4.2 Les entreprises publiques dans la nouvelle économie

La Loi sur l’entreprise publique du 20 avril 1995 définit ce type d’entreprise comme une institution économique établie, financée et gérée par l’État, créée pour remplir les tâches socio-économiques désignées par l’État. L’établissement d’une telle entreprise doit être proposé par le ministre (au niveau central) ou le Comité populaire (au niveau local). Le président du Conseil des ministres (le premier ministre) prend la décision finale. Une fois le projet approuvé, l’organe initiateur (le ministère ou le comité populaire) devient l’agence de supervision (« l’organisme de tutelle ») de l’entreprise. L’établissement d’une très grande entreprise étatique (i.e. dotée d’un grand capital et jouant un rôle majeur dans l’économie) ne peut être proposé que par le Président du Comité Central du Planning (Ministère du Plan et de l’Investissement).

Avant la mise en place du programme de rénovation économique, les entreprises étatiques jouaient un rôle crucial dans l’économie du Vietnam. Ce statut a été bouleversé par l’intégration du Vietnam dans l’économie mondiale. Ces entreprises fonctionnaient auparavant sous la protection totale de l’État (notamment au niveau du capital, en cas de perte), mais cette structure ne convenait pas une économie de marché, l’État n’ayant pas la capacité financière pour les soutenir. De nombreuses entreprises publiques ont décliné parce qu’elles n’avaient pas modifié suffisamment leur fonctionnement et leur management après la réforme économique. L’entreprise étatique n’a pourtant pas perdu son statut dominant : l’État a maintenu les pôles économiques composant les grandes entreprises d’État, tout en restructurant ce secteur. La décision 315/HDBT du 1er septembre 1990 du Conseil des Ministres sur la restructuration et la réorganisation des activités commerciales des entreprises étatiques a développé une nouvelle stratégie210. Les entreprises publiques doivent désormais s’orienter vers un nouveau type de management, l’innovation de l’équipement, la diversification des produits… En fonction du chiffre d’affaire, l’État décide de maintenir l’activité ou de prononcer la faillite, et prend les mesures politiques nécessaires concernant les travailleurs qui perdent leur emploi. Aujourd’hui, ce programme de restructuration est considéré comme un des plus importants efforts de l’État pour améliorer l’économie nationale.

La première innovation est que les entreprises gagnent une certaine autonomie : elles définissent librement les prix et déterminent leur plan de production et leur mode de management. Si les grandes lignes du plan de production sont préparées par l’organisme de tutelle (un ministère ou le comité populaire provincial), en vertu du décret 217/HDBT, du 14 novembre 1987 les entreprises exercent un certain nombre de droits211 :

Le droit de recruter directement les employés a été accordé ultérieurement aux entreprises publiques.

Dans un premier temps, cette réforme juridique a soulevé quelques problèmes, nécessitant une circulaire du Ministère des Finances pour clarifier le plan de l’entreprise, l’audit, la comptabilité, l’économie et le paiement des taxes212. L’autonomie financière de l’entreprise publique a fait l’objet de plusieurs décrets du gouvernement. Suite à un projet pilote visant le transfert des droits et obligations concernant le capital (droit d’utiliser et obligation de préserver le capital), le décret 332/HDBT du 23 octobre 1991 a donné un certain contrôle financier aux entreprises publiques213. Les fonds résultant de la vente, du transfert ou de la liquidation des biens immobiliers ne peuvent être utilisés que pour un nouvel investissement immobilier. Tout déficit provenant de « raisons subjectives » doit être compensé financièrement par le budget réservé au développement de la production, tandis que les déficits provenant de « raisons objectives » doivent être rapportés à l’autorité de tutelle qui pourra autoriser une réduction du capital. La structure du management financier de l’entreprise publique au sein du ministère des Finances, elle aussi réaménagée, reflète cette nouvelle répartition des responsabilités financières entre l’État et l’entreprise publique.

L’autonomie et la dissolution de l’entreprise, ainsi que ses droits de propriété, sont règlementés par le décret 462/HDBT du 12 février 1992. Ce décret, qui planifie la poursuite de la rénovation du management des unités économiques, notamment dans le secteur public214, détaille les cinq premières tâches pour mener à bien la réforme des entreprises d’État :

Dans le même but de rénovation, les décisions du premier ministre n° 90/TTg215 et 91/TTg du 7 mars 1994 intègrent les sociétés nationales et spéciales dans le programme de restructuration. La Directive 500/TTg promulguée par le gouvernement216 le 25 août 1995 invite les ministères et les organismes de tutelle à coordonner la restructuration des entreprises avec les plans de développement des branches spécialisées et des régions. La Directive renforce la réalisation de la Loi sur l’entreprise publique de 1995. Les activités des entreprises doivent être catégorisées selon leur nature : entreprise de profit ou entreprise de service public. Celles qui exercent les deux activités seront transformées en entreprises de service public.

Le rapport du IXe Congrès du Parti Communiste, en 2001, souligne l’importance de l’achèvement du programme de restructuration, d’innovation, et d’amélioration de l’efficacité des entreprises publiques dans cinq années suivantes. Il prévoit la mise en place de l’actionnariat et de la privatisation dans les entreprises rentables (dont l’État ne finance pas entièrement le capital) et la fusion, la dissolution ou la liquidation des entreprises peu rentables. Le Parti et le Gouvernement s'engagent à construire un environnement favorable à l’entreprise par une politique incluant notamment la réduction des subventions étatiques, la compétition égale sur le marché, l’autonomie de l’entreprise (l’entreprise est désormais en charge de son destin)217.

Notes
210.

HISEDS (2001). Les politiques spéciales pour le développement de Hanoï, Rapport scientifique, Hanoï.

211.

Natalie G. Lichtenstein (1994). “A survey of Vietnam’s legal framework” in Transition, Policy research working paper, The World Bank. Hanoï

212.

Cf. Ministère des Finances, N° 05/TC-CN, 9 janvier 1991

213.

Cf. Décret 332/HDBT, 23 octobre 1991

214.

Cf. Décret 462/HDBT, 12 février 1992

215.

Décision 90-TTg (7/3/94) Travail pour réformer les entreprises publiques, Décision 91-TTg (7/3/94) Travail pilote pour établir des groupes d'affaires.

216.

Depuis la révision de la Constitution, on parle du « Gouvernement » et non plus du « Conseil des Ministres ».

217.

Parti Communiste du Vietnam, Document du 9 ème Congrès, Politique Nationale, 2001, pp. 96–97.