1.2. Le contexte historique des travaux de von Restorff

Avant les travaux de von Restorff, l’effet d’isolement a toujours été testé en étudiant l’effet de la saillance en lien avec la mémoire (Calkins, 1896, Van Burkirk, 1932, Jersild, 1929). Par exemple Calkins a fait varier la position sérielle des items isolés (pour étudier les effets de récence et de primauté), leur fréquence d’apparition (deux ou trois occurences) et leur vivacité (vividness), manipulée par l’intermédiaire de la taille, de la couleur, ou du nombre de chiffres dans une liste de nombres. Ces items rendus saillants par rapport au contexte en général étaient toujours mieux rappelés que les autres. Jersild utilise un matériel expérimental composé de textes biographiques comprenant des phrases suivies ou procédées d’une assertion empathique, lue avec élévation de la voix ou plus lentement que le reste, et accompagnée d’une gestuelle particulière ou d’un coup de poing de l’expérimentateur sur la table. Les phrases rendues saillantes sont mieux rappelées que les autres.

Van Buskirk (1932) s’intéressait aussi à ce qu’il a appelé l’effet de vivacité sur l’apprentissage et la mémoire. Il a comparé un item saillant dans une certaine position à un item non saillant dans la même position. Il a manipulé la saillance physique de syllabes sans signification en faisant varier leur taille ou leur couleur au sein d’une liste de neuf items. Chaque sujet étudiait trois listes de neuf syllabes avant de procéder à un rappel libre. Les présentations et les rappels se poursuivaient jusqu’à ce que les sujets rappellent parfaitement toutes les syllabes. À partir d’une première série, la position la plus difficile à rappeler était identifiée pour chaque sujet et les items saillants de la seconde série étaient placés à cette position sur la liste. Les résultats montrent que ces derniers étaient nettement mieux rappelés que les autres.

La plupart de ces expériences ont été menées pour étudier ce que les auteurs ont appelé la vivacité. Ils ont mis en évidence les effets bénéfiques de la vivacité sur la mémoire, ce qui déterminent clairement que les items isolés sont mieux mémorisés que les items qui ne sont pas isolés.

Le nom de von Restorff est connu grâce à sa mis en évidence de l’influence de l’effet de distinctivité sur la mémoire. Aujourd’hui, tout événement qui sort de l’ordinaire ou qui peut être considéré comme bizarre et, de ce fait, tout ce qui devient plus mémorable, est appelé communément l’effet de von Restorff. Malheureusement, la carrière de von Restorff, bien qu’elle ait bien commencé, a fini assez mal. Elle était assistante post doctorale de Wolfgang Köhler à l’institut de psychologie de l’Université de Berlin. Mais l’influence Nazie commença à se faire sentir dans les universités jusqu’au moment où tous les assistants ont été licenciés à cause de leur origine von Restorff s’est vue dans l’obligation de partir à son tour. Il semble que ce soit à la suite à ces événements que Köhler démissionna pour protester contre la politique de Hitler (d’après Hunt, 1995).

Quand elle travaillait auprès de Köhler, von Restorff a publié deux articles scientifiques. Le premier portait sur ses recherches de doctorat en 1933 et sur l’effet qu’elle a observé alors et qu’on appelle aujourd’hui l’effet von Restorff. Le dernier papier de sa carrière, co-écrit avec Köhler, s’intéressait au rôle de l’intentionnalité des tests de mémoire (Köhler & von Restorff, 1935).