4.4 Les nouveaux défis des villages de métier

Les analyses précédentes nous ont apporté une vue globale des villages de métier et des groupes d'industries artisanales au Vietnam. Si les villages de métiers ont bénéficié d’une forte croissance ces dernières années (tant sous l'aspect de la quantité que sous celui de la qualité) et si leurs produits connaissent un grand succès sur les marchés domestique et étranger, ils n’en sont pas moins confrontés à un certain nombre de difficultés qui freinent leur expansion. Les particularités des villages de métiers constituent à la fois leurs points forts et les défis qu'ils doivent relever. Le MARD (2000)139 a fait une synthèse des divers défis que doivent surmonter les villages de métier.

Premièrement, concernant l'aspect des produits et le marché, les produits artisanaux vietnamiens sont souvent jugés comme des produits de qualité inférieure. La faute en revient à l’absence de machines ou de nouvelles technologies. Les modèles, qui ne sont pas régulièrement actualisés, ne peuvent donc pas répondre au goût de la clientèle. Les producteurs, qui pour la grande majorité dépendent de commerçants intermédiaires, n'ont pas d’accès direct au marché : ils ne sont pas suffisamment renseignés sur les tendances nouvelles du marché et sur les attentes des clients.

Deuxièmement, l'organisation et la production des ateliers n’ont pas encore atteint une taille suffisamment importante, ce qui entraîne des contraintes de capitaux, de technologies, de main d'œuvre.

Troisièmement, comme les analyses précédentes l'ont montré, les infrastructures dans les zones rurales sont insuffisantes. Les conditions indispensables au développement (l'électricité, l'eau potable, les voies de communications, les télécommunications…) restent insatisfaisantes. Dans ces conditions, malgré leur potentiel, les métiers artisanaux ne peuvent pas atteindre un juste niveau.

Quatrièmement, la compétence du personnel gestionnaire pose aussi des problèmes. Il est difficile actuellement de convaincre la main d'œuvre qualifiée de rester travailler à la campagne. Une gestion à l’ancienne, reposant sur des habitudes, pourrait causer de graves problèmes aux villages de métier, particulièrement dans un contexte concurrentiel très dur depuis l'adhésion du Vietnam à l'OMC.

Tableau 1.19 Les difficultés majeures selon les producteurs (entreprises et familles) (%)
Région Matières premières Valeurs
traditionnelles
Capitaux Transport Information sur le marché Gestion Manque d’ouvriers qualifiés
Delta du fleuve Rouge 2,8 1,8 15,8 2,8 15,3 7,2 11,0
Nord-Ouest 3,5 4,2 8,4 7,0 18,2 15,4 21,7
Nord-Est 7,5 1,2 28,6 1,0 34,4 12,3 23,1
Nord central 3,8 2,7 19,5 8,6 24,5 13,8 16,8
Sud central 5,0 0 16,0 7,0 28,0 10,0 24,0
Sud-Ouest 2,4 0,8 5,6 4,0 19,0 15,9 27,8
Delta du Mékong 2,9 0,4 17,3 7,4 16,5 7,7 11,0
Moyenne 3,6 1,8 17,5 4,3 20,2 9,8 15,2

Source : enquête JICA-MARD 2002

Cinquièmement, l'accès au crédit constitue une barrière au développement des villages de métiers. Des formalités de prêts compliquées font rater parfois des opportunités. En outre les crédits bancaires sont accordés aux producteurs qui peuvent hypothéquer leurs biens alors que de nombreuses familles productrices n'en ont pas. Enfin, les intérêts bancaires restent trop élevés au regard du volume de la production.

Des technologies arriérées, un environnement pollué sont aussi des problèmes à résoudre. L’utilisation régulière de technologies obsolètes réduit la qualité des produits, augmente les coûts de production et nuit à l'environnement des habitants.

Le MARD (2000) a relevé les difficultés que rencontrent les producteurs artisanaux. L'enquête JICA-MARD (2004) souligne à nouveau ces difficultés : 20,2 % des villages de métiers accèdent difficilement aux informations du marché, ils ne savent pas ce qu'ils doivent produire et à qui vendre leurs produits. L’insuffisance de main d'œuvre qualifiée pose des problèmes à 15,2 % des villages et l'accès au crédit à 17,5 % d’entre eux.

Les villages de métier ont besoin d’aides, d’actions, de la part des organismes compétents pour réussir à franchir ces obstacles. Des mesures politiques d'assistance ont été prises et publiées, mais leur mise en œuvre est inefficace en raison de la complexité des formalités administratives. Il faudrait rapidement renforcer les relations entre les administrations publiques et les entreprises – et notamment les entreprises artisanales – afin que ces politiques favorables à un grand nombre de producteurs, d’entreprises et de familles, vivant dans les villages de métier, puissent être enfin appliquées avec efficacité.

Notes
139.

MARD (2000), Evaluation de la situation des secteurs non agricoles et des politiques de développement d'ici 2010.