2.2.1.3 Les failles de la politique locale

Plusieurs études ont confirmé que les entreprises vietnamiennes qui ont réussi maintiennent dans une certaine mesure des relations stables avec les administrations ou avec des entreprises publiques (Webster et Taussig, 1999 ; McMillan J., et Woodruff C. (1999, 2001)331. Les analyses réalisées par le CIEM et l’UNDP (2004) montrent aussi que ces entreprises bénéficient d’avantages spéciaux, d’une protection sur le marché ou sont assistées de façon informelle (sur le prix avantageux de terrains, sur la main d'œuvre, les crédits...). Cette situation a un impact négatif sur la compétitivité des entreprises vietnamiennes en concurrence avec des entreprises de l’ASEAN et d’ailleurs dans le monde. Les associations d'entreprises ne jouent pas encore un rôle suffisamment important pour pouvoir assister les entreprises. Leur rôle se limite à solliciter le Gouvernement pour qu’il aide les entreprises en réduisant les taxes et impôts, en facilitant l'accès aux terrains. Elles ne sont pas encore en mesure de trouver des solutions aux problèmes de formation ou d'information. Cependant la collaboration entre les autorités locales et le secteur privé doit être renforcé. L’étude de Khuong et Haughton montre que pour les entrepreneurs de Hai Phong il s'agit d'un problème urgent (4,0 points) alors que ceux de Hanoï et Hô Chi Minh Ville l'ont jugé moins urgent (3,5 points). Plusieurs recherches affirment cependant que le secteur privé, malgré des relations renforcées avec les autorités locales, bénéficie de moins d'avantages que le secteur public. Pour notre part, nous pensons qu'il s'agit d'une question prioritaire à prendre immédiatement en considération.

Les entrepreneurs relèvent également les faiblesses des administrations – à savoir la corruption des fonctionnaires – et la contrefaçon des produits. La plupart des entreprises déclarent qu'elles doivent donner des pots-de-vin à différentes administrations, telles que la douane ou le fisc, pour que leurs demandes soient rapidement examinées (à voir également Webster et Taussig 1999; Stoyan et al. 2003332). Concernant les opinions des entrepreneurs sur le cadre juridique des affaires, il est difficile d’analyser finement leur tendance (être d'accord ou ne pas être d'accord) car la note moyenne varie de 1 (ne pas être d'accord totalement) et 5 (tout à fait d'accord). Bien que les analyses sur l'environnement juridique et la gestion de l’État indiquent une bonne réalisation des macropolitiques, il reste toujours des contraintes. Par exemple, il est plus difficile d'avoir une licence d’exploitation dans les provinces développées que dans les provinces « en périphérie » où, selon l'explication de Malesky (2004), le délai d'octroi des licences est plus court parce que les ressources foncières sont plus abondantes. Un autre problème posé par la gestion administrative au niveau provincial est l’absence de transparence. Peu d'entreprises peuvent avoir des informations sur les activités des autorités locales, elles sont encore moins nombreuses à recevoir des documents actualisés sur les politiques de l’État relatives à leurs activités. Sur ce plan, les entreprises « en périphérie » se situent loin derrière les entreprises des provinces développées. En plus, les entreprises dans toutes lesprovinces se heurtent à la barrière de la complexité des formalités administratives, qui empêchent le développement de la production et des affaires :

  • les formalités douanières d'un certain nombre de provinces/municipalités développées et de provinces « en périphérie » ayant des portes frontalières (comme Hai Phong) constituent un problème urgent à résoudre ;
  • les activités de contrôle posent également difficulté, surtout pour les provinces « en périphérie » ;
  • le délai d'octroi des licences d’exploitation est trop long ;
  • la corruption grave d'une partie des fonctionnaires est aussi un fléau à combattre.
Notes
331.

McMillan J., et Woodruff C. (2001), Entrepreneurs in Economic Reform¸ Working Paper No. 102, Center for Research on Economic Development and Policy Reform, Stanford University; McMillan J., et Woodruff C. (1999), “Interfirm relationships and informal credit in Vietnam”, The Quarterly Journal of Economics, vol. 114(4), pages 1285–1320

332.

WEBSTER L. et TAUSSIG M. (1999), op. cit. ; STOYAN et al. (2003), Informality and the playing field in Vietnamese business sector, IFC, The World Bank, MPDF. Washington D. C.