4.3. Le modèle Act-In (Activation-Integration)

Dans un travail récent élaboré par notre équipe (Brunel, Vallet, Oker, & Versace, soumis), nous avons proposé un model appelé Act-In (Activation-Integration) dérivé de la théorie développé par Versace et al., (2002 ; 2009). Ce modèle reprend l’idée formulée par Versace et al., qui consiste à dire que l’ensemble des informations de type sémantique ou épisodique seraient issus du même système mnésique. En d’autres termes, la seule différence entre ces informations est la suivante: une connaissance de type souvenir correspondrait à un état d’activation très proche d’un état antérieur spécifique, alors qu’une connaissance catégorielle ou sémantique serait issue de multiples traces antérieures. En analogie avec ce mode de récupération mnésique, le modèle Act-In propose que les performances issues des tâches implicites et explicites puissent être expliquées au sein du même système mnésique unique.

Ainsi dans une tâche explicite (rappel libre ou indicé) il s’agit de récupérer une connaissance très spécifique (souvent considérée comme épisodique au sens de Tulving) correspondant à une trace particulière (ou à un nombre très réduit de traces). Dans ce cas, l’efficacité mnésique doit dépendre de la distinctivité (ou discriminabilité) de la trace par rapport aux autres traces, mais aussi de l’efficacité de l’intégration des composants multimodaux spécifiques à cette trace. À ce niveau, on peut penser que les composants en lien avec le contexte spatio-temporel de la trace jouent un rôle essentiel (Rousset, 2000). La distinctibilité peut concerner la trace dans sa globalité (l’ensemble des composants intégrés) ou bien des composants isolés. Mais, dans le second cas, la distinctibilité d’un composant ne peut faciliter la récupération explicite que si elle rend la trace plus spécifique dans sa globalité. On voit ici que dans tous les cas, l’intégration intra-trace des composants multimodaux (c'est-à-dire au niveau des composants de la trace) est indispensable pour que cette trace puisse être discriminée des autres traces et donc « récupérée » explicitement.

Dans une tâche implicite, on observe l’influence d’une récupération automatique, non intentionnelle, sur le traitement d’un stimulus cible. Dans ce cas, l’importance du mécanisme d’intégration doit dépendre du type de tâche utilisée. Si la tâche demande le traitement d’une caractéristique perceptive spécifique (par exemple, catégoriser des images en tant que représentant d’objets grands ou petits), alors l’intégration intra-trace devrait jouer un rôle limité. En revanche, la spécificité de l’item et des traces qui lui sont associées en mémoire, sur la dimension cible, a toutes les chances d’influencer la catégorisation. Si la tâche demande au contraire une intégration multimodale (par exemple, catégoriser des images en tant que représentant d’objets ou des animaux), alors tout facteur améliorant la distinctibilité de l’item cible sur une dimension quelconque, ou améliorant l’intégration inter-trace, doit faciliter la catégorisation (sur l’ensemble des traces mnésiques relatives à l’item cible).

En effet, nous avons présenté cette intégration comme rendant compte de l’émergence des souvenirs. Plus la tâche est exigeante (rappel libre, etc.) plus cette intégration sera sollicitée et jouera un rôle important. Elle permettra de rendre cohérentes les différentes dimensions activées par la trace, tels que les aspects visuels, auditifs, fonctionnel, émotionnel, etc. Lors d’une tâche moins exigeante, nous aurons besoin d’intégrer moins de dimensions, ce qui pourrait rendre compte des aspects plus implicites (catégorisation, etc.). Ainsi, nous supposons que les phénomènes implicites et explicites s’inscrivent dans le processus unique qu’est l’intégration mais selon variant sur un continuum. Les phénomènes explicites exigeraient une intégration importante des différentes dimensions alors que les phénomènes implicites seraient « non demandeurs » (ou peu) de cette intégration.