3.1. Un premier pas vers des connaissances non abstractives : les modèles par exemplaires de la catégorisation

Le passage des concepts définis par des traits vers des concepts issus d’exemplaires a été initié par Medin et Schaffer (1978) qui proposent l’un des premiers modèles de la catégorisation par exemplaire. Selon ces auteurs, les catégories sémantiques se constituent à partir du stockage en mémoire de l’ensemble des exemplaires appartenant à chaque catégorie. Tout jugement d’appartenance catégorielle est alors basé sur une récupération d’exemplaires et non pas sur la récupération d’informations catégorielles. Dans le modèle de Medin et Schaffer (1978), toute forme de connaissance émerge de la réactivation des exemplaires, réactivation d’autant plus importante que l’exemplaire stocké en mémoire est similaire au stimulus à catégoriser. Ainsi, la probabilité de classer l’exemplaire i dans la catégorie j est proportionnelle à la similarité de l’exemplaire i avec les exemplaires de la catégorie j et inversement proportionnelle à la similarité de l’exemplaire i avec les exemplaires des autres catégories. Comme nous pouvons le constater, il s’agit d’un changement radical de perspective par rapport aux modèles de la catégorisation qui considèrent que la mémoire contient des concepts et que ces concepts sont définis par des traits. Cependant, nous ne sommes pas encore en présence de modèles totalement non-abstractionniste. Puisque les exemplaires sont les différents représentants possibles des catégories, ces exemplaires eux-mêmes sont encore des abstractions car ils résument les multiples expériences qu’un individu peut avoir avec chaque représentant. Estes, (1994, 1997) reconnaît, à son tour, que les représentations sont encodées sous forme d’attributs d’objets ou événements. Il propose une architecture cognitive qui envisage la mémoire comme une matrice de vecteurs dans laquelle chaque vecteur constitue une liste d’attributs de certains objets ou événements. Estes suppose aussi que la récupération en cas de catégorisation se fait selon un principe de similarité.

Nosofsky (1988 ; voir aussi Nosofsky, 1991 ; Nosofsky & Palmeri, 1997) est l’un de ceux qui ont initié le passage de la notion d’exemplaire à la notion de trace. Il a montré que la prise en compte de la fréquence des exemplaires améliore les prédictions du modèle de Medin et Schaffer (1978). De ce fait, toutes les rencontres avec les exemplaires sont conservées en mémoire.Son modèle (generalized context model, Nosofsky, 1988 ; 1991) a été développé afin de rendre compte des performances d’identification et de catégorisation. L’avantage principal du modèle est que la récupération d’information se fait suite à un calcul de similarité. L’information présentée sert d’indice à partir duquel les exemplaires sont activés selon leur similarité avec l’indice.