Chapitre 4 - Violences conjugales au Canada : manifestation, dynamisme et situation des femmes violentées

Vous souvenez-vous de votre réaction la première fois que vous avez appris par la télé, la radio ou le journal qu’une femme avait été tuée par son mari et que vous avez compris que la majorité des meurtres de femmes était le fait du conjoint, de l’ex-conjoint ou de l’ami intime ? Peut-être avez-vous vécu de la consternation, de la peur ou de la stupéfaction. On nommait publiquement une conséquence dramatique de la violence faite aux femmes. Ce phénomène, jusqu’à ce jour, était resté caché : il n’appartenait pas à la sphère publique.

Violence faite aux femmes, du privé au public : il n’y a à peine quinze ans on dénonçait peu les cas de violence conjugale. Pourtant, le problème de la violence faite aux femmes est inscrit dans l’histoire de l’Ancien testament, de la société hébraïque, du Nouveau Testament et des pères de l’Eglise. Au moyen Âge, l’Etat comme l’Eglise ont donné au mari le droit légal de battre sa femme. La Renaissance n’apporta pas de changement à ces pratiques qui asservissaient la femme à l’homme et la rendaient dépendante de ce dernier pour son statut. Pendant cette période, on croyait encore qu’une femme avait besoin d’une bonne raclée pour être fidèle à son rôle d’épouse. Il a fallu attendre la fin du XIX˚ siècle en France pour que la femme soit reconnue comme membre à part entière de la société et qu’on interdise à l’homme d’utiliser la force envers son épouse.

Au Canada, ce n’est qu’en 1890 que la loi stipule que dorénavant les maris ne doivent plus battre leur femme ; le droit de vote est accordé aux femmes en 1918 et, en 1929, la femme obtient le statut juridique de personne. Au Québec, elle acquiert le droit de vote en 1940. Malheureusement, les lois n’ont pas enrayé la violence conjugale qui continue de persister, au Québec comme ailleurs. A la fin des années 1970, on perçoit un changement dans les attitudes et les valeurs qui accompagnent les relations hommes-femmes.

En effet, à la suite de l’influence du mouvement féministe et de l’établissement des maisons d’hébergement pour des femmes violentées, on constate une volonté politique et sociale de combattre le problème de la violence faite aux femmes sur plusieurs fronts et en particulier sur le plan juridique. En 1986, le ministère de la Justice du Québec adopte une politique d’intervention en matière de violence conjugale pour inciter les victimes à recourir à la justice ; il met sur pied des mesures de soutien et ordonne aux policiers de porter plainte devant les tribunaux, indépendamment de la volonté de la femme, lorsqu’il y a violence conjugale.