2. Dynamique des politiques locales

2.1 Les politiques locales : de la priorité aux infrastructures aux politiques « souples » pour une forte compétitivité

L'approche du développement économique local (dont le district industriel) a été sollicitée par de nombreux pays ces dernières années. Selon la définition de la Banque mondiale320, cette stratégie a pour but d’améliorer la puissance économique d'une localité et donc d'améliorer sa compétitivité et la qualité de vie de ses habitants. Les autorités locales, des entreprises et des organisations non gouvernementales coopèrent en faveur de la croissance économique et de la création d'emplois dans la localité. Cette définition indique avec précision le point de départ d'une telle approche : elle affirme qu'il faut créer des conditions favorables au développement économique différentes pour chaque localité, selon ses particularités socio-économico-culturels. Parmi les facteurs décidant de la réussite du développement économique local, le système des politiques joue un rôle particulièrement important, surtout pour les pays en transition comme le Vietnam – où les autorités locales se voient accorder de plus en plus d'autonomie dans la détermination des priorités de leurs localités. Plusieurs recherches ont cherché à expliquer les différences de résultats économiques de localités disposant pourtant de conditions socio-économiques et d’infrastructures similaires.

L'analyse des divers facteurs du développement économique des provinces montre une inversion de leur importance : les facteurs traditionnels voient leur importance décroître et laissent la place aux facteurs « flexibles » adaptés à la nouvelle situation. Ainsi les ressources naturelles jouent un rôle de moins en moins important dans la société industrielle et moderne (Luong Viet Hai, 2001)321. Les analyses qui suivent montrent que les facteurs traditionnels (matières premières, main d'œuvre…) perdent de leur valeur dans la société post-industrielle.

Alfred Marshall322 a montré l’importance des conditions géographiques pour un bon développement industriel dans un lieu donné. L'histoire du développement des nations atteste cependant que les ressources naturelles ne constituent pas la condition première du développement économique. D’autres conditions contribuent pour une part importante à l'amélioration des stratégies de développement d'une nation. Les ressources naturelles du Japon sont peu abondantes, pourtant le revenu moyen de ses habitants est un des plus élevés dans le monde, et sa puissance économique et scientifique est mondialement reconnue. D'autres pays, comme Hong-Kong, Taiwan ou Singapour, qui ne possèdent pas non plus de ressources naturelles abondantes, enregistrent une croissance économique forte et continue et figurent parmi les économies les plus dynamiques dans le monde.

Nous pouvons donc affirmer que les ressources naturelles ne sont plus un élément décisif dans le processus de développement économique. Leur utilisation n’est optimale que si elles sont exploitées et employées par des technologies avancées et, de façon plus importante, par des politiques de développement appropriées. Cet argument peut être vérifié par une comparaison entre le développement de la Corée du Nord et celui de la Corée du Sud. La Corée du Sud, pays pauvre en ressources naturelles, a pourtant rapidement développé son économie après la guerre (1950-1953). En moins de 40 ans, la Corée du Sud, pays comptant parmi les plus pauvres de la planète, a gagné le statut de puissance économique. En 20 ans, son revenu par habitant est passé du tiers aux deux tiers de la moyenne de l'OCDE. Plusieurs de ses domaines d’activité sont en période de postmodernité. Par contraste, la croissance de la République démocratique populaire de Corée décline lentement. Sur tous les aspects économiques et sociaux, la Corée du Nord risque de régresser.

Une autre raison pour laquelle les ressources naturelles ne peuvent jouer un rôle fort vis-à-vis de la modernisation est que le poids comparatif des diverses ressources varie. Une ressource naturelle particulière peut avoir, à un moment donné, un rôle prépondérant qui sera transféré à une autre ressource à d'autres moments. Aujourd'hui, avec les technologies avancées, les nouvelles matières et les énergies alternatives, les matières premières traditionnelles auront probablement moins en moins de valeur. Plus les sciences évoluent, plus l'homme est en mesure de créer davantage de biens en consommant moins de ressources.

La main d'œuvre bon marché a de même longtemps été considérée comme un avantage comparatif entre les pays, et en effet de nombreux pays ont amélioré leur compétitivité grâce à cet avantage, comme la Chine, l'Inde ou d'autres pays de l’Asie du Sud-Est. En 2001, le salaire horaire était de l'ordre de 21 USD en Europe, de 16 USD au Japon, de 4 à 5 USD en Chine et variait de 2 à 5 USD dans les pays de l’Asie du Sud-Est (Luong Viet Hai 2001). Ce facteur contribue certainement à attirer davantage d’IDE en provenance des pays développés. Pourtant, une main d'œuvre à bas prix ne constitue jamais un facteur décisif de la modernisation réussie d’un pays. À la suite du progrès rapide des sciences et technologies, les travailleurs se divisent en deux groupes : les travailleurs du premier groupe, composé de personnes qualifiées, trouvent facilement du travail tandis que ceux du deuxième groupe, non qualifiés, considérés comme « en surplus », ont du mal à trouver un emploi.. Aujourd’hui, les éléments participant à la formation du prix du produit sont d’abord les progrès techniques et technologiques et le travail intellectuel – et non plus le travail manuel ou artisanal. Ce sont les technologies avancées (et non une main d'œuvre abondante) qui décident du succès du développement et de la modernisation d'un pays.

Notes
320.

Local economic development (LED) http://web.worldbank.org/

321.

LƯƠNG Việt Hải (2001), Hiện đại hóa xã hội [Moderniser la société], Nxb Khoa học xã hội, HàNội.

322.

MARSHALL A. op. cit.