Conclusion

Les informations détaillées données dans ce chapitre sur l’organisation et le fonctionnement de Bát Trangmontrent que le développement du village est le fruit du travail de plusieurs autres acteurs, dont les autorités locales, des organisations non gouvernementales (ONG), des associations sociales et professionnelles. Si les autorités locales jouent un moindre rôle aujourd’hui, les associations sociales et professionnelles jouent un rôle de plus en plus important, assurant un fonctionnement stable de la production et du commerce et la promotion de la marque commerciale de Bát Trang. Les problèmes concernant la main-d’œuvre, notamment les difficultés pour embaucher des ouvriers qualifiés, ont été analysés. La formation professionnelle reste insuffisante et peu structurée, il manque une coordination pour assurer une main-d’œuvre de qualité et stable. Le financement des entreprises est difficile, car elles ont encore du mal à accéder aux crédits, surtout au moment de leur création. Le crédit bancaire progresse pourtant et il a des effets positifs sur l’amélioration des technologies et sur la diminution de la pollution de l’environnement. Enfin, dernière question traitée dans ce chapitre, l’étude de l’organisation du travail à Bát Trangatteste des changements importants intervenus après la mise en œuvre de la politique de renouveau. Les relations autour de la fourniture des matières premières ont été bouleversées. La sous-traitance s’est transformée, et elle s’est beaucoup améliorée en termes de qualité. Le changement le plus considérable dans la distribution des produits est l’apparition des clients étrangers, ce qui prouve que la marque de Bát Trangest reconnue au niveau international.

Ce chapitre est structuré autour de notre deuxième axe de recherche qui cherche à démontrer qu’une simple concentration ne forme pas un district industriel. L’expérience des districts de Thaïlande, de Chine (Ganne et Lecler, 2009) et du Vietnam montre qu’il existe de nouvelles formes de concentration, un nouveau type de districts industriels au sein desquels il n’existe guère de coopération inter-firmes. Ces nouveaux districts développent des relations directes avec leurs « assembleurs », qui ne se trouvent pas nécessairement dans les mêmes pays. Les entreprises membres d’un tel district peuvent bénéficier de la mise en place de biens collectifs (infrastructures). Mais dans le cas des districts traditionnels comme Bát Trang, la situation est différente, car la coopération est très importante. Les analyses montrent que l’organisation de Bát Trangse tourne vers une forme de plus en plus organisée. Cela signifie que, outre la proximité géographique, pour mobiliser la synergie locale, il faut d’autres conditions.

Le fait d’avoir concentré en un même lieu les ateliers familiaux et les entreprises opérant dans le secteur de la céramique et de la porcelaine constitue une bonne base pour la coopération future des acteurs. Comme ils fonctionnent autour de la même filière, la coopération devient indispensable. Et l’émergence récente de nouvelles institutions (club, association) pourrait favoriser la régulation des transactions, remplacer les relations spontanées ou informelles. Avec l’introduction de ces institutions, le fonctionnement du district est certainement plus institutionnalisé. Du seul fait de la concentration des artisans, les acteurs de Bát Trangse multiplient, les interrelations deviennent plus inextricables et donnent lieu à une organisation avec des pôles multiples (les acteurs administratifs, économiques, institutionnels…). Ces acteurs se contrôlent mutuellement pour favoriser le bon développement du district. Nous suivons sur ce point les analyses de Torres et Rallet (2005) sur la proximité géographique et la proximité organisée : la transformation de Bát Trangmarque le passage d’un simple regroupement à une proximité organisée, c'est-à-dire à une organisation visant à renforcer et réguler les interactions entre ses membres.