Les sources

Différents choix ont été opérés concernant le choix des organes de presse étudiés. L’option a été prise d’étudier des organes à large diffusion, ceux ayant l’influence la plus large au sein de chaque confession, un lectorat représentatif de l’ensemble des fidèles chrétiens français. Le propos est ici de comprendre si le fait de s’adresser à un large lectorat empêcha les observateurs, rédacteurs, éditorialistes, journalistes d’exprimer certaines idées sur la conception du système, ses effets économiques et sociaux, sa teinte idéologique.

Chez les catholiques, il m’a semblé intéressant de me pencher sur deux organes de presse qui ont pu servir de sources de base à des observateurs qui répercutèrent les informations dans leurs propres organes de presse. Il s’agit des bulletins de l’Agence Fides, agence créée en 1927 par le Conseil supérieur de l’œuvre pontificale de la Propagation de la Foi dans le but de communiquer à la presse les nouvelles missionnaires, bulletins établis grâce à un réseau de correspondants formé de missionnaires, vicaires et préfets apostoliques. Durant la période étudiée, ils ont permis d’avoir un bon tableau de la situation en Afrique du Sud et de la place que l’Eglise catholique y occupa. La Documentation catholique, quant à elle, a repris régulièrement les déclarations épiscopales notamment, donnant ainsi l’opportunité aux lecteurs catholiques de comprendre l’évolution de la mobilisation au sein de l’Eglise catholique sud-africaine. Les autres journaux dépouillés du côté catholique sont le quotidien La Croix et le bimensuel Les Actualités Religieuses dans le Monde/Informations Catholiques Internationales 24 . La fréquence de parution du premier permit un traitement de l’information quotidienne et une couverture événementielle de l’évolution de l’histoire sud-africaine. Le deuxième traita de la question sur une base événementielle mais consacra également plusieurs articles d’analyse, abordant régulièrement la mobilisation des Eglises chrétiennes sud-africaines dans le champ politique et social.

Chez les réformés, les revues Réforme, Christianisme au XXème siècle ont été dépouillé systématiquement. Les Bulletins de la société du protestantisme français et la revue Mission ont été étudiés de manière plus ponctuelle lorsque des dossiers ou des articles de fond ont été consacrés à la question sud-africaine, à des dates « charnières » de l’évolution du pays.

Les groupes et organismes retenus pour cette étude sont, du côté catholique, la commission épiscopale « Justice et Paix » et le CCFD, deux organismes travaillant en lien avec l’épiscopat.

Chez les réformés, l’étude de la mobilisation de deux groupes a été privilégiée : la première est celle du groupe « racisme » (devenant groupe « Afrique du Sud » en 1986) formé au sein de la Commission sociale, économique et internationale (CSEI) constituée au sein de la Fédération protestante de France qui la « chargea » de réfléchir et de travailler sur la question. La Cimade, située aux avant-postes du combat pour les droits de l’homme à l’aile gauche du protestantisme, sera l’organisme au sein duquel s’élaborera une réflexion et surtout des actions d’ordre politique davantage. Le DEFAP, quant à lui, se mobilisa particulièrement par des travaux de réflexion qui se firent souvent conjointement avec la CSEI et la Cimade.

La compréhension de la mobilisation a été recherchée grâce à l’étude de documents internes à chaque groupe ou commission : procès-verbaux de réunions, tracts, organes de liaison, lettres internes…. Autant de sources écrites permettant de comprendre quels furent l’organisation et le fonctionnement interne des groupes, les rapports entre les membres, les moyens d’agir, les points de dissensions… Le caractère interne de ces documents permet d’avoir une approche « brute » de la mobilisation, un aperçu sur l’évolution de ces groupes, la construction d’une prise de conscience, les actions entreprises accompagnées des questionnements, des doutes, des débats…

Des difficultés se présentent au chercheur dans une telle approche, les archives de groupes, commissions, organismes de développement, n’étant pas destinées à être ouvertes au public. Concernant la question de l’Afrique du Sud, il a fallu parfois consulter plusieurs bases de classement, les archives étant parfois éparpillées. Il fut également difficile de consulter certains fonds d’archives, notamment ceux de la commission « Justice et Paix » qui ne me furent que partiellement ouvertes. La consultation des archives de la Cimade a été rendu particulièrement difficile par le fait que la plus grosse partie de ses archives était, pour des raisons matérielles, inaccessibles.

Les Bulletins d’Information Protestante (BIP) tout comme les SOEPI (bulletin d’information du COE)ont été des sources utiles pour comprendre la nature et l’évolution de la mobilisation au sein de la FPF et du COE, l’organe de diffusion de ce dernier ayant souvent été repris par la FPF, servant de base à une information chez les protestants français.

Enfin, la question de la mobilisation de chrétiens autour de la question sud-africaines est avant tout une histoire d’engagement humain. La question prend ainsi toute sa dimension humaine et sensible. Une telle étude a été enrichie par les témoignages de ceux et celles qui firent avancer la réflexion autour de l’apartheid au sein de chaque confession et par ceux qui agirent plus directement sur le terrain sud-africain et en France. Ainsi, le témoignage de Pierre Toulat m’a été extrêmement précieux afin de comprendre l’élaboration de la mobilisation au sein de la commission « Justice et Paix ». Les entretiens effectués avec les pasteurs Michel Wagner, Jacques Maury, Jacques Stewart m’ont permis d’avoir des précisions autres que celles figurant dans les sources écrites, des positions de la FPF et de la CSEI autour de l’Afrique du Sud. Ceux effectués avec d’anciens chargés de mission du CCFD (Dominique Lesaffre) ou avec l’ancien président du Comité René Valette m’ont permis d’appréhender avec davantage d’acuité les difficultés qui ont pu se poser au CCFD concernant leur aide au développement et la nature des projets soutenus. En tant que journaliste majeur concernant la question sud-africaine dans les années 70, il était pour moi évident que le témoignage de Joseph Linagne permettrait un éclairage supplémentaire sur le traitement de la question dans la presse catholique. Les témoins directement impliqués sur le terrain sud-africain ont également été une source d’informations précise, sensible et concernée. Pour cette raison, un chapitre a été consacré à leurs mobilisations. Au delà de ce que l’on peut lire dans les ouvrages traitant du système, les témoignages oraux de Jean-Marie Dumortier, d’Emmanuel Lafont ou encore de Philippe Denis m’ont fait prendre conscience des difficultés qui furent les leurs à mener une lutte d’opposition au régime dans un contexte de répression. Ces témoignages, humbles et précis m’ont également permis de prendre conscience du message porteur du christianisme sous une certaine forme pour les populations opprimées. Enfin, les rencontres avec le dominicain Albert Nolan et tant d’autres acteurs chrétiens de la lutte contre l’apartheid, au delà de leur richesse inouïe, ont notamment permis de comprendre les conditions d’élaboration d’une théologie de la résistance en Afrique du Sud.

Notes
24.

La revue Les Informations Catholiques Internationales, née en 1955 est devenue en 1983 L’Actualité Religieuse dans le Monde.