2.3.2 L’économie géographique

Le deuxième courant, représenté par l’Ecole californienne de géographie économique dont Allen J. Scott, Michael Storper et Richard Walker sont les chefs de file, oriente ses recherches vers une explication des relations inextricables entre division du travail, agglomération industrielle et coût de transaction. Ce courant s’appuie sur la théorie de la localisation, l’idée fondamentale étant de comprendre les raisons pour lesquelles les activités économiques se localisent. Cette théorie part du postulat selon lequel les acteurs économiques agissent dans leur propre intérêt et, analogiquement, les firmes choisissent des localisations pour maximiser leurs bénéfices.

Les premières études de Allen J. Scott, au début des années 80, analysaient la relation entre division du travail, coût de transaction et agglomération au sein de l'industrie de l’habillement à Los Angeles. D'autres recherches ont ensuite été effectuées dans l'industrie du divertissement à Hollywood et des enquêtes ont été menées en France et en Italie à la fin des années 1980 (Storper, 1997, préc.). Les auteurs avancent qu’une fois les transactions effectuées avec d'autres entreprises, l'entreprise cherche à réduire le risque de surcharger sa capacité (de production et de main d'œuvre) en bénéficiant de la technologie, de l'ingénierie et du capital d'autres entreprises. Toutefois, la relation est reconnue comme imprévisible et compliquée comme l’écrit Michael Storper :

‘“This raises their costs with geographical distances, and the feasibility of carrying out substantively complex transactions drops for certain kinds of complexity (especially non codifiable or tacit knowledge or where trust is required and full contingent contracting impossible). So agglomeration is an outcome of the minimization of these transaction costs, where such minimization outweighs other geographically dependent production cost differentials […] the advantages of agglomeration are external economies because flexibility lowers input costs (by minimizing factor hoarding) and increases throughput to each firm in the sense that a greater number of external input-output interconnections raises the probability of successful sale or purchase, all other things being equals”. (p. 9-10)’

En bref, l’argument principal de ce courant est que l’agglomération industrielle peut réduire le coût de transaction, en minimisant le risque auquel une firme fait face lors d’une transaction avec une firme géographiquement éloignée.

La Nouvelle économie géographique (Paul R. Krugman, 199136) va renouveler l’approche de l’Ecole californienne. L’analyse par Paul Krugman de la concentration géographique de l'activité productive repose sur des rendements d'échelle. Les auteurs de ce courant théorique proposent trois sortes d’explications. Tout d’abord, la décision de localisation d’une entreprise doit être basée sur une information multiple, venant non seulement de la localité elle-même, mais aussi des autres firmes. Ensuite, il faut que la localité — dans laquelle les firmes peuvent stratégiquement s’installer — dispose de bassins de consommation dont les firmes pourront à tirer profit. Enfin, l’agglomération induit une croissance constante des rendements profitable pour les autres firmes et secteurs de la région. Pour clarifier cet argument, reprenons la relation circulaire de Fujita et Thisse (2001)37. Lorsque les consommateurs s'installent dans une région, ils apportent avec eux des entreprises en raison de l'augmentation de la demande. En conséquence, les avantages de l’agglomération régionale s’accroissent, car les firmes accèdent à des produits intermédiaires et à des biens de consommation à des coûts moins élevés grâce à la réduction considérable des frais de transport. Cela signifie une augmentation du revenu des firmes qui, à son tour, entraîne à une autre immigration. Enfin, la proximité géographique facilite l’obtention par les firmes d’informations locales (notamment celles concernant les document règlementaires) en général plus difficiles à obtenir sans une implantation locale38. Cet avantage peut être trouvé dans toutes sortes d’agglomérations, district, cluster industriel ou pôle de compétitivité.

Notes
36.

KRUGMAN Paul R. (1991). Geography and Trade, MIT Press (MA)

37.

FUJITA, M.,THISSE, J.-F. (2001). Economics of Agglomeration, Cambridge, MA.

38.

Ota M., Fujita M., (1993), « Communication technologies and spatial organization of multi-unit firms in metropolitan areas ». Regional Science and Urban Economics, 23, pp. 695–729.