4.3.1 Nombre et répartition des villages de métier

Dans leur étude sur les métiers artisanaux au Vietnam, le JICA et le MARD ont recensé plus de 2000 villages de métier. Ce chiffre est bien plus élevé que celui précédemment publié par le MARD après une enquête menée en 1998 et 1999 : cette enquête dénombrait 610 villages de métier (les villages exerçant des métiers de traitement de produits alimentaire n’étaient pas inclus dans l’étude). Les données complétées de cette première enquête convergeaient même vers un nombre encore inférieur de 469 villages. L'augmentation considérable du nombre des villages de métier dans le rapport JICA-MARD résulte peut-être de la naissance de nouveaux villages de métier mais aussi des critères déterminés pour les deux études. Selon le JICA et le MARD, un village de métier doit satisfaire à l'une des deux conditions suivantes : (i) plus de 20 % des habitants du village participent à la production artisanale ou (ii) les autorités locales de la commune reconnaissent l'importance de la production artisanale pour le village. Lors de l’enquête précédente, le MARD avait défini d’autres critères, un village de métier devant satisfaire l'une des deux conditions suivantes : plus de 50 % des habitants du village participent à la production artisanale ou le revenu des produits artisanaux doit représenter plus de 50 % du revenu total des habitants. Les critères définis en 2004 étaient plus accessibles que ceux de 1998, ce qui explique le grand nombre de villages de métier dans les résultats du rapport JICA-MARD. Pour notre part, nous pensons que si le JICA et le MARD ont choisi de larges critères, c’est que l’objectif final – établir la carte des villages de métier au Vietnam – était de fournir un support pour l’élaboration de politiques nouvelles. Les critères plus larges devaient permettre aux organismes concernés d'avoir une vue globale sur les métiers artisanaux au Vietnam.

Tableau 1.7 Répartition géographique des villages de métier
Région Nombre de villages de métier Taux (%)
Delta du fleuve Rouge 914 45,3
Nord-Ouest 116 5,7
Nord-Est 247 12,2
Nord central 341 16,9
Sud central 87 4,3
Sud-Ouest 101 5,0
Delta du Mékong 211 10,5
Total 2017 100

Source : enquête JICA-MARD, 2004

Sur le plan géographique, les villages de métier sont nombreux (42,9 %) dans le Delta du fleuve Rouge (au Nord). Les conditions naturelles favorables sont la raison principale de cette concentration. S'y ajoutent d'autres avantages, comme la proximité de la capitale de Hanoï, une main d'œuvre abondante, la possibilité de combiner les activités artisanales avec l'industrie du tourisme et les facilités offertes pour l’exportation. L'attention considérable que portent les autorités locales aux zones attribuées aux villages de métier, notamment celles des provinces de Ha Tay et Bac Ninh131, constitue également un facteur important. Le fait que les villages de métier soient plus nombreux dans le Delta du fleuve Rouge que dans d'autres régions est un fait très ancien. Pour expliquer cette situation, Phan Gia Ben (1957) propose trois raisons : la première, c'est que la communauté des habitants au Nord existe depuis plusieurs milliers d'années et que les métiers artisanaux, transférés d'une génération à une autre, les ont toujours accompagnés ; en revanche il n’existait pas de village de métier dans le Sud jusqu'à l'émigration de la population du Nord vers le Sud au cours de la deuxième moitié du XXe siècle. La deuxième, c'est que la colonisation française a commencé dans le Sud avant de s’étendre dans le Nord et le Centre. Les techniques et produits des jeunes villages de métier du Sud ne pouvaient concurrencer les machines et marchandises françaises. La troisième, c'est qu'au Sud, la surface des terres cultivables était importante et la densité démographique moins forte que dans d'autres régions. La vie des agriculteurs étant assurée, ils n’ont pas cherché à développer des métiers secondaires. Plusieurs centres de production artisanale ont récemment vu le jour dans les régions du Sud-Est, mais le Delta du fleuve Rouge se situe toujours au premier rang, tant sur le plan de la quantité produite que sur celui de la densité des villages de métier. Il est à souligner qu'aucun village dans les provinces des Hauts-Plateaux n'a satisfait les critères du JICA. En revanche le Nord central et le Nord-Ouest suivent le Delta du fleuve Rouge en ce qui concerne le nombre de villages de métier (de 16,9 % et 12,2 % respectivement).

L’enquête 2004 n'a pas été menée dans le but de découvrir de nouveaux villages de métier mais pour établir une carte des métiers artisanaux. 11 produits artisanaux ont été choisis :

  • produits à base de souchet (une sorte de jonc)
  • laque
  • produits en bambou et rotin
  • céramiques
  • broderie
  • textile
  • produits en bois (sculpture, mobilier…)
  • gravure sur pierre
  • papier artisanal
  • estampe (en bois)
  • produits à base de métaux.

Outre les 11 produits susmentionnés, d'autres produits artisanaux ont été enregistrés lors de la réalisation de l'enquête : produits d'origine végétale (produits en souchet, en bambou et rotin non compris), produits traditionnels destinés à la fête du Nouvel An, tresses, baguettes d'encens, tapis, filets de pêche, peignes en ivoire, produits fabriqués par des machines (chaussures de sport, traitement des aliments, matériel de construction, barques...). Ces produits sont fabriqués dans 509 villages, soit 17,1 % des villages de métier.

Ce recensement permet d’affirmer que les villages de métier actuels maintiennent les métiers traditionnels comptabilisés et décrits par Gourou (1936) au début du XXe siècle. Les produits sont cependant beaucoup plus variés, et certains métiers ont disparu ou leur importance s'est réduite. Les nouveaux facteurs (la mondialisation, les investissements étrangers...) qui ont compliqué les relations entre les villages de métier et leur environnement n'ont pas été pris en considération.

Concernant la répartition des villages de métier en fonction des produits fabriqués, les villages fabriquant des produits en bambou et rotin sont les plus nombreux (24 %). Viennent ensuite les villages produisant des textiles (14,5 %), des articles en bois (11,5 %), de la broderie (11,5 %). Cette enquête a recensé 61 villages de métier (2,1 %) réalisant des céramiques et la production couvre des localités situées dans des zones géographiques différentes (non compris les Hauts-Plateaux, le Nord-Est et le Nord-Ouest). Il est à souligner cependant que dans cette enquête un métier n’est considéré comme un métier répandu que si le nombre de villages exerçant ce métier dépasse de 10 % le nombre total des villages de métier dans la région. Ceci explique pourquoi malgré la présence de villages fabriquant des céramiques dans le Nord-Est, ce métier n'a pas été qualifié de métier répandu pour cette région.

Notes
131.

Nous consacrerons un chapitre à l’exposé des politiques locales vis-à-vis du développement des villages de métier.