2.4.1. Tentatives échouées de l’observation de l’effet de distinctivité avec une tâche implicite

Smith et Hunt (2000), dans deux expériences, ont demandé aux participants de faire, dans une phase d’encodage, soit des jugements de similarité, soit des jugements de différences parmi les items hautement similaires. Plus tard, les participants sont testés avec une tâche explicite (le rappel libre) et avec deux tâches implicites (l’association des mots et la production des exemplaires par catégorie). Les performances dans la tâche explicite ont montré l’avantage attendu des jugements de différences sur les jugements de similarité, alors que la manipulation ont affecté les tâches implicites seulement quand les sujets ont déclaré d’être conscient du lien qui existe entre la phase d’encodage et de test. Pour ces auteurs, ces résultats démontrent le rôle important des instructions intentionnelles pendant la phase test. Ils soulignent l’importance de récupération consciente des événements pour obtenir un effet de distinctivité.

En 1998, Rajaram essaie de contribuer à ce débat en utilisant un paradigme Remember/Know ou R/K (Tulving, 1985 ; Gardiner, 1988; Gardiner & Conway, 1999 ; Gardiner, Richardson-Klavehn, & Ramponi, 1998) dans une expérience dans laquelle elle teste l’effet de distinctivité orthographique. Dans ce paradigme, un jugement « remember » est assigné dès lors que le sujet se souvient avec certitude d’avoir effectivement vu l’item dans la phase d’apprentissage. La certitude est évaluée à partir des détails fournis relatifs à l’épisode précédent. Un jugement « know » est assigné dès lors que le sujet ne se souvient pas avec certitude qu’il a déjà vu l’item en question mais déclare avoir une certaine familiarité avec ce dernier. De ce fait, les réponses « remember » sont considérées comme une mesure de la mémoire explicite car elles proviennent de l’épisode vécu par le sujet et la récupération se fait selon un mode opératoire délibéré (Tulving, 1985 ; Hamilton & Rajaram, 2003) alors que les réponses « know » sont considérées comme issues de la mémoire implicite car le sentiment de familiarité ne nécessite pas d’effort conscient (Gardiner, 1988 ; Gardiner & Parkin, 1990). Les réponses « remember » et « know » sont dérivées d’une estimation de la reconnaissance et de la familiarité.

Dans son étude, Rajaram compare deux conditions dont l’une est la condition d’isolation dans laquelle elle présente les lettres d’une combinaison inhabituelle telle que « subpoena » (un terme juridique dont la fréquence lexicale anglo-saxone est très basse) et l’autre est la condition de non isolation dans laquelle les mots sont composés d’association de lettres communément utilisées en anglais telles que « sailboat – ‘voile’ en français ». Rajaram met en évidence un effet de la distinctivité orthographique pour les réponses « remember », mais elle ne retrouve pas cet effet sur les réponses « know ». Cette recherche a toutefois le mérite d’être, dans le domaine, l’une des premières tentatives de tester la distinctivité avec un paradigme qui teste la mémoire implicite.

En 2002, Geraci et Rajaram utilisent le même matériel et la même phase d’apprentissage pour tester l’effet de distinctivité orthographique avec une autre tâche implicite, une tâche  de complétion de trigrammes. Dans cette étude en inter-sujets, un groupe de participants devait compléter les trigrammes par les premiers mots qui leur venaient à l’esprit alors que le deuxième groupe de participants avait reçu des consignes explicites pour compléter les mêmes trigrammes avec les mots vus pendant la phase d’apprentissage. Les résultats ont mis en évidence un effet massif de la distinctivité orthographique uniquement pour le deuxième groupe. En ce qui concerne la tâche implicite sans consigne, bien que les résultats ne montrent pas d’effet de distinctivité, cet effet apparaît dès lors que les sujets se rendent compte qu’il y a un lien entre les trigrammes à compléter et les mots étudiés. Ces résultats vont donc dans le même sens de la proposition de Weldon et Coyote (1996) qui insistait sur la nécessité de la recollection pour obtenir l’effet de distinctivité.