Du district au cluster industriel : les voies de développement de Bát Trang

Retournons aux études de cas de Bát Trang, la position de ses entreprises dans la chaîne de la division internationale du travail international est analogue à celle des autres industries, quand la plupart des contrats signés avec les clients internationaux concernent la sous-traitance. Les entreprises de Bát Trang dépendent toutes des clients, notamment en matière de développement de nouveaux produits. Comme nous l’avons décrit dans les parties précédentes, la conception de produit est réalisée et proposée par les clients. En outre, très peu d’entreprises à Bát Trang disposent suffisamment de capital et de ressource humaine pour développer leur propre structure R&D. Les premières vagues de croissance touchent sa fin, Bát Trang, en faisant face à plusieurs difficultés, nécessite un nouveau coup de pousse. Pour être plus compétitive, la VNCI (2003) a proposé les principales stratégies visant à combler les handicaps de ce village métier traditionnel, y compris : (i) Marketing ; (ii) Amélioration de qualité ; (iii) Qualification des travailleurs ; (iv) Liens à R&D et secteur d’éducation ; (v) Liens à tourisme ; (vi) et plan général d’aménagement du village.

(i). Pour le marketing, il faut se concentrer sur trois domaines : construction de la marque commerciale ; promotion du commerce international et consolidation du marché domestique. Jusqu’à maintenant, des efforts ont été faits en ce sens mais les résultats sont médiocres. Le fait d’utiliser une marque collective contribuera à élever la qualité des produits de Bát Trang. C'est-à-dire que pour pouvoir utiliser la marque commune de Bát Trang, les produits doivent répondre aux certains critères déterminés. Ceci est aussi un acte servant à contrôler la qualité des produits.

‘Mais surtout ce sont les familles fabricantes qui s’occupent de tout, même de la propagation de la marque (ou du produit), le village n’apporte pas son soutien. Il n’y a que le club qui fait le travail de publicité, pas le village où habitent les familles. Il n’y a pas beaucoup d’obstacles, par exemple, dans la commune, il y a beaucoup de gens qui ne sont pas très chaleureux. Car, dans cette commune, depuis longtemps il y a des disputes entre les 2 villages, par exemple celui-ci lutte contre l’autre à propos de l’autorité, par exemple. (Entretien N° 36, Famille)’

Bien sûr, l’extrait ci-dessus a montré que cette idée de marketing n’avait pas immédiatement reçu de l’approbation des fabricants, car elle demande des fonds d’investissement pour améliorer les conditions de travail dans leurs fabriques. La propagation et la création d’une marque commune pour Bát Trang peuvent rencontrer davantage d’inconvénients à cause des contradictions existant depuis longtemps entre les villages de Giang Cao et de Bát Trang dont nous avons discuté dans une autre partie dans la thèse. Un autre point auquel il faut faire attention dans la stratégie marketing de Bát Trang est de bien déterminer son client final, au lieu de compter sur les bons de commande des distributeurs internationaux. Contacter en direct les clients aidera les fabricants à mieux deviner leur goût, leur tendance à propos des céramiques. Cela diminuera aussi la passivité dans le processus de fabrication des entreprises. Pour le marché international, des études de goût des clients doivent aussi être réalisées afin de consolider la position de Bát Trang dans le pays. Analogue à la stratégie de développement de la clientèle internationale, avec le marché national, l’important est de pouvoir créer un lien et des échanges d’information entre le fabricant, le distributeur, le détaillant et le client final. Le but final est aussi de chercher à comprendre et à déterminer les goûts et les tendances des clients.

Il faut aussi insister sur le fait que la pénétration au marché international et la consolidation du marché national ne sont pas une tâche facile pour les foyers fabricants, en particulier dans le contexte où leur productivité a encore beaucoup de limites. Les familles reconnaissent ne pas pouvoir réaliser les grosses commandes. Les conditions de fabrication actuelles des familles parviennent difficilement à pénétrer dans les marchés exigeants avec des stricts règlements de critères de qualité.

‘Si les américains ou les Européens commandent beaucoup, alors les familles ne peuvent pas satisfaire car elles n’ont pas de machines modernes pour pouvoir faire jour et nuit. Si les clients demandent une grande quantité de produits pour le vendre dans les supermarchés, alors ils exigent que les produits soient fabriqués identiquement. Or si Bát Trang confie la fabrication aux différentes familles, alors les produits ne seront pas identiques. (Entretien N° 18, Famille)’ ‘Nous orienter à ce but n’est pas possible car faire cela non plus n’est pas simple. Employer une main-d’œuvre ayant fait des études, ce n’est pas simple de les trouver. Ensuite, de toute façon, ces fabricants sont encore de type famille. Ils ont des clients, mais pas beaucoup car ces familles ne sont pas encore des entreprises, don pas de sceau montrant qu’elles ont un fonds à la banque. (Entretien N° 14, Firme)’

(ii). Concernant le problème d’amélioration de la qualité, nous devons admettre qu’il y a vraiment un assez grand décalage entre les produits de Bát Trang. Parmi les causes de cette situation figure un manque de normalisation dans le processus de production des céramiques. Pouvoir le réaliser permettra à Bát Trang de tendre asymptotiquement à la création d’une marque commune comme abordé dans la partie avant. En outre, l’imitation des modèles est un fait présent et répandu : quand un fabricant lance un nouveau modèle dans le marché, très vite les autres fabricants proposent des produits analogues. Ce fait peut nuire à la créativité des entreprises et des fabriques dans le développement de nouveaux produits.

(iii). Quant à l’amélioration de la qualité de main-d’œuvre à Bát Trang. Cette stratégie est issue de la réalité que la formation du métier à Bát Trang se passe actuellement médiocrement, l’informalité, avec une méthode d’apprentissage du métier qui consiste en l’accumulation des expériences transmises oralement d’une génération à l’autre. Personne ne peut nier le savoir-faire des artisans à Bát Trang, néanmoins, le manque des institutions pouvant fournir le service de formation de la main-d’œuvre a nui considérablement au développement de Bát Trang.

(iv). Renforcer le lien avec le design, R&D et la formation est un autre domaine que Bát Trang devra surmonter. Dans notre étude, cette relation est surtout absente, ou est crée plutôt spontanément que de façon organisée. L’absence de ce lien pourrait affecter la capacité d’innovation de l’entreprise et spécialement des familles fabricantes.

‘Pendant 10 ans de production continue, c’est vrai que nous n’avons pas beaucoup innové. C’set pourquoi la céramique de Bát Trang n’a rien de neuf, donc les commandes sont limitées. (Entretien N° 21, Famille)’ ‘Quand ils fabriquent leurs céramiques, leur technique prend de l’avance des centaines d’années par rapport à nous. Eux, ils peuvent réussir à fabriquer 100 céramiques sans en rater aucune, donc, le prix baisse, sans noter que leurs fabriques sont mécanisées, les machines fonctionnent jour et nuit sans arrêt pendant que la force humaine a des limites, nous travaillons manuellement avec une perte de 30%, quand on fabrique 10 céramiques, on en rate 3, en plus, on ne peut que travailler 8 heures par jour. D’où la difficulté de la pénétration. Maintenant, le problème est d’attendre pour examiner les circonstances, tout le monde a pu s’informer à travers les médias (journaux, télé, livres,..), maintenant, il faut attendre pour voir comment est la réalité. Seule une personne active, dynamique, ayant des produits convaincants pourra bien se tenir droit. (Entretien N° 18, Famille)’

Dans la société traditionnelle, un artisan peut exister et se développer la plupart grâce à son « secret professionnel » ou « secret générationnel ». Cette expression existe encore jusqu’à maintenant et influence le mental et les actes des gens de Bát Trang. L’inquiétude de perdre leur secret (donc du préjudice à leur revenu) a dressé des murs qui font obstacle à la coopération, devenue très difficile entre les unités de production. Les échanges d’information visant à améliorer les méthodes de travail sont, cependant, touchés.

‘Ici, jamais de solidarité, chaque famille ne connaît que la sienne. Chacun fait son travail tout seul, même dans un groupe, il n’y aucune entraide car, seulement pour ce métier, on ne peut pas s’entraider, chacun doit s’aider soi-même. L’un ne peut pas compter sur l’autre car chacun suit une tendance différente, ces tendances ne peuvent pas s’ajouter. Si on se raconte tout, il y aura un croisement des méthodes. (Entretien N° 26, Famille)’ ‘Par exemple, ma famille se spécialise en émail craquelé, en émail de verre, mais la famille voisine ne peut faire que des pots ou des céramiques simples, il y en a qui se spécialise seulement en dessin. Chaque famille a leur propre spécialité, elles ne veulent pas perdre le monopole de leur spécialité depuis des générations, c’est pourquoi ils ne veulent pas coopérer. Alors on peut se demander : « Quant aux familles ayant même spécialité de produits, pourquoi elles ne coopèrent pas ? » Là, cela possède sa propre difficulté, non seulement à Bát Trang mais au Viet Nam en général. On dit que 3 Juifs habitant ensemble, ils vont réaliser une grande œuvre. Tandis que 3 Vietnamiens habitant ensemble, il va apparaître des doutes, car les contributions de chacun ne sont pas égales, l’un travaille plus que l’autre, cela est très difficile. (Entretien N° 21, Famille)’

(v). Le quatrième point est de reconnaître Bát Trang comme une destination touristique. Ceci est aussi un point faible, mais en même temps un avantage qu’on peut exploiter à Bát Trang. Ces derniers temps, Bát Trang est devenu une des destinations des compagnies touristiques. À Bát Trang, les touristes, outre leur achat de céramiques, peuvent aussi visiter des monuments reflétant le caractère historique et culturel de la région. Certaines entreprises de Bát Trang ont associé le commerce du tourisme à leur commerce de céramiques.

‘En 1er lieu, nous avons crée des entreprises, nous avons fait attention seulement à l’import et l’export des marchandises. A travers cette activité, nous avons découvert que les clients aiment aussi visiter le village de fabrication. Donc, nous avons changé, nous avons alors organisé un tour pour les étrangers voulant visiter les fabriques. Donc, nos clients peuvent acheter des tours permettant de visiter le village de Bát Trang, ses manières de fabrication des produits artisanaux. Notre entreprise a permis aux visiteurs de regarder les différents chaînons de fabrication d Bát Trang, des techniques simples aux techniques modernes. (Entretien filmé No. 5)’

Néanmoins, les informations, comme les services dans cette activité de tourisme, restent encore très limitées à Bát Trang. Sans compter le système d’hôtels et de restaurants, insuffisant sur le plan de la quantité et de la qualité. Les informations générales du village de Bát Trang sont encore très dispersées. En outre, le problème du climat, de l’environnement, doit faire l’objet de notre occupation car les fabriques rejettent quotidiennement une trop grande quantité d’ordures, de charbon, et de poussière.

(vi). Le dernier point pour promouvoir Bát Trang concerne le plan général d’aménagement du village. La plupart des entrepreneurs reconnaissent qu’ils ont besoin de plus de terrain pour élargir le développement de leurs entreprises. Pourtant, jusqu’à maintenant, des points de concentration pour la fabrication ne sont pas encore achevés, pendant que les conditions pour louer des terrains dans ce lieu sont encore disputées.

‘A moins qu’on fasse son travail tout seul, accumule peu à peu son fonds, pas obligé d’emprunter de l’argent. Maintenant, c’est facile de demander un prêt d’argent, avant, quand on venait de commencer le métier, c’était très difficile. Pourtant, maintenant que le prêt est facile, on ne veut plus emprunter car on a déjà son fonds. En plus, on n’a pas assez de terrain pour élargir ses activités. Nos activités doivent rester ainsi, sans possibilité d’expansion car nous n’avons pas de surface car nos maisons sont très étroites. (Entretien N° 24, Famille)’ ‘Le district souhaite déplacer le village dans la zone industrielle. Pour cela, els entreprises doivent louer la zone, mais le prix de location proposée est trop élevé, c’est pourquoi, c’est aussi difficile. La surface de la zone est 500-1000m2, le prix est cher pour une surface pas vraiment grande. Actuellement, il y a 1 zone de concentration des fabriques. (Entretien N° 10, Firme)’

En fait, l’adaptation lente des villages de fabriques en général aux changements trop rapides du marché provient en partie des influences résiduelles de la société agricole traditionnelle. Cette lenteur et cette stagnation se manifestent en différents domaines dans la façon de raisonner, de travailler, ou la réalisation des plans ou le processus de fonctionnement de la direction. Ces caractéristiques ont pour origine la société agricole traditionnelle et la période du système de subventions budgétaires. Les petits fabricants à la campagne, dans la société agricole traditionnelle, ne tiennent pas compte du facteur temps pour achever le travail. Les habitudes du travail industriel ne sont pas encore vraiment formées et développées. Ces stagnations et cette lenteur de l’innovation proviennent aussi une part du retard de la technologie de fabrication et de l’infrastructure. Cela entraîne la lenteur dans le traitement de l’information, la production et le transport du produit.

Pour que cet ensemble de stratégie puisse aboutir, il faut une mobilisation non seulement de ressource interne mais aussi externe. Ce faire requiert l’implication des acteurs tant économiques que politiques et sociaux. Bien qu’il existe toujours l’héritage traditionnel dans le développement de Bát Trang, de nouveaux acteurs émergent et changent profondément le contexte.

La relation avec la municipalité pourrait être remise en question par l’extension de la capitale de Hanoï. Pour l’objectif d’industrialisation, la politique locale se ciblera davantage sur les zones rurales, plus ou moins oubliées par l’autorité urbaine. Après la fusion, les habitants des zones rurales s’occupent 35-40% de la population Hanoïenne. De plus, la capitale de Hanoï a le plus grand nombre de villages de métier par rapport aux autres provinces. Nous pensons donc qu’une attention particulière pourrait être accordée aux zones rurales par les politiques municipales.

Les nouveaux acteurs institutionnels joueront le rôle de plus en plus important en liant Bát Trang au monde extérieur pour combler les lacunes existantes de ce district industriel. Le club de village de métier, un des nouveaux groupes d’intérêt, regroupe plusieurs producteurs au sein du vieux village de Bát Trang. Il a pour le but de défendre les petits producteurs à travers son rôle dans la création du marché céramique. Il joue également un rôle d’interface entre les producteurs et l’autorité locale. Cependant, le club est une forme d’organisation informelle entre les foyers. C’est une façon de renforcer leur voix dans l’échange entre les foyers et autres acteurs du district.

L’association de la céramique et de la porcelaine de Bát Trang, pour sa part, est une organisation formelle créée par la municipalité. Comme le club, elle joue à l’interface pour représenter et protéger ses membres dans la relation avec le gouvernement ou client international. Elle est assigné aussi à fournir les services qui sont très faibles chez les firmes de village de métier (par exemple : formation, information sur le marché, technologie…). L’association se considère comme l’intermédiaire à résoudre les litiges potentiels entre les membres. La plupart des membres du club sont les foyers fabriquant (généralement enregistré au comité populaire du district) tandis que ceux de l’association sont des firmes enregistrées au niveau provincial.

Le fonctionnement du district céramique Bát Trang est structuré non seulement par les acteurs internes mais aussi par des acteurs venant ailleurs. Etant récemment une destination touristique, Bát Trang devient une zone à double pôle de croissance basée sur le commerce et le tourisme. La présence de touristes, grâce à la voie fluviale et routière, renforce la production de céramique et les services liés au tourisme. De tels changements amèneraient à une nouvelle configuration du district Bát Trang. À part des agences tourismes, la zone Bát Trang peut tirer profits des acteurs extérieurs qui s’intéressent au développement des métiers traditionnels. Il s’agit surtout des projets de développement qui cherchent à améliorer la production et ainsi la capacité gestionnaire, technologique des firmes... Sous leur impact, la production à Bát Trang atteint un nouvel niveau qui requiert la détermination des relations existantes.

Les acteurs économiques (firmes et foyers) sont toujours les plus importants car ils constituent le noyau du district. La production s’améliore sans cesse grâce à non seulement des efforts d’innovation des firmes mais aussi au résultat d’une interaction constante des acteurs. En fait, la division du travail au sein du district pourrait être plus spécialisé car les firmes se focalise sur la production et son amélioration tandis que les activités concernées (formation, l’information…) seront assumé par les autres acteurs comme le club ou l’association. C’est la dynamique de la relation dépendante des acteurs prenants qui assure un changement vif de la configuration du district.