Chapitre 2. Deuxième série d’expériences

2.1.Expérience 1

2.1.1. Objectifs et attentes

Nous avons déjà insisté sur le fait que l’effet de distinctivité peut être obtenu par une multitude de manipulations expérimentales. Par exemple, l’addition d’un intervalle entre les items dans une liste rend ces items plus distinctifs temporellement (Glenberg &Swanson, 1986 ; Neath & Crowder, 1990 ; pour une revue voir Neath, 1993). Un item peut être rendu plus distinctif par la manipulation du contexte intrinsèque (Rabinowitz & Andrews, 1973) ou extrinsèque (la première série d’expérience dans cette thèse ; Oker & Versace, en révision). D’autres travaux ont porté sur l’impact de la valeur émotionnelle des stimuli isolés, comme l’apparition d’image de personnes nues ou de personnes violentées pendant la présentation séquentielle d’un ensemble de personnes (Schmidt 1997, 2002).

L’importance de l’information contextuelle dans l’effet de distinctivité a été soulignée à plusieurs reprises dans l’étude de l’effet de position sérielle en rappel libre. Par exemple, selon l’hypothèse de récupération contextuelle (Glenberg, Bradley, Stevenson, Kraus, Tkachuk, & Gretz, 1980), l’efficacité du rappel dépend de l’efficacité de la réactivation du contexte d’encodage des items pendant la phase test et par conséquent, de la spécificité du contexte d’encodage.

Dans l’hypothèse de la distinctivité temporelle proposée par Neath (1993; Nairme, Neath, Serra, & Byun, 1997), le contexte était la position temporelle d’un item dans une liste. Son hypothèse était que la probabilité de rappel d’un item est proportionnelle à sa distinctivité temporelle. Cette distinctivité est estimée par la somme des distances temporelles des items présentés dans une liste. Mais là encore l’effet de distinctivité temporelle a toujours été étudié avec le rappel libre, afin également de rendre compte des effets de positions sérielles.

Notre deuxième série d’expériences avait deux objectifs :

Tout d’abord, nous souhaitions montrer que l’hypothèse de distinctivité temporelle peut être étendue à une hypothèse de distinctivité spatiale. Nous avons postulé que la probabilité de récupération d’un item serait proportionnelle à sa distinctivité spatiale par rapport aux autres items à encoder. Cependant, le rôle de l’information contextuelle dans notre hypothèse est différent de celui proposé par Smith et Hunt (2000). Ces auteurs ont postulé que la réinjection du contexte d’apprentissage est une obligation pour que l’effet de distinctivité se manifeste. Dans notre hypothèse de distinctivité spatiale, l’information contextuelle spatiale peut permettre à elle seule l’encodage de traces distinctives, et donc augmenter l’efficacité de la récupération de cet item pendant la phase test, même sans que le contexte initial soit rétabli.

Notre deuxième objectif est de nouveau de démontrer que l’effet de distinctivité peut se manifester en catégorisation contrairement à l’idée formulée par certains auteurs (Rajaram, 1998 ; Smith & Hunt, 2000 ; Hunt & McDaniel, 1993).

Dans la première expérience présentée ici, pendant les phases d’encodage et de test, les sujets devaient catégoriser des images selon qu’elles correspondaient à des ustensiles de cuisine et des outils de bricolage. Dans la phase d’encodage, ces images ont été présentées selon deux configurations spatiales : soit à des emplacements proches du centre de l’écran, avec très peu de place entre les images (positions centrales), soit à des emplacements plus éloignés du centre de l’écran, laissant ainsi un espace beaucoup plus important entre elles (positions périphériques). La distinctivité varie donc selon les caractéristiques spatiales de présentation des images : la distance entre les stimuli plus ou moins importante est censée modifier la distinctibilité spatiale des images.

Si l’éloignement spatial des items lors de l’encodage augmente bien la distinctibilité globale des traces laissées par les images, alors les items présentés en position périphérique devraient être catégorisés plus rapidement, en phase test ultérieure, que ceux présentés en position centrale.

Bien entendu, nous nous attendions également à observer un effet d’amorçage à long terme classique : la catégorisation des images déjà vues lors de l’encodage devrait être plus efficace que la catégorisation d’images « nouvelles ».