2.2.4. Discussion de la deuxième série d’expériences

L'objectif de la présente étude était de démontrer que la probabilité de récupération d'un item est proportionnelle à sa distinctivité spatiale par rapport aux autres éléments qui ont été encodés simultanément. Dans notre hypothèse de distinctivité spatiale, plus un élément est spatialement isolé des autres items, plus sa trace mnésique doit être discriminée des traces des autres éléments. Nous proposons donc qu’un contexte spatial puisse augmenter l’efficacité de la récupération pendant la phase test même si le contexte d’origine n’est pas restaurés en test, contrairement l’idée proposé par Smith et Hunt (2000), et même si ce contexte n’a aucune pertinence dans la tâche demandée.

Quand nous avons choisi la configuration distinctive, nous avons fait en sorte que, visuellement, la distance entre les objets présentés soit plus importante en position périphérique qu’en position centrale, cette distance permettant en quelque sorte de « marquer » la trace. L’idée de base était aussi que dans la configuration non distinctive, étant donné que la distance entre les objets était la même en position centrale et en position périphérique, il n’y aurait aucun « marquage » des traces mnésiques dans ce cas là. Les résultats de notre expérience confirment totalement nos suppositions. Dans la condition distinctive, les items encodés dans la position périphérique ont été catégorisés plus rapidement que les items encodés dans la position centrale. Par ailleurs, quand la distance entre les items est contrôlée (dans la configuration non distinctive), aucune différence n’apparaît entre les items encodés dans les positions périphérique et centrale. En même temps, il est difficile de dire quand et dans quelle mesure les distances entre les objets fournissent un repère distinctif. Par conséquent, une suite intéressante des recherches ultérieures pourrait être d'examiner le seuil de distance à partir duquel une cible devient distinctive en comparant différentes distances.

Ainsi, par analogie avec la perception visuelle, nous avons démontré que l’insertion d’un l’espace dans le champ visuel peut rendre un item plus distinctif spatialement dans le même sens que l’insertion d’une intervalle entre l’apparition des items d’une liste peut les rendre plus distinctifs temporellement.

Un autre objectif de notre recherche était de montrer que cet effet de distinctivité pouvait être révélé avec une tâche implicite de la mémoire. En effet, contrairement aux postulats faits dans la littérature (e.g. Rajaram, 1998; Smith & Hunt, 2000), qui supposent que l’effet de distinctivité est uniquement observable avec des tâches explicites de la mémoire, nous avons réussi une nouvelle fois à montrer que cette tâche de catégorisation pouvait être sensible à l’effet de distinctivité spatial.

De plus, pour Smith et Hunt (2000), des instructions impliquant un encodage intentionnel et des instructions faisant explicitement référence à l’épisode d’encodage sont nécessaires pour la réinjection du contexte d’origine ; c’est ce qui permettrait l’effet de distinctivité. Dans le paradigme présenté ici, les sujets n’ont reçu aucune instruction particulière pour mémoriser l’emplacement des items ou pour les mémoriser explicitement. Ils n’ont pas non plus été incités à récupérer, lors de la phase test, le contexte spatial présenté pendant la phase d’encodage. Le contexte d’encodage n’a d’ailleurs pas été conservé pendant la phase test, puisque tous les objets ont été catégorisés au centre de l’écran. De ce fait, nos résultats sont dans la lignée de ceux qui sont obtenus par Geraci et Rajaram (2004) qui indiquent que l’effet de distinctivité peut émerger en l’absence de recollection pendant la phase test. Dans notre expérience, cet effet s’est totalement construit au moment de l’encodage, donc lors de la construction de traces plus ou moins distinctives.