1.1.4. Discussion

Deux résultats principaux ont été obtenus dans cette première expérience : tout d’abord les mots encodés dans le contexte fréquent sont globalement catégorisés plus lentement dans la phase test que les mots encodés dans le contexte rare. Ceci confirme l’hypothèse selon laquelle la distinctivité d’un item et l’accessibilité ultérieure de sa trace en mémoire sont accrues grâce à un contexte moins fréquent que les autres contextes pendant l’encodage. Cependant, il faut souligner que certains effets obtenus grâce à l’analyse par sujets n’ont généralement pas été répliqués dans l’analyse par items. La raison essentielle semble être la grande variabilité des mots utilisés. Même si nous avons essayé de contrôler un maximum de paramètres parasites (longueur, fréquence, homophonie,…), la rapidité d’accès au genre des mots est certainement influencée par de nombreux facteurs, d’où la difficulté à mettre en évidence des effets significatifs de nos facteurs expérimentaux.

Ce premier résultat nous informe qu’effectivement les traces mnésiques contiennent des informations rattachées aux expériences dans lesquelles elles se sont élaborées, et que ces traces épisodiques sont également impliquées dans des tâches a priori non épisodiques, telle que la décision de genre, qui est plutôt une tâche sémantique de catégorisation. Ainsi une tâche de catégorisation de mots peut très bien refléter la situation d’encodage, ce que nous avons montré ici grâce à l’isolation de certains mots lors de l’encodage.

Cependant, le deuxième résultat intéressant de cette expérience semble être en conflit avec le premier : les mots présentés dans la phase test avec un contexte qui était fréquent lors de l’encodage sont catégorisés plus rapidement que les mots présentés avec le contexte qui était rare à l’encodage. Une explication de cette apparente contradiction pourrait être que lorsqu’un mot est présenté en test simultanément avec un cadre dont la couleur était associée lors de l’encodage à seulement 24 des 100 mots de l’encodage, ce cadre, du fait de sa non familiarité était probablement plus susceptible d’attirer l’attention des sujets et donc de ralentir leur réponse. Autrement dit, le sujet passe un peu plus du temps à traiter l’information contextuelle s’il n’a pas eu l’habitude de la voir auparavant. Cette sorte de capture attentionnelle pourrait expliquer pourquoi, pour les items encodés avec un contexte rare, l’effet du changement de contexte entre l’encodage et le test a eu l’effet opposé à l’effet escompté.

Pour vérifier cette explication, nous avons répliqué cette expérience dans une seconde expérience en modifiant la procédure expérimentale. Pour remédier au problème de la capture attentionnelle évoqué précédemment, nous allons présenter les cadres 750 ms avant le stimulus à traiter. De ce fait, les sujets auront suffisamment de temps pour traiter l’information contextuelle avant de s’engager dans le traitement du mot cible.

De plus, nous avons choisi de supprimer en test la condition « Sans Contexte». En effet, il est tout à fait possible de postuler que la condition « Sans contexte» n’est pas perçue comme une condition dépourvue de contexte, mais comme une autre condition de contexte différent (il n’a plus de cadre). Notre objectif était encore une fois de tester l’hypothèse suivante : lorsque l’effet de distinctivité est dû à une information contextuelle, alors un changement dans l’information contextuelle entre la phase d’encodage et la phase test doit être plus problématique pour les items encodés avec un contexte rare (plus distinctif) qu’avec un contexte fréquent (moins distinctif). De ce fait, nous prédisions une interaction entre le contexte d’encodage (fréquent ou rare) et le contexte test (identique ou différent de celui de la phase d’encodage). De plus, lorsque le contexte reste inchangé, nous prédisions des performances supérieures pour les items encodés avec un contexte rare qu’avec un contexte fréquent.