Conclusion

La société continue à refouler de sa conscience cette face sombre et cachée de l’histoire des familles. Certes, on sait que la violence domestique existe, mais le phénomène n’est pas pris au sérieux, il est sous-estimé au rayon des fatalités qui pèsent sur la condition de la femme, bien plus il est d’usage d’amplifier le problème en culpabilisant la victime. En fait ce sujet n’a pu être soulevé qu’au moment où les rapports sociaux de sexe étaient théorisés comme rapports de pouvoir et la famille comme lieu de domination et d’exploitation de la force de travail de la femme.

En effet, sous l’influence du mouvement féministe, la violence à l’égard des femmes est posée comme problème socio-politique par plusieurs pays comme la France et le Canada et d’une façon beaucoup plus modeste comme au Liban nous avons essayé de traiter ce sujet avec objectivité, puisque France et Canada se rapprochent dans leur travail sur ce sujet, mais le Liban imite ces deux pays dans leurs approches sur les O.N.G., études, recherches et sur le plan d’enseignement académique; ainsi ces deux pays sont considérées comme groupe de référence pour le Liban.

Cette recherche tente de combler un vide et de contribuer à comparer ce phénomène de violences conjugales entre les pays cités ci-dessus.

N’importe quelle femme peut être victime de violences conjugales, dans n’importe quelle société, système de valeurs et rang social, et ce type de violences attaque la spécificité physique et l’estime de la femme violentée, car au-delà des coups, c’est l’estime d’elle-même qui est bafoué et l’auto-dépréciation s’installe. Ces abus peuvent se répercuter sous différentes problématiques comportementales, émotionnelles et physiques. Au blessure du cœur on ajoute les blessures du corps.

Cette violence qui peut être motivée par une conduite défensive ou expressive ne trouve qu’une seule réponse chez la femme: la peur qui prend le pas sur la vie. La femme violentée se défend en maîtrisant et en étouffant cette peur. Ce silence nous explique cette forme de domination masculine résultant de l’héritage social que la femme confronte par son mutisme. Ce silence crée une violence plus ambiguë et discrète sous la forme d’une violence ambiante symbolique que le silence rend latent.

Après avoir cheminé dans ce parcours de recherche et dégagé au fil des chapitres les grandes tendances de nos données, il faut maintenant tenter de la conclure.

Les causes macrosociales de la violence dans les rapports sociaux de sexe consacrent l’infériorité des femmes. Ce modèle au niveau microsocial tente de saisir les mécanismes familiaux conduisant à la violence. Le fait de valider les hypothèses, les confirmer ou les infirmer éclaircit ce qu’on a pu dégager enfin de notre sujet.

Respectivement et comme réponses aux hypothèses déjà formulées dans la première partie de cette recherche, on peut déclarer que :

La violence représente un véritable coup de force en ce qu’elle fait des règles prévalant dans les relations humaines ordinaires et constitue une régression vers des formes primaires de domination dans lesquelles la force prime. La violence se suffirait alors à elle-même, comme moyen d’imposer le pouvoir, et n’aurait pas besoin de s’adosser à une supériorité économique, sociale ou culturelle.

Et donc même avec les changements produits dans la société, la discrimination sexuelle reste toujours présente et le taux des femmes violentées croit de même avec le degré d’attachement aux valeurs traditionnelles et au degré de contrôle de l’homme et aux stéréotypes sociaux.

Quoi qu’il en soit, nous pouvons tenir pour acquis que les couples violents se distinguent par la dynamique de leurs relations et de leur fonctionnement. C’est lorsque ce dernier est de type autoritaire et contrôlant, fondé sur le primat de l’homme et la soumission de la femme que les risques de violence, de toutes formes dont les plus répandues sont celles verbales et psychologiques. L’homme violent serait alors celui qui s’efforce de restaurer un modèle de relations entre les époux autoritaires et dépassés.

Cela dit, il reste à expliquer pourquoi certains hommes recourent à ces stratégies archaïques de domination. Certes, nous l’avons mis en évidence après d’autres, le fait d’avoir grandi dans une famille violente entraîne un risque de reproduire ce type de comportement à l’âge adulte, mais il s’agit là d’un facteur qui ne saurait à lui seul rendre compte de la violence conjugale ; pareil à d’autres facteurs comme les maladies psychiatriques et les troubles psychiques et bien d’autres …

La réponse sociale à la violence conjugale doit être intersectorielle et multidisciplinaire. A cet égard, on peut indiquer qu’au-delà des limites connues des pratiques traditionnelles, la réponse institutionnelle peut aider lorsqu’elle se révise et s’adapter.

Cependant, les nouveaux modèles de pratique plus centrés sur la femme et ses besoins côtoient encore aujourd’hui les réponses traditionnelles préoccupées par la stabilité de la cellule familiale.

La logique d’action des femmes est à son tour largement façonnée par la présence d’options sociales qui renvoient l’idée que la violence est ou non inacceptable. Les réponses institutionnelles et communautaires à la violence exercent un pouvoir sur les choix et la logique d’action des femmes dans la mesure où elles déterminent l’univers dans lequel les femmes choisiront leurs options et le degré de tolérance sociale envers les conjoints violents. Une société qui ne présente pas d’options transmet l’idée que la violence est inévitable.

La logique d’action des femmes sera orientée vers la tolérance dans la mesure où elles trouveront dans les réponses institutionnelles et communautaires un renforcement aux rationalisations qui rendent la violence acceptable à leurs yeux. Trop souvent encore, la femme trouvera un renforcement à sa culpabilité et à son sens du devoir au détriment de sa propre intégrité physique et mentale.

Tout en admettant qu’il est toujours dangereux de généraliser, il est reconnu que la plupart des hommes parlent mieux de ce qu’ils font et de ce qu’ils vont faire que de ce qu’ils ressentent. Les femmes savent trouver une manière nuancée de parler de leurs émotions, de leur ressenti, alors que les hommes se ferment lorsqu’il s’agit d’échanger sur la qualité de leur relation plutôt que sur des faits concrets.

Cependant, l’homme qui ne dit rien est indéchiffrable, et il n’est pas facile de vivre avec quelqu’un qui ne dit pas ce qu’il ressent. Ne rien dire lorsque le conjoint s’exprime, s’enveloppe dans le mutisme comme on s’envelopperait d’une couverture protectrice, c’est paradoxalement s’exprimer, car il n’est pas possible de ne pas communiquer lorsqu’on est face à un autre être humain. Cette difficulté à parler de la relation, de ce qui se vit dans le couple, peut déboucher sur la violence verbale, puis sur la violence physique.

En vue de changer les mentalités, la promotion de campagnes de sensibilisation sur la question des violences sexuées auprès des divers acteurs politiques et de terrain comme auprès notamment des jeunes et des hommes, nécessite à la fois la mise au point de stratégies de communication et des moyens financiers appropriés. Les textes théoriques et les déclarations d’intention ne manquent pas.

Il s’agit par contre encore de préciser les stratégies et les moyens nécessaires pour leur mise en œuvre. Comme dans le rapport maître/esclave où le maître ne change que sous la contrainte, dans les rapports hommes/femmes, les hommes ne changent que forcés. Par qui ? Par quoi ? En premier lieu par les conséquences des luttes et réflexions féministes, mais aussi parce qu’entre hommes, la guerre est impitoyable et qu’elle ne fait que des vainqueurs : il y va de l’intérêt des hommes de « changer ».

Pour favoriser l’égalité, et combattre l’inégalité sous toutes ses formes, il est nécessaire de sensibiliser les individus et les groupes, à plusieurs niveaux : au niveau de l’opinion politique avec l’aide des médias ; engagement à la fois personnel et public contre la violence ; au niveau des professionnels : aussi bien les enseignants, les juges, les policiers, les travailleurs sociaux ; et de même au niveau des politiques nationales.

Depuis plusieurs années, les gouvernements et les groupes reliés à la santé, la sécurité et les services sociaux investissent des sommes énormes et des efforts considérables pour contrer la violence conjugale et pour modifier la culture et les valeurs qui engendrent ce genre de violence. La violence que ce soit physique, verbale, psychologique… C’est de la laideur. Il faut que les enfants apprennent à la voir puis à la dénoncer. Encourager le développement de la conscience critique, c’est refuser l’aliénation et prôner le droit d’être et d’advenir.

Donc il est maintenant nécessaire que les enfants qui naissent et évoluent dans un contexte de violence apprennent d’abord à la conscientiser, puis à la refuser et, finalement, à la dénoncer.

De même, face à ce consensus c’est bien la nécessité de trouver un langage commun à toutes les personnes concernées par la problématique de la violence, afin que puisse s’instaurer un réel dialogue et de même de baser ce langage commun sur des symboles, qui, tels des signes sacrés « profanes », sont représentatifs de valeurs universelles.

Se sortir de la violence domestique, c’est vouloir changer les relations dans lesquelles il existe de la violence, car la violence n’est que le symptôme d’un problème et non le problème en lui-même. Le fait de quitter la violence domestique passe par des examens critiques de nos manières de penser et d’agir les relations hommes/femmes. Mais cela ne suffit pas.

Afin de lutter contre la violence conjugale, il faut prendre plusieurs mesures dont une éducation non discriminatoire dès l’enfance qui transmet l’égalité entre les deux sexes et inculque la non violence qui doit être adoptée plus tard au sein des foyers.

De même, il faut augmenter le nombre des associations du service social qui travaillent dans ce domaine et renforcer le rôle de celles déjà existantes.

Sortir de la violence, pour les hommes comme pour les femmes, cela suppose aussi de briser le secret, de quitter leurs sollicitudes. Pour les hommes, il faut quitter la peur de perdre le contrôle de ses proches et accepter les différences. Mais cela ne suffit pas toujours. Quitter la violence, c’est ne pas l’utiliser, c’est trouver d’autres manières de parler et de se comporter, aussi de faire détacher des structures incorporées tant chez les femmes que chez les hommes, les effets de domination qui s’accomplissent et se reproduisent dans toutes les institutions sociales, l’Etat et l’école qui résultent sans doute une reproduction de la domination masculine.

Il n’y a pas de « remède miracle » à la violence : pour la prévenir ou résoudre les conflits, il est nécessaire de travailler à long terme sur les concepts évoqués ci-dessus et de façon adaptée à chaque cas, tout en conservant à l’esprit la nécessité de se fonder dans la perspective d’un universalisme différencié fédérateur, mais aussi respectueux de chacun et de chacune, et c’est toujours selon ces principes fondamentaux : au début, il faut élaborer l’égalité des droits entre la femme et l’homme comme un principe primaire, et d’abolir toute entrave institutionnelle juridique, économique, politique et culturelle et c’est par le biais d’une réforme politique.

De même, il faut que la femme soit vraiment active dans le changement et en profit de ce dernier, car on ne peut pas imposer et généraliser un seul système égalitaire car chaque société a sa propre spécificité, sa propre culture, ses propres normes, valeurs et traditions.

Parler du problème, le faire sortir du caché, ne pas le considérer comme tabou, est le début de la solution, on a un long chemin à poursuivre tout en sachant qu’on a beaucoup en ce sens à faire afin de faire sortir les problèmes de la femme de leur généralisation, et de pouvoir traiter ce sujet d’une façon méthodique et objective.

Les sociétés ont changé pour le meilleur et pour le pire car il se crée tous les jours de nouvelles formes de domination. Si on veut que la violence envers la femme disparaisse, il faudrait que la religion, les normes et le groupe social lui-même ne perpétue pas le schéma domination/soumission à tous les niveaux.

Il est temps de révolution que ce soit en France, au Canada et surtout au Liban, afin de rompre l’engrenage de la violence dans le couple.

Une société responsable doit agir en donnant aux femmes les moyens de dénoncer, de se protéger et de protéger leurs enfants, elle doit leur donner des conditions économiques et sociales qui leur permettent de sortir de leur situation, mais surtout et avant tout, des lois et des codes civils protégeant ses droits.

Actuellement, même s’il existe une prise de conscience de la gravité de ce problème, les moyens publics alloués à la lutte contre les violences conjugales sont insuffisants, société, gouvernement et O.N.G. doivent se regrouper et coordonner efficacement.

La prise de conscience, les décisions politiques et les réponses judiciaires doivent s’améliorer.

Des actions doivent être menées auprès des victimes et des conjoints violents, aussi bien il faut sensibiliser les enseignants, les professionnels de l’enfance et les travailleurs sociaux au problème des enfants exposés aux violences dans le couple car il faut intervenir à un stade précoce, c’est la vraie prévention pour s’échapper à une vraie installation des comportements violents.

Il faut condamner le patriarcat, ce système plusieurs fois millénaire d'inégalités, d'exploitation, de privilèges, de discriminations, de valeurs, de normes, de politiques, basé sur la prétention qu'il existerait une infériorité naturelle des femmes en tant qu'êtres humains et sur la hiérarchisation des rôles assignés dans nos sociétés aux hommes et aux femmes. C'est ce système qui génère les violences.

Ce vécu, doit sortir du privé au public, les violences conjugales ont un impact sur la santé des femmes et des enfants et sur la société toute entière vue la relation existante entre le degré de violence envers la femme et le développement des sociétés. Si nous voulons qu’une société soit développée et faite d’individus responsables, il s’agit donc de modifier les valeurs sociales afin de construire une société plus égalitaire et plus respectueuse.