3-2 L’instrumentalisation des textes bibliques

D’autres épisodes de l’Ancien Testament servent aux Afrikaners à prouver la volonté divine de séparation des peuples. Ainsi, divers épisodes pris dans Genèse sont utilisés comme Genèse 1 (Dieu doit séparer les éléments pour créer le cosmos), Genèse 9,1 (Dieu bénit Noé et ses fils en lui disant : « Soyez féconds et prolifiques, remplissez la terre »), Genèse 10 (la répartition des Nations se fait entre les fils de Noé), Genèse 11 (épisode de la tour de Babel), Deutéronome 32,8 (Fixation du territoire des peuples suivant le nombre des fils d’Israël), Lévitique 25,44 (« C’est des nations qui vous entourent que tu prendras ton esclave et ta servante »).

Cette perspective de séparation des peuples est entérinée par le Nouveau Testament. Le récit de la Pentecôte dans Actes 2, 5-11 va dans ce sens, tout comme Actes 17,26 (fixant des limites à l’habitat des races).

L’assomptionniste Bruno Chenu a beaucoup travaillé sur la question de la « religion de l’apartheid ¹⁰³» ou « religion civile ¹⁰⁴ » s’incarnant dans l’apartheid. En plus de cet argument biblique, il en expose 3 autres utilisés pour attester de la teinte chrétienne de l’apartheid :

• Un argument historique reprenant les principaux événements de l’histoire afrikaner dévoilant le statut de « peuple élu » des Afrikaners.
• Un argument théologique révélant « une théologie de la création qui va déboucher sur une sacralisation de l’idée de nation ¹⁰⁵  » et que « le dessein de Dieu s’épanouit dans le caractère propre de chaque nation ¹⁰⁶  ».
• Un argument missionnaire : les Afrikaners se savent envoyés par Dieu pour propager la vraie foi et les Lumières de la Chrétienté. Mais comme le dit Bruno Chenu, l’histoire de l’Afrique du Sud du XXème siècle montre que « le messianisme chrétien est devenu messianisme racial ¹⁰⁷  » et que « la vocation chrétienne est devenue progressivement une vocation blanche et capitaliste ¹⁰⁸  ».

De nombreux chrétiens français répercutent ainsi dans la presse le choc de l’utilisation de tels arguments. Ainsi Ariane Bonzon dans Réforme affirme que « la légitimation théologique de l’apartheid ne peut laisser les protestants français indifférents ¹⁰⁹  » alors qu’en première page du Christianisme au XXème siècle, Anne-Marie Goguel affirme avec force la nécessité de réagir à une « hérésie » mise en place afin de trouver « un pseudo salut dans la préservation de l’identité raciale ¹¹⁰  ».