2.3.3 Innovation, haute technologie et développement régional

Les auteurs appartenant à ce troisième courant articulent leurs travaux autour des hautes technologies, élément clé de leur raisonnement. Ils recherchent les régions dites à « haute technologie » et les étudient afin de faire ressortir les mesures politiques nécessaires pour un similaire développement dans d’autres régions. Ils cherchent aussi à comprendre à quel point les activités économiques sont influencées par la mise en œuvre de hautes technologies (Storper 1997, préc.). Les études sur la Silicon Valley et la Route 128 — à l’évidence parmi les régions les plus attractives pour les chercheurs et le milieu académique — ont donné lieu à des résultats très divers. Certains se sont attachés à explorer les facteurs contribuant à la réussite de la région. Parmi toute une série de facteurs, la relation entre industries et université est présentée comme la clé de voûte d’une réussite régionale. Il faut aussi prendre en compte d’autres conditions de réussite telles qu’une bonne infrastructure ou le climat… D’autres travaux ont avancé que c’est la coalition régionale qui contribue à assurer les ressources nécessaires pour le développement local. Dans les régions de hautes technologies, outre une relation étroite avec l’université (Stanford dans le cas de la Silicon Valley) ou d’autres institutions éducatives, on trouve un lien fort entre la région et les complexes militaires industriels — ou avec une tâche spécifique liée au militaire. Ce sont ces facteurs qui assurent de bonnes conditions de développement de la zone (Storper, 1997).

La recherche comparative entre la Silicon Valley et la Route 128 menée par Saxenian (1994)³⁹ a montré le rôle indispensable des réseaux sociaux au cours de l’évolution de ces deux zones : ceux qui permettent de dégager un mécanisme par lequel l’information et la connaissance circulent bien dans le cluster. Un tel réseau socio-économique rend les firmes plus flexibles en répondant au chaos du marché. Là réside la différence majeure entre ces deux régions. Ce mécanisme a contribué au fait que la Silicon Valley a surmonté des difficultés pendant la période de la guerre froide, tandis que la Route 128 avait du mal à résister à cause de la forte interdépendance entre les firmes, entraînant une baisse du nombre de contrats signés à l’époque.

Le Groupe de Recherche Européenne sur les Milieux Innovateurs⁴⁰ a été créé en 1984 pour étudier les relations entre innovation technique et territoire. Il a bénéficié, notamment, du soutien de la DATAR, et de deux ministères français (Plan Urbain du Ministère de l’Equipement et Ministère de l’Education nationale et de la recherche). Le concept central de l’approche des chercheurs est le milieu innovant, conçu comme « un ensemble territorialisé dans lequel des interactions entre agents économiques se développent par l’apprentissage qu’ils font de transactions multilatérales génératrices d’externalités spécifiques à l’innovation et par la convergence des apprentissages vers des formes de plus en plus performantes de gestion en commun des ressources » ⁴¹ . Fondateur du GREMI, pionnier de l’économie territoriale, Philippe Aydalot a mis en avant la distinction entre l’innovation générée par les entreprises et celle généré par un certain milieu⁴². Bien que cette approche comporte bien des similitudes avec celle dédiée aux différentes formes d’imbrication des activités économiques et technologiques dans les réseaux sociaux de la Silicon Valley, elle propose un nouveau modèle d’interprétation en insistant sur le rôle central du milieu, qui apporte des dispositifs variés pour assurer la coordination des acteurs au sein ces réseaux (Dalla Pria Yan, 2005, préc.).