Chapitre 5 - Résultats et Comparaison : étude comparative

1. Violences conjugales entre Liban, France et Canada :

Quelle que soit la forme de la violence conjugale : verbale, physique, etc. elle existe dans toutes les sociétés, couches sociales et régions géographiques. Elle affecte tous les groupes ethniques et les catégories d’âge.

Bien qu’on reconnaisse qu’il existe des causes économiques, politiques, sociales et individuelles à la violence conjugale en général, la perspective socioculturelle situe cette violence dans un contexte culturel particulier d’attitudes sociales, de rôle de sexes, de structure familiale et de traditions.

Tous ces facteurs contribuent à définir le contexte dans lequel la violence se déroule ainsi que le comportement des individus vis-à-vis du règlement de ce problème, ce comportement qui se qualifie parfois en une transgression de la violence, cette dernière qui est multidimensionnelle dans le sens qu’il ne s’agit pas seulement de l’individu seul mais de la société et de la culture aussi, d’où l’importance de l’interculturalité et de l’héritage culturel dans son influence sur le comportement en général et sur celui de la violence en particulier, tout ceci est bien analysé par Géza Roheim dans sa théorie sur le refoulement culturel (souvent étudié par Fermi, 2008) appuyé sur les représentations culturelles et sur la problématique psychisme versus culture. Selon lui le confit est un refoulement culturel qui ne dépend pas de l’homme seul mais de sa culture aussi. Cette notion est différente de l’analyse freudienne parce que la thèse freudienne relie beaucoup plus les choses aux pulsions et aux expériences rejetées dans l’inconscient.

Pour Erich Fromm, le refoulement toujours relève de l’inconscient, de cette partie cachée chez l’individu, mais Freud le traite comme s’il était au préalable conscient puis l’individu l’a refoulé.

A travers l’identification et la projection, la personne et selon la culture à laquelle appartient, réagit positivement ou négativement comme dans le cas de la violence, et projette son refoulement culturel.

De l’interne à l’externe comme l’a analysé Winnicott (1967) dans son article «La localisation de l’expérience culturelle». Selon lui, aucune personne ne peut accepter la réalité en total à cause de l’interaction faite entre ses deux aspects interne et externe, à ce niveau se localise la culture.

Les actes de violence sont régis donc par le refoulement culturel de la personne violente, par ses pulsions et sa culture qui prépare la plate forme à son refoulement culturel qui oscille souvent entre sa conscience et son inconscience.

Ainsi, tout au long de notre recherche, nous avons travaillé sur la manifestation des violences conjugales selon la diversité culturelle existante entre ces trois pays: Liban, France et Canada. Cette diversité vient de l’immigration et de la laïcité en France et au Canada; et du confessionnalisme au Liban. Tous ces trois niveaux s’intègrent dans le facteur culturel, ainsi les obstacles qui font toujours face à la résolution de la violence conjugale restent toujours le facteur culturel et social et le comportement de l’individu qui se rattache à ce facteur social.

La réalité sociale vécue par les femmes libanaises, est celle de toutes les femmes dans les sociétés traditionnelles, qui sont toujours soumises aux valeurs, aux traditions et au système patriarcal ainsi qu’aux lois qui sont discriminatoires à leur égard.

‘« Nous sommes loin d’un équilibre subtil entre virilité dominante et féminité influente. L’accent est mis sur le recul du patriarcat en Occident et la modification du concept de virilité qui se féminise, alors qu’en Orient la restauration d’un ordre viril agressif assume force, violence et guerre…Au moment où le débat public en Occident converge vers le masculin qui se transforme, l’homme en Orient cherche à être mieux mâle.» (in Bahithat, 2007, Deconstruction of the concept of masculinity…, p. 18). ’

Le phénomène des violences conjugales en France est souvent régi par des problèmes psychologiques et familiaux, malgré la forte présence des associations qui défendent les droits des femmes, des lois qui renforcent la protection de ces droits et des études qui ne cessent de suivre l’ampleur de ce phénomène.

Le Canada comme la France souffre toujours du problème des violences conjugales malgré le développement réalisé en ce domaine dans ces deux pays; problème toujours renforcé par les familles immigrées qui ont transféré leurs problèmes vers les sociétés d’immigration, par les problèmes familiaux et qui rendent ce phénomène transmissible d’une génération à une autre et par les comportements agressifs qui ne cessent de se transformer en des actes violents.

Ce qui nous a importé dans cette étude est de pouvoir évaluer ce sujet dans ces trois pays: Liban, France et Canada. Les deux types de violences politiques et conjugales sont bien liés au Liban, donc ce sujet passe du public au privé. Nous étions inspirée par la France et le Canada, ces deux pays qui s’occupent de la violence envers les femmes, mais nous nous sommes intéressée aussi au fonctionnement de ce type de violence au Liban, pour cela nous avons voulu savoir comment traiter ces messages à travers les associations. La comparaison n’est pas faite avec le Liban mais nous aide néanmoins à appliquer leurs méthodes avec une initiation pour arriver à une bonne écoute, afin d’améliorer le rôle des organisations non gouvernementales au Liban et de pousser les femmes à dévoiler leurs expériences.

A la différence du contexte occidental, comme en France et au Canada, où l’individu est l’unité de base du système de la structure sociale, c’est la famille qui forme la base des structures sociales arabes. Ceci signifie que l’Etat s’intéresse avant tout à la protection de la famille en tant qu’entité plutôt qu’à celle de ses membres pris individuellement. Dans ce contexte, les droits des femmes s’expriment uniquement dans le rôle d’épouse et de mère. Alors que l’Etat se pose en garant de la protection des femmes dans le cadre de leur rôle au sein de la famille, cette protection fait défaut en matière de violence conjugale.

La question des violences conjugales a été interrogée de plus en plus dans ces sociétés, les objectifs de comparaison sont :

  • Obtenir des estimations fiables de la prévalence de la violence conjugale dans ces différents pays ;
  • Documenter les conséquences en terme de santé des violences domestiques ;
  • Identifier et comparer les facteurs de risque et les éléments de « protection » face à la violence conjugale, dans chaque pays et entre les pays ;
  • Explorer et comparer les stratégies de recours utilisées par les femmes victimes de violences conjugales.

Les féministes occidentales se sont basées sur les relations conjugales dans la famille nucléaire pour analyser les inégalités, mais au Liban les analyses diffèrent en ce sens. « La réaction masculine dans le monde Arabe et Islamique vis-à-vis du féminisme qui a fort influencé les structures sociologiques, politiques, juridiques et culturelles, a différé d’un pays à l’autre. Elle n’a pas pris la forme d’un mouvement ou d’une organisation militante, comme en Occident, par contre elle apparut dans le discours de la religion…A étudier de près la question, on découvre que les vrais desseins de ceux qui essaient de s’approprier le discours traditionnel ne visent pas défendre les constantes, mais plutôt à conserver les privilèges gratuits des hommes, et à perpétuer le discours de la domination masculine où les autres masculinités seraient marginalisés… » (in Bahithat, 2007, Deconstruction of the concept of masculinity…, p. 508).

Le contrat mariage/sexualité n’était pas la seule raison de discrimination envers les femmes, ce contrat était assujetti aux normes dans des familles étendues, au système de patriarcat et à une légitimation de la reproduction de la violence envers la femme. Ces liens de parenté ont reproduit des discriminations envers les femmes sur tous les plans relationnels, économiques, religieuses et sociales et au niveau conjugal ceci a créé un prototype protection/soumission.