2.2. Modèles abstractifs de la mémoire sémantique

Cette conception sous-entend que la mémoire sémantique peut être considérée comme une mémoire propositionnelle. Les connaissances peuvent être verbalisées et expliquées sous forme de propositions. La description des connaissances sous forme de propositions a été initiée par Kintsch et Keenan (1973) et Anderson (1983). Les connaissances sont stockées dans un réseau sémantique consistant en différents nœuds interconnectés où l’activation peut se diffuser dans ce réseau à partir des nœuds impliqués vers de nouveaux nœuds et d’autres chemins.

Ce sont les modèles en réseau de Collins et Quillian (1969) puis Collins et Loftus (1975) qui sont à l’origine de la représentation architecturale de la mémoire comme un vaste réseau sémantique à l’intérieur duquel l’information est codée et organisée de façon abstraite, amodale, et relativement permanente dans la mémoire sémantique. Le modèle de Collins et Quillian (1969) fait l’hypothèse d’une organisation hiérarchique représentée sous forme de nœuds interconnectés. Le modèle en réseau de Collins et Loftus (1975) reprend l’idée de Collins et Quillian (1969) mais sans souligner l’importance de la structure hiérarchique. Par conséquent, l’organisation de ce réseau, la longueur des liens qui unissent les nœuds en fonction du nombre de caractéristiques communes dépendent de la relation sémantique entre les concepts. Pour les auteurs, les relations entre concepts, définies par les liens entre les nœuds (voir la figure 7 ci-dessous), sont des relations d’ordre sémantique. Néanmoins, on peut voir sur la figure que des propriétés dites sémantiques peuvent très bien correspondre à des couleurs, ou plus largement des propriétés sensorielles. Elles sont ici considérées comme sémantiques car indépendantes des systèmes neuronaux sensoriels qui permettent leur perception (elles sont devenues amodales).

Figure 7. Une représentation du modèle de Collins et Loftus (1975).
Figure 7. Une représentation du modèle de Collins et Loftus (1975).

D’autres chercheurs proposeront un modèle componentiel de la mémoire sémantique comme Smith, Shoben et Rips (1974) qui postulent que les concepts sont représentés par un ensemble de traits. Ils envisagent que les concepts soient associés à des listes de traits appartenant à deux catégories : des traits déterminants et des traits occasionnels. Les premiers englobent les caractéristiques nécessaires et suffisantes pour qu’un exemplaire appartienne à une catégorie, alors que les seconds englobent les caractéristiques spécifiques à certains exemplaires et même parfois uniques.

L’évolution des modèles a permis l’introduction de la notion de prototypie notamment par Rosch et Mervis (1975). Ces auteurs postulent que nous organisons des catégories en nous fondant sur des prototypes, qui sont les items les plus typiques d’une catégorie. Un prototype est un élément qui possède la typicalité la plus forte de la classe. D’après les modèles de la prototypie, le processus de catégorisation est fondé sur l’existence de descriptions abstraites des catégories.

Ces modèles de la mémoire sémantique postulent que les unités de sens, qu’elles soient organisées hiérarchiquement ou en réseau sont des unités abstraites, localisées et figées. Ils ne permettent pas de rendre compte de l’évolution du système nerveux en fonction des informations continuellement captées dans l’environnement et ne permettent donc pas de rendre compte de connaissances en constante évolution. En postulant l’existence d’unités d'information acontextualisées aux propriétés relativement stables et définies, les modèles de la mémoire sémantique n’ont rendu compte que de propriétés abstractives de la mémoire. De plus, ils n’ont pas pris en compte le fait que certaines de nos connaissances sont liées à des évènements particuliers.