4-4 Le document « les relations humaines à la lumière des Ecritures » : répercussions dans la presse et interprétations

Quelques articles dans les années 70 vont réagir à un texte émanant de la NGK124 :

‘« Je viens de recevoir une brochure très bien imprimée, sur papier glacé, intitulée : les relations humaines à la lumière des Ecritures, et rédigée par l’Eglise réformée hollandaise de Cape Town – Pretoria […]. Ce texte a été écrit en 1974, mais il a été réédité récemment et agrémenté de notes concernant l’année 1976 ; il vient de nous être envoyé, probablement par l’ambassade de R.A.S 125  ».’

Ce texte, rapport du synode de la NGK tenu en 1974126, semble avoir été largement diffusé dans les milieux chrétiens français. Le rapport (traduit en français) arrive dans un contexte bien particulier et à une période où l’ambassade d’Afrique du Sud pense sans doute utile d’améliorer son image à la suite des émeutes de Soweto et de la vague de répression qui a touché plusieurs organes de presse et plusieurs organismes religieux durant l’année 1977.

Le fait que la brochure ait été envoyée à l’Eglise réformée française n’est bien sûr pas un hasard à une période où les réformés français commencent à s’insurger avec vigueur contre la participation et le soutien de l’Eglise hollandaise au régime d’apartheid.

Bertrand de Luze fait également dans son article une présentation précise du texte de la NGK qui précise son rôle en ce qui concerne le sujet des relations humaines entre les races, rappelant que les Ecritures enseignent « la vue d’une humanité unique, répartie en un certain nombre de races, de peuples et de nations différentes 127  », une vue qui est en conformité avec la Volonté de Dieu.

Le document rappelle la tâche de l’Eglise d’être auprès de chaque nation, « consciente de sa position stratégique en tant qu’intermédiaire 128  » tout en rappelant la nécessité du maintien d’Eglises séparées pour chaque groupe129.

Bertrand de Luze remarque que le document met l’accent sur le caractère néfaste des mariages inter-raciaux, contraires aux Ecritures et considérés comme une « offense qui entraîne une flétrissure sociale 130  ».Interrogatif devant le contenu de ce document pourtant « écrit par des hommes sincères », Bertrand de Luze dans Réforme choisit de s’adresser directement aux chrétiens de l’Eglise réformée hollandaise sans crier au scandale :

‘« Dieu vous a-t-il donné mission ou permission d’organiser les rapports entre les peuples blanc et noir d’Afrique du Sud, tous citoyens de la R.A.S, de votre seule autorité, sans tenir compte des désirs en revendications des noirs et en leur imposant par la force ce que vous estimez être le meilleur pour vous et pour eux 131  ? »’

Bertrand de Luze s’interroge ainsi devant les exigences d’amour et de justice dont se réclament les chrétiens réformés de la NGK132 alors que l’Afrique du Sud s’enfonce dans la violence et que le gouvernement fait preuve d’une répression de plus en plus radicale vis-à-vis des populations noires et des opposants au régime d’apartheid.

La même année, Maurice Pont dans Le journal des missions évangéliques s’arrête aussi longuement sur le document de la NGK en reproduisant, sur 7 pages, de nombreux extraits de la brochure portant sur les enseignements de l’Eglise en matière raciale133. Maurice Pont se « contente » cependant de reproduire ces passages sans commentaire ni critique. Par contre, un sous-titre de l’article, « le calvinisme est-il à l’origine de l’apartheid ? » montre bien la difficulté des réformés français à accepter ce postulat et de reconnaître qu’une Eglise réformée, par son lien étroit avec le pouvoir politique en place, donne sa caution théologique et consente à l’établissement du système d’apartheid.

Le sujet est encore d’actualité en 1984 : dans un article de Réforme, Daisy de Luze rappelle les fondements théologiques de l’apartheid et l’enseignement de la NGK :

‘« L’Eglise a emboîté le pas, proclamant d’une part la supériorité du « peuple élu » mais n’oubliant pas, d’autre part, que sa mission est d’annoncer l’Evangile aux peuples de couleur vivant à ses portes 134  ».’
Notes
124.

« Les relations humaines à la lumière des Ecritures. Présentation abrégée du rapport approfondi sur les relations humaines en Afrique du Sud, envisagées à la lumière des Ecritures, avec l’approbation du Synode général de l’Eglise Réformée Hollandaise (Nederduitse Gereformeerde Kerk) », rédigé par le Directeur des Affaires Œcuméniques (Pretoria), publication de l’Eglise Réformée Hollandaise (Cape Town – Pretoria), octobre 1977, 23 p.

125.

Bertrand de LUZE, « Questions à nos frères réformés d’Afrique du Sud », Réforme, n°1701, 29 octobre 1977, p. 3.

126.

C’est à l’occasion de ce synode que la NGK prit la décision de rompre ses liens avec « l’Eglise-mère » d’Hollande. Cette décision traduisit notamment la décision de s’affranchir d’une Eglise membre du COE et à ce titre, cotisant depuis 1969 au « fonds spécial » du Programme de Lutte contre le Racisme du COE.

127.

« Les relations humaines à la lumière des Ecritures », op.cit., p. 4.

128.

« Les relations humaines à la lumière des Ecritures », op.cit., p. 10.

129.

Le synode de la N.G.K de 1829 demande que la Communion soit donnée « en même temps à tous les membres de l’Eglise sans distinction de couleur ou d’origine ». Un revirement s’effectue lors du synode de 1857 : « Le synode estime qu’il est désirable et conforme à l’Ecriture que ceux de nos membres qui viennent du paganisme soient acceptés et incorporés dans les assemblées existantes, partout où c’est possible. Mais là où cette façon de faire empêcherait, à cause de la faiblesse de certains, l’action du Christ parmi les païens, les assemblées établies parmi les païens ou qui y seront établies à l’avenir, jouiront de leurs privilèges chrétiens dans un bâtiment ou une institution séparée » in Bruno CHENU : Théologies chrétiennes des tiers mondes, Paris, Le Centurion, 1987, p. 100.

Ainsi, la N.G.K a crée à partir de 1881 des Eglises de mission séparées dite « Eglises filles » : la Nederduitse Gereformeerde Sendingkerk pour les métis, la N.G.K in Afrika pour les noirs et l’Indian Reformed church pour les indiens.

130.

Les relations humaines à la lumière des Ecritures , op.cit., p13. Le document poursuit par : « Dans les Saintes Ecritures, l’accent est mis sur le problème du métissage entre Israël et les nations païennes environnantes, et à ce titre, il était considéré comme un problème fondamentalement religieux – lié, selon ce point de vue, à la survivance d’Israël comme peuple élu du Seigneur » (p. 13).

131.

Bertrand DE LUZE, « Afrique du Sud : ce frère dont tu fais un étranger » (1977), op.cit., p. 3.

132.

« Mais le développement séparé ne peut jamais être promulgué sur la base de considérations égoïstes ; il ne peut être envisagé que dans la mesure où l’on croit que, par ce moyen, les exigences de justice et d’amour pour le prochain seront mieux satisfaites », in Les relations humaines à la lumière des Ecritures, op.cit., p. 18.

133.

Maurice PONT, « Spécial Afrique du Sud » (1977), op.cit.

134.

Daisy DE LUZE, « Des craquements dans l’apartheid » (1984), op.cit., p. 8.