1-4 La prise de position est légitime

Même si les réformés français comprennent que cette présence française n’eut pas d’effets importants sur la suite de l’histoire sud-africaine, la présence de ce noyau huguenot au 1er siècle de la colonisation blanche est pourtant vécue par les réformés français comme un traumatisme, le symbole de leur participation à la lente élaboration, non pas du système d’apartheid, mais d’une mentalité conservatrice et rigoureuse d’où naîtront les germes d’un racisme qui trouvera son aboutissement dans le système d’apartheid en 1948. On peut donc raisonnablement penser que cet événement historique servit d’impulsion à la prise de conscience des réformés français face au problème sud-africain. Comme je le montrerai à la fin de cette thèse, il fut aussi la source de dissensions et d débats vifs au sein du protestantisme. L’apartheid est donc présenté comme un système emprunt d’idéologie calviniste, élaboré dans un contexte de religiosité intense. Les réformés français trouvèrent donc une légitimité à réagir au système d’apartheid, estimant qu’ils ne pouvaient pas passer sous silence l’utilisation de leur foi à l’élaboration d’un système raciste. Plus qu’une question politique, la question sud-africaine fut alors perçue comme une question à composante religieuse, composante qui leur donna toute légitimité aux réformés à se positionner.

‘« Parler de l’apartheid en Afrique du Sud n’est pas « faire de la politique ». C’est d’abord « faire de la théologie » autrement dit parler de la façon dont la parole de Dieu est comprise et des conséquences qu’on tire de l’Evangile 53  ».’

Il est ainsi difficile de savoir quelle place aurait été celle de l’apartheid dans la presse réformée si il n’y avait eu aucune présence française en Afrique du Sud…

L’intérêt des réformés français pour l’histoire religieuse de l’Afrique du Sud et la composante française de sa population servant de prétexte à leur implication, ils ne cesseront pas de rappeler l’essence théologique du système d’apartheid, insistant sur les textes bibliques utilisés pour conforter le projet et la mise en place d’un développement séparé pour le pays.

Mais en dehors de ce lien historique et religieux quelque peu « embarrassant », les milieux chrétiens français catholiques et protestants, réagirent à des liens contemporains beaucoup plus concrets, des liens de nature politique et économique.

Notes
53.

Maurice PONT, Journal des missions évangéliques, spécial Afrique du Sud, n°4-5-6, 1977.