Regards, mobilisations, enjeux

La structure générale de cette thèse s’articulera autour de trois thèmes, trois aspects de la mobilisation : une première partie traite du regard, ou plutôt des regards que des observateurs chrétiens français portèrent sur les dimensions du système et sur son évolution. Des regards furent également portés sur les discours et engagements de personnalités chrétiennes sud-africaines (ou groupes et instituts) qui témoignèrent et dénoncèrent les effets de l’apartheid. Ils démontrèrent aux Eglises que les chrétiens avaient un rôle à jouer dans cette lutte, en proposant une expression théologique particulière en lien avec le contexte de crise sud-africain. Cette première partie s’attachera ainsi à décrire la façon dont des observateurs chrétiens français appréhendèrent, dans la presse, les dimensions politiques, sociales, économiques et religieuses de la question sud-africaine.

D’observateurs, certains chrétiens français sont devenus acteurs d’une mobilisation. Il s’agira ainsi de retracer la genèse de groupes et mouvements et l’élaboration d’actions sur le terrain. La mobilisation devient histoire de convictions qui s’exprimèrent collectivement ou individuellement, au sein de structures ecclésiales françaises ou directement sur le terrain sud-africain.

Dans un troisième temps, il s’agira plus spécifiquement de comprendre en quoi la question sud-africaine « cristallisa » des questionnements fondamentaux et globaux au sein de chaque confession : chez des catholiques, des gènes ont pu apparaître lorsqu’il s’agit d’aborder les questions d’ordre temporel face à un message sud-africain propagandiste et anti-communiste. L’Eglise réformée de France connut des remous à propos de questions tout aussi essentielles telles que celle de leur relation avec le COE et vis-à-vis de la politique de ce dernier concernant l’aide aux mouvements de libération. La question sud-africaine servit ainsi de « révélateur » à des tensions déjà existantes entre différentes tendances internes au protestantisme.

Chacune des trois parties permet ainsi de comprendre les composantes d’un engagement autour d’une question complexe, de l’impact du sujet de l’apartheid sur des groupes de chrétiens en plein questionnement sur leur propre identité, leur façon d’agir au sein de leur confession et la place qu’ils estiment nécessaire de prendre dans la société et sur des questions d’ordre temporel. Il s’agit de retracer l’histoire d’un lien, d’un regard, de identité d’une communauté chrétienne face à une population opprimée et à des interlocuteurs issus de la même famille religieuse. Malgré cela, l’engagement ne fut-il pas mis à l’épreuve, comme l’évoquait André Brink dans Une saison blanche et sèche, à la persistance d’un « nous » et d’un « eux », ce « nous » et ce « eux » ne se rapportant pas à deux communautés sud-africaines séparées mais à la difficulté, malgré la mobilisation, d’appréhender en profondeur la réalité et l’identité de l’autre.