2.2.3 La formation professionnelle

Une des principales raisons de la pénurie de la main d’œuvre qualifiée réside dans l’absence d’une stratégie de formation adéquate. La situation est particulièrement inquiétante au niveau des villages artisanaux. La formation des artisans a connu peu de changement ces cent dernières années. Dans leurs études sur les activités non agricoles exercées dans les villages vietnamiens, de nombreux auteurs ont conclu que la transmission des savoir-faire dans ce secteur se faisaient par l’apprentissage sur le tas (Gourou P., 1936 ; Vu Huy Phuc 1996281 ; Jamieson N., 2000282). Aujourd’hui, ce type de formation reste répandu dans un grand nombre de villages artisanaux vietnamiens (Tran Minh Yen, 2004 ; Duong Ba Phuong, 2001)283.

Selon l’enquête JICA-MARD 2004, les artisans ont peu d’opportunité d’accès à une formation professionnelle. Seuls 24,2 % des travailleurs bénéficient d'une formation. Ce tauxest élevé dans la menuiserie et la sculpture sur bois (60 %-80 %). Mais ce n’est pas le cas d’autres secteurs, tel le secteur des produits en rotin et en bambou où seuls 20 % des travailleurs sont dûment formés. Les jeunes artisans sont en général peu qualifiés, et le nombre de personnes expérimentées se réduit de plus en plus. L’accès à la formation est d’autant plus difficile que le principe de sauvegarde des secrets de fabrication est une tradition qui persiste dans de nombreux villages. Mais la cause principale du déficit d’artisans qualifiés est la faible qualité du système de formation professionnelle vietnamien.

Tableau 3.4 Taux de travailleurs selon les secteurs économiques (%)
Secteur 2002 2003 2005
L’agriculture, la sylviculture et la pêche 60,90 59,04 56,80
L’industrie et la construction 15,10 16,41 17,90
Les services/ le secteur tertiaire 24,00 24,55 25.35

Le tableau ci-dessus montre une réduction du nombre de travailleurs dans l’agriculture, la sylviculture et la pêche ces dernières années, mais ce secteur occupe encore plus de 50 % de la population active du Vietnam. Il est à noter que 21 % seulement de la population active est composée de travailleurs qualifiés (à peine 43 % d’entre eux ont été formés dans des centres de formation professionnelle). Le rapport sur la structure de la main d’œuvre démontre également un manque important d'ouvriers qualifiés. Le ratio international ingénieur/technicien/ouvrier est de 10/40/200, alors que le Vietnam affiche un ratio de 10/12/17.

En outre, les établissements de formation professionnelle se tournent souvent vers les secteurs présentés comme offrant de grands débouchés. Or le système de formation professionnelle continue de se baser sur une liste des métiers élaborée en 1992. Certaines personnes ont proposé d’établir une nouvelle liste incluant les métiers qui emploient le plus de travailleurs, surtout de jeunes travailleurs, et qui demandent une formation courte : le tourisme, l'hôtellerie, la restauration, et l'artisanat traditionnel... Un changement dans ce domaine permettrait de créer plus d'emplois en faveur des jeunes et de développer l’économie nationale.

Une question se pose : comment les formations sont-elles mises en place dans les villages artisanaux ? Certaines autorités locales organisent des classes réservées aux apprentis mais la qualité de la formation laisse à désirer. Dans la commune de Xuan Thu (district de Soc Son, Ha Noi) la Coopérative de Xuan Thu a organisé une classe pour les apprentis. Dans le village de Kieu Ky (situé à 20 km de Hanoï), la Société Ladoda a financé l’organisation d’une classe afin de répondre à ses besoins en main d’œuvre.

La qualité de ces formations est en général peu satisfaisante et les enseignants ne sont pas très motivés. Le nombre d’apprentis est aussi très modeste. Les autres établissements de production, notamment à Bát Trang, ne s’engagent pas encore dans ce genre d’opération. À Bát Trangles débutants apprennent d’abord des manipulations simples puis ils acquièrent progressivement des techniques du métier. Il arrive que des apprentis quittent un établissement au bout d’un certain temps et continue leur apprentissage dans un autre centre de production.

‘Le village de Bát Trang compte de nombreuses classes de dessin. Les apprentis sont venus d’autres provinces à 40–50 kms de Bát Trang, de la province de Hung Yen par exemple. Il y beaucoup de choses à apprendre. À Bát Trang, on est tous artisans donc on peut savoir quelles sont les faiblesses des apprentis et les aider à combler ces lacunes. Mon mari et moi, nous sommes artisans. Lui, il est tourneur et moi je suis dessinatrice. (Entretien N°36, Famille)’ ‘C’est-à-dire que l’on échange des expériences puis on va aux ateliers pour apprendre le métier (Entretien N° 25, Firme)’ ‘Ici, on recrute des travailleurs artisans. Les dessinateurs viennent de l’établissement de M Hai à Hai Phong. C’est lui qui a organisé les premières classes de dessin dans le village il y a une dizaine d’années. Ici, les travailleurs ne sont pas issus des centres de formation professionnelle mais ils sont majoritairement formés dans l’établissement de M Hai. La production demande de la subtilité, on rencontre au début des difficultés mais après, tout va mieux car on peut recruter des travailleurs qualifiés. (Entretien N° 22, Firme)’

Les autorités locales ont des difficultés à obtenir les ressources financières nécessaires pour la formation de la main d’œuvre locale. La création de l’Association de la céramique de Bát Tranglaisse espérer des mesures efficaces en faveur de la formation professionnelle et du développement des activités commerciales dans les villages artisanaux.

‘La coopération entre les autorités locales de Bát Trang et l’Association de la céramique de Bát Trang a été aussi mise en œuvre dans la formation professionnelle. Cette coopération a pour objectif de développer le métier artisanal du village. Les autorités locales investissent pour une part modeste dans la formation professionnelle et dans des stages, la majorité du financement provient de l’Association de Bát Trang. (Entretien filmé N° 1)’ ‘Faute de ressources financières, les autorités locales proposent à l’Association de la céramique d’une part d’adopter un programme d’action dans le cadre des programmes de cotisation du Service provincial de l’Industrie, ce qui constitue un canal financier important pour la formation professionnelle et d’autre part de créer une Coopérative municipale pour mobiliser davantage de ressources financières. (Entretien filmé N° 1)’

Les stages organisés par l’Association visent à renforcer le savoir-faire des travailleurs mais également à actualiser les connaissances en matière de préservation des métiers traditionnels, de protection de l’environnement, d’application de nouvelles technologies à la production de céramique. Mais les moyens financiers de l’Association sont modestes. Son budget se compose des cotisations des adhérents et des subventions obtenues dans le cadre d’un Programme d’incitation financière placé sous l’égide de la Direction de l’Industrie et de l’Association des Coopératives municipales. Si les contributions de l’Association à la formation professionnelles sont encore modestes, la formation est aujourd’hui mieux encadrée. Par leur coopération avec l’Association, les autorités locales soutiennent la production de céramique.

Notes
281.

GOUROU Pierre (1936) et VU Huy Phuc (1996), op. cit.

282.

JAMIESON Neil (2000), « Làng truyền thống ở Việt Nam » [« Les villages traditionnels au Vietnam »], in Một số vấn đề về nông nghiệp, nông dân, nông thôn ở các nước và Việt nam, Nxb Thế giới, Hà nội.

283.

Duong Ba Phuong (2001) et Tran Minh Yen (2004), op. cit.

284.

Le site du Ministère du Travail, des Invalides et des affaires sociales: www.molisa.gov.vn