4.3.3 Le revenu des travailleurs dans les villages de métier

Nous donnerons d'abord des informations générales sur la contribution du revenu des travailleurs dans les villages de métier au développement économique du pays avant d'entrer dans les analyses approfondies. Comme il n’existe pas encore de calculs précis concernant la contribution des villages de métier au PNB, nous ne pouvons que procéder à l'analyse des données du groupe de la production artisanale, de l'industrie et des services dans les zones rurales.

Comme le montre le tableau ci-dessous, la part de l'agriculture dans le PNB n'a cessé de diminuer pendant la période 1997-2002, passant de 25,8 % en 1997 à 23 % en 2002. Cette diminution n'est pas importante mais prouve que l'industrialisation des zones rurales a obtenu des résultats encourageants. En cinq années, la part des industries rurales dans le PNB est passée de 32,1 % à 38,5%. La part des services s’est légèrement réduite, passant de 42,1 % à 38,5 %. La structure économique des zones rurales a donc enregistré des changements suite à l'orientation vers l’industrialisation.

Tableau 1.12 Structure des métiers dans les zones rurales dans le PNB (%)
  1997 1998 1999 2000 2001 2002
Agriculture 25,8 25,8 25,4 24,5 23,3 23,0
Industrie 32,1 32,5 34,5 36,7 38,1 38,5
Services 42,1 41,7 40,1 38,8 38,6 38,5

Source : Département Général des Statistiques (2002)

L'augmentation de la part de l'industrie et des services dans le PNB résulte de la plus forte participation des familles à des métiers non agricoles. Nos calculs sont basés sur les enquêtes sur la campagne, l'agriculture et l'aquaculture menées par le Département général des Statistiques en 2006 : si, en 2001, 19,1 % des familles vivant à la campagne travaillaient dans les métiers non agricoles, ce chiffre a atteint 29 % en 2006.

Tableau 1.13Taux des familles exerçant des métiers non agricoles en 2001 et 2006 (%)
Régions 2001 2006 Croissance
Delta du fleuve Rouge 21,5 40,1 18,6
Nord-Est 10,2 15,4 5,2
Nord-Ouest 6,8 8,5 1,7
Nord Central 16,5 25,4 8,9
Sud central côtier 20,2 31,1 10,9
Hauts-Plateaux 7,9 11 3,1
Sud-Est 35,9 45,7 9,8
Delta du Mékong 19,2 27 7,8
Tout le pays 19,1 29 9,9

Source : Calculs réalisés par l'auteur sur la base des données du Département général des Statistiques, Rapport préliminaire sur les enquêtes concernant la campagne, l'agriculture et l'aquaculture en 2006. Hanoï

Cette croissance concerne toutes les régions mais on constate des variations. Elle s'est réalisée lentement dans le Nord-Ouest, passant de 6,8 % en 2001 à 8,5 % en 2006. Les Hauts-Plateaux ont également progressé lentement, affichant une croissance de 2,1 % (7,9 % en 2001, 11 % en 2006). La croissance est importante dans le Nord-Est (9,8 %) et le Sud central côtier (10,9 %). Le changement le plus spectaculaire s'est produit dans le Delta du fleuve Rouge, où le nombre de familles exerçant des métiers non agricoles s'est accru de 18,6 % (21,5 % en 2001, 40,1 % en 2006). Il est nécessaire de rappeler ici que le Delta du fleuve Rouge est la région qui rassemble le plus de villages de métier.

L'enquête a aussi permis de constater que le revenu n'est pas le même selon le sexe et selon le métier exercé. Le revenu des hommes est en général supérieur à celui des femmes : si la différence moyenne est de 85 000 VND, elle peut s’élever à 293 000 VND (dans la fabrication des produits en métal), à 234 000 VND (dans la fabrication des produits céramiques) ou à 200 000 VND (dans la fabrication des produits laqués). Parmi les produits recensés par l'enquête, seul le métier de fabrication de produits en souchet rapporte aux femmes un revenu plus important que celui des hommes. Pourtant, les données fournies ne nous permettent pas d'analyser en profondeur la répartition des tâches selon le sexe dans les villages de métier. Il est difficile d'arriver à une conclusion, de déterminer si ces différences reflètent réellement l'inégalité de revenu des hommes et des femmes dans des villages de métier. Les diverses recherches soulignent souvent que la répartition des tâches dans les villages de métier dépend de la dureté des travaux, les hommes assurant les travaux plus lourds et les femmes les travaux moins pénibles dans le processus de production. Ces études ne nient pourtant pas les cas où les femmes font les mêmes travaux que les hommes (ou des tâches encore plus pénibles) mais où elles gagnent moins que les hommes.

Tableau 1.14 : Revenu des travailleurs des villages de métier Unité : mille dôngs
Produits/Métier Revenu des travailleurs Moyenne
Masculins Féminins Différence
Produits en souchet 271 304 33 296
Laque 586 386 200 474
Produits en bambou et rotin 333 258 75 288
Produits céramiques 560 326 234 444
Broderie 251 207 44 212
Textile 365 187 178 222
Produits en bois 599 551 48 589
Produits en métal 759 467 292 666
Moyenne 396 311 85 366

Source : JICA et MARD (2002) - calculs réalisés par l'auteur.

Le revenu moyen des travailleurs varie aussi d'un village à l'autre. Les travailleurs dans les villages fabriquant des produits en métal, en bois ou en céramique sont les mieux rémunérés. Leur revenu mensuel moyen est respectivement de 666 000 VND, 589 000 VND et 444 000 VND. En revanche le revenu mensuel moyen reste très modeste dans certains métiers (212 000 VND dans la broderie, 222 000 VND dans le textile). Le chiffre d'affaires des ateliers de production et le revenu des travailleurs dépendent en grande partie des parts de marché des produits qu'ils fabriquent, ce qui explique pourquoi le revenu des travailleurs varie entre des villages fabriquant les mêmes produits. Un travailleur du village de Van Ha (situé dans la banlieue de Dong Anh-Hanoï) fabriquant des produits en bois gagne en moyenne 500 000 à 600 000 VND chaque mois. Un travailleur de Bát Trang(fabrication de produits céramiques) gagne 570 000 VND et un forgeron de Da Hoi gagne 600 000 à 700 000 VND (Mai The Hon et al. 2003)134.

Le revenu des familles travaillant dans l'artisanat est nettement supérieur à celui des familles d'agriculteurs : elles gagnent 4,4 fois plus selon les estimations de Chu Tien Quang (ed. 2003)135. Cette différence s'élève même à 6,9 fois plus pour le village de métier textile de La Phu. Les analyses du JICA et du MARD confirment cette différence : une famille travaillant dans l'artisanat gagne en moyenne 905 000 VND par mois contre 713 000 VND pour des familles ne vivant que de l'agriculture. Il est à remarquer également que le taux de familles pauvres dans l'artisanat n'est que de 3,7 % contre 10,4 % des familles dans d'autres groupes. Ces chiffres corroborent l’importance du rôle joué par les villages de métier, par l'artisanat, dans la lutte contre la pauvreté.

Notes
133.

Sont comprises les familles travaillant dans l'industrie, la construction, les services et autres activités non agricoles.

134.

Mai Thế Hớn et al. (2003), Phát triển làng nghề truyền thống trong quá trình công nghiệp hóa, hiện đại hóa [Développer les villages de métier artisanal et traditionnel dans une époque d’industrialisation et de modernisation], Nxb Chính trị quốc gia, Hà Nội.

135.

CHU Tiến Quang (eds) (2003), Môi trường kinh doanh ở nông thông Việt nam: thực trạng và giải pháp [L’environnement des affaires en milieu rural auVietnam : situation et solution], Nxb CTQG, Hà Nội.