3.3 De 1986 à nos jours

Le VIe Congrès du PCV s’est déroulé en décembre 1986 dans un contexte de difficultés énormes. De nombreux indices fixés pour la période 1981–1985 n’avaient pas été réalisés. Le PCV a reconnu les graves erreurs commises en matière de politique, d’élaboration et de réalisation des stratégies de développement économique pour la période précédente190 . Pour remédier à ces erreurs, ayant pour origine l’esprit de subjectivité et de volontarisme, le Congrès a fixé trois axes principaux pour la période 1986-1990 :

S’agissant des orientations du développement socio-économique, les participants au Congrès ont unanimement déclaré que les politiques économiques devaient valoriser les forces de production existantes et améliorer la productivité et la qualité des produits. Les objectifs principaux du développement économique étaient de « réaliser pleinement toute les forces de production existante, exploiter le plein potentiel du pays et utiliser de manière efficace les aides internationales afin de développer fortement les forces de production et en même temps consolider et améliorer les rapports de production socialistes. »191 Ces objectifs ont été concrétisés dans diverses politiques, dont des politiques de régulation de la taille de la production et de l’investissement. Le but poursuivi était de mettre fin au marasme économique par une restructuration des secteurs d’activité adaptée aux forces de production et conditions locales, dans chaque localité ou zone géographique. Ce système de politiques s’articulait autour de trois grands programmes traduisant les priorités du Vietnam :

Ces programmes traduisaient le souci de fournir suffisamment de marchandises à la population et de constituer graduellement des postes d’exportation. Ces priorités ont favorisé le développement de l’industrie artisanale : la plupart des activités artisanales contribuaient déjà à la production de marchandises pour la consommation nationale et pour l’exportation. Le potentiel de cette industrie en matière de création d’emplois et de production de marchandises a été évalué par le Congrès. Dans ce secteur, plusieurs acteurs interviennent : des coopératives, des foyers d’artisans et des entreprises de production. D’après les estimations officielles, au cours des années 1980, l’activité artisanale a pourvu la moitié du volume des produits de consommation et créé un nombre non négligeable d’emplois. Le rapport politique du Congrès confirme le rôle essentiel de ce secteur :

‘« ‘L’industrie légère, la petite industrie et l’industrie artisanale doivent répondre aux besoins de la population en matière de produits de consommation courante, aux exigences en matière de transformation des produits agricoles, forestiers et aquacoles, améliorer la sous-traitance des produits fabriqués pour l’exportation et augmenter le volume des marchandises produites pour l’exportation et en même temps diversifier les gammes de produits pour satisfaire les choix de plus en plus personnalisés des habitants. » (ibid. p. 714)’

Le VIe Congrès du PCV de décembre 1986 a clairement déterminé la politique de Doi Moi : le Vietnam entamerait son ouverture au monde, son intégration dans l’économie internationale et observerait les règles de la concurrence sur le marché mondial pour se positionner dans le système de division internationale du travail. Le pas décisif de la période 1986–1991 est la promulgation de la Résolution 10 du 5 avril 1988. Aux termes de cette Résolution, les vietnamiens se verraient confier un pouvoir de gestion des matériels de production plus important et bénéficieraient davantage des produits qu’ils fabriqueraient. Dans le domaine agricole, cette Résolution a changé de façon essentielle les rapports de production en attribuant aux foyers d’agriculteurs le rôle d’acteur chargé de la gestion de la production jusque-là joué par les coopératives. Elle a donné aux travailleurs à la fois les droits et les responsabilités dans la production. Il s’agissait là d’une incitation au développement de l’économie des familles de producteurs192.

Le VIIe Congrès du PCV s’est tenu en juin 1991 dans un contexte national de sous-développement et de crise. Pourtant, les grandes lignes déterminées par le congrès précédent s’étaient avérées judicieuses et des résultats significatifs avaient été obtenus, dont la mise en forme d’une économie à plusieurs composantes et le remplacement d’un mécanisme de concentration fortement bureaucratique par un mécanisme dit de marché – cependant soumis à la gestion étatique. Les besoins de la population en produits de première nécessité avaient été globalement satisfaits. L’ouverture économique avait porté des fruits avec, notamment, des progrès dans le domaine des relations économiques extérieures.

Le Congrès a présenté une Stratégie de stabilisation et de développement économique jusqu’en l’an 2000 dont les premiers objectifs étaient « de faire sortir le pays de la crise, et progressivement de l’état de pauvreté et de sous-développement, de stabiliser la situation socio-économique, d’améliorer le niveau de vie des habitants, de consolider la défense et la sécurité nationales et de jeter les bases solides du développement du pays au début du XXIsiècle »193. Un ensemble de lignes directrices destinées à guider le développement de différents domaines ont été définies. On peut citer les trois principales :

Concernant la structure économique, le Congrès a affirmé que l’économie du Vietnam devait sortir du régime de l’autosuffisance pour « se transformer en une économie marchande, qui s’intégrera à l’international, dans laquelle les exportations seront accélérées et les importations nécessaires à la demande nationale effectuées efficacement »194. Les entreprises industrielles publiques devaient être réorganisées dans un souci d’efficacité. Certaines activités industrielles devaient bénéficier d’investissements, leur développement constituant un levier pour le développement d’autres activités. Toutes les activités productives et commerciales de toutes les unités économiques ont été touchées par cette transformation de la structure économique.

Parmi les secteurs économiques mentionnés dans le rapport du Congrès de 1991, l’agriculture, la sylviculture et l’aquaculture demeurent des activités majeures, liées à l’industrie de transformation et à l’amélioration de la physionomie des campagnes. Le rapport a aussi encouragé l’extension des activités non agricoles dans les zones rurales, afin de changer la structure de la main d’œuvre et de réussir l’industrialisation de ces zones.

Le VIIIe Congrès du PCV tenu en juin 1996 a confirmé la politique de renouveau. Un bilan a été dressé sur les résultats de la première période de réalisation de cette politique (1986–1996) : la récession économique avait pris fin, les taux de croissance économique étaient élevés (entre 1991 et 1996 la croissance économique annuelle était de 8,2 %). La structure économique avait évolué et la part de l’industrie augmenté : le secteur agricole représentait 29 % du PIB en 1995 contre 38,7 % en 1990 tandis que le secteur industriel voyait sa contribution au PIB passer de 22,6 % à 29,1 % pour la même période. C’est le VIIIe Congrès du PCV qui a fixé l’objectif d’industrialisation : le Vietnam s’efforcerait de devenir un pays industrialisé avant 2020195.

Le Congrès a fermement affirmé sa volonté de réaliser l’œuvre d’industrialisation et de modernisation du pays. Parmi les six composantes son programme, l’industrialisation des zones rurales est placée au premier rang196 et dans c’est cette composante que le développement des villages artisanaux et des activités artisanales dans les zones rurales est abordé. Les missions assignées aux activités artisanales restaient les mêmes que celles définies lors des précédents congrès, mais une attention particulière a été accordée à leur contribution au développement de l’économie nationale. Dans l’optique d’industrialisation, les secteurs de production non agricole – notamment l’industrie artisanale productrice de marchandises de consommation ou destinées à l’exportation – ont été encouragés à se développer. Le plan quinquennal de développement socio-économique du Vietnam pour la période 1996–2000 prévoyait de « Développer l’industrie de transformation et la petite industrie artisanale dans les zones rurales, dans les bourgs, dans les faubourgs et les autres industries dans les zones urbaines ou dans les zones industrielles. »197 (italique dans l’original)

Les grandes politiques du PCV portaient non seulement sur le développement des activités artisanales mais également sur les relations entre celles-ci et les autres activités économiques. Entre fin 1980 et début 1990, de nombreuses unités de production, incapables de s’adapter aux changements du pays, ont sombré dans la crise. Les secteurs de l’économie d’État et de l’économie collective, notamment, connaissaient de graves difficultés. Pourtant d’autres unités de production ont profité des changements pour s’affirmer et trouver une place sur le marché. Certains villages ont vu leur activité artisanale décliner petit à petit alors que d’autres déposaient des marques commerciales reconnues. Il est certain que le développement des activités artisanales est un bon procédé pour l’industrialisation des zones rurales : elles permettent une transition entre la production agricole et la production industrielle ; elles contribuent à diminuer les taux de chômage et de sous-emploi à la campagne ; elles augmentent le volume des exportations. Au regard de ses nombreuses contributions, l’artisanat en tant que secteur de production est hautement apprécié.

L’objectif d’industrialisation et de modernisation du pays a été renouvelé en 2001 lors du IXCongrès du PCV. Afin de pérenniser les succès manifestes réalisés depuis le « renouveau » engagé en 1986, l’industrialisation a été placée au cœur de la stratégie de développement économique. Il faudrait étudier en détail cette stratégie qui établit les étapes décisives et successives à franchir tout en tirant profit des expériences d’autres pays. Les objectifs fixés étaient de « faire sortir le pays de la liste des pays sous-développés en 2010, d’améliorer nettement les conditions de vie matérielle et intellectuelle des habitants et de jeter des bases de l’adhésion du Vietnam au club des pays industrialisés en 2020 »198. La part de l’industrie dans le PIB était appelée à augmenter dans le but d’une baisse du pourcentage des travailleurs agricoles à hauteur de 50 %.

Dans le rapport du PCV 2001, l’industrialisation des zones rurales conserve un rôle essentiel ; la structure économique rurale est appelée à changer ; l’introduction des technologies dans la production et dans la transformation des produits doit être accélérée ; les liens entre l’industrie, l’agriculture et les services doivent être intensifiés dans les milieux ruraux. Les activités non agricoles – les villages artisanaux sont précisément visés – bénéficient d’aides au développement et continuent à être considérées comme permettant une transition entre la production agricole et la production industrielle et comme un facteur de la réduction des taux de chômage et de sous-emploi à la campagne. Cette approche de développement rural était censée améliorer l’exportation des produits artisanaux d’art.

‘« Elargir des villages artisanaux, développer les pôles industriels, artisanaux et de production des produits artisanaux d’art, délocaliser les industries de transformation préliminaire et de transformation à la campagne et dans les zones où les matières premières sont abondantes ; développer le secteur tertiaire pour offrir des services de fourniture de techniques et d’échange des produits dans les zones rurales… et pour créer rapidement des emplois dans le secteur non agricole » 199 . ’

Le Xe Congrès du PCV, en avril 2006, marque des changements majeurs dans la politique de développement. Le programme politique 2006 poursuit l’objectif d’industrialisation en ajoutant des mesures importantes pour le développement des hautes technologies et la modernisation de l’infrastructure. Il reflète la transition vers l’instauration d’une économie de l’intelligence au Vietnam. Bien que le Congrès n’ait pas souligné le rôle des activités artisanales, le développement et l’industrialisation des zones rurales gardent un rôle majeur. Le développement des activités artisanales est toujours considéré comme un moyen efficace pour réduire les taux de chômage et de sous-emploi à la campagne. Les grandes lignes de développement du secteur artisanal enregistrent cependant des changements. Pour faire face à une concurrence acharnée sur le marché international, « les relations entre les unités de production et de commerce et les clients, les universités et les instituts de recherche devront être renforcées » afin d’améliorer la compétitivité. En 2006, il n’existait pratiquement pas d’échanges d’information ou de coopération entre les entreprises et les établissements de l’enseignement supérieur. Cela explique pourquoi les entreprises rencontrent actuellement des difficultés considérables dans la réalisation des travaux de recherche et des programmes indispensables à leur réussite, surtout dans le contexte d’une intégration économique plus approfondie.

Notes
190.

PCV (2006). Collection des documents du PCV (tome 47), Edition Vérité, Hanoï.

191.

LePCV (2006), Collection des documents du PCV (tome 47), Edition Vérité, Hanoï, p. 711-712.

192.

Đặng Kim Sơn (2006), op. ci t.

193.

PCV (1991), La stratégie de stabilisation et de développement économique jusqu’en 2000, VIe Congrès du PCV à Hanoï.

194.

PCV (1982). Orientations, missions et objectifs principaux en matière économique et sociale pour la période 1981–1985, Rapport présenté lors du Ve Congrès du PCV à Hanoï.

195.

PCV (1996a). Rapport politique du Comité exécutif du PCV, présenté lors du VIIIe Congrès du PCV à Hanoï.

196.

Les six composantes de cette œuvre sont l’industrialisation des zones rurales, le développement de l’industrie, le développement de l’infrastructure, le développement des services et du tourisme, le développement des zones territoriales et l’élargissement et l’amélioration des relations économiques extérieures. Pour plus de détails, voir le site internet du Parti communiste du Vietnam (rapport 1996).

197.

PCV. (1996b). Orientations, missions du plan quinquennal de développement socio-économique pour la période 1996–2000, Rapport présenté lors du VIIIe Congrès du PCV à Hanoï.

198.

PCV (2001a).Rapport politique du Comité exécutif du PCV présenté lors du IXe Congrès du PCV à Hanoï.

199.

PCV (2001b). Orientations, missions du plan quinquennal de développement socio-économique pour la période 2001–2005. Rapport présenté lors du IXe Congrès du PCV à Hanoï.