lutter contre la violence envers la femme. De même, il n’y a aucune planification sérieuse pour généraliser le principe de l’égalité entre les sexes, ainsi que l’absence de coopération avec les organisations non gouvernementales en vue d’atteindre ces objectifs.

Pour cela, il faut bien renouveler les lois qui protègent les droits des femmes et qui interdisent toutes sortes de violences et de discriminations à son égard, sensibiliser les femmes et les rendre conscientes de leurs problèmes, généraliser le principe de la non-violence à travers les colloques et les médias, constituer une opinion publique qui défend les droits des femmes et former des groupes de pression en vue d’un changement dans les lois et les règlements discriminatoires à l’égard de la femme.